L’actualité

RETENIR ALKHALIDEY

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Père irakien et mère marocaine égalent cocktail grisant : Adib Alkhalidey, air

d’ado pas fini, yeux écarquillé­s, sourire tatoué. Diplômé de l’École nationale

de l’humour en 2010, Découverte 2013 au gala des Olivier, auteur pour Maxim

Martin et Eddy King, chroniqueu­r à la radio et à la télé, où on l’a vu, à

Un gars le soir, mener un reportage absurde sur la ville de Longueuil, dont il adoptait pour l’occasion la fameuse

coupe de cheveux. L’humoriste de 25 ans comprime son ambition : « J’essaie d’être aussi drôle qu’intéressan­t. » Qu’il raconte l’accident d’un orteil ou sa

haine de l’hiver. Fana de Jacques Brel, « peut-être [s]a plus grande influence », et ce

n’est pas une blague, il a requis, pour la mise en scène de son premier spectacle (en rodage tout l’été — dates :

adibalkhal­idey.com), les services du trop humble

Martin Matte. Pourquoi ne pas avoir suivi le conseil deMartin Matte, qui, comme on le voit dans une très amusante séance de travail diffusée sur YouTube, vous recommande de changer de nom? Je me suis dit que si les gens avaient réussi à retenir Schwarzene­gger [Arnold], ils pouvaient bien se souvenir d’Alkhalidey. Moi, ça ne m’amêmepas pris cinq minutes à m’y faire! Avec quoi comptez-vous attirer le public: du miel, du vinaigre, vos cheveux en érection? Les cheveux ajoutent à l’intrigue. Mais je veux attirer les gens parce que je les aime. Cela vous semble-t-il une accroche raisonnabl­e?

Non. Définissez votre humour. J’ai peur d’avouer que je suis un humoriste qui veut dire quelque chose, car je n’ai pas envie que les gens pensent qu’ils vont s’ennuyer, que je vais être moralisate­ur. J’ai beaucoup de respect pour la tribune et pour ceux qui acceptent de venir m’écouter pendant une heure trente. Même mes amis ne m’écoutent pas aussi longtemps, et ils ne veulent pas payer pour m’entendre! Qu’y a-t-il à votremenu: émigration, intégratio­n, racisme? À mes débuts, je trouvais important de parler de racisme, jusqu’à ce que je me rende compte que les gens qui venaient voir Adib Alkhalidey en spectacle n’avaient aucun problème avec « l’autre », qu’ils étaient déjà dans mon équipe.

Arrivé au Québec à l’âge de huit mois, j’ai grandi dans les stéréotype­s de la famille immigrante. Mon père, qui ne parle pas encore vraiment le français, a été chauffeur de taxi toute sa vie ici, alors que, féru de littératur­e, il dirigeait une école au Maroc. J’ai choisi d’être québécois sans renier mes origines : si un jour je retourne auMaroc, je serai marocain par égard pour les gens avec qui je cohabitera­i. Au fond, la principale question n’est-elle pas: « Comment faire pour vivre avec les autres? » Envieillis­sant, j’ai découvert que mêmesi tu n’accomplisp­asgrandcho­se, mais que tu ne fais de mal à personne, tu réussis ta vie. Moi, j’aime tellement le monde que si quelqu’unnemerenv­oie pasmon sourire, il me détruit. Vous êtes une petite chose fragile. D’autres faiblesses à confesser? Ma blonde, qui étudie en psychologi­e, détecte parfois chez moi un trouble obsessionn­el compulsif. Quand je vis des périodes angoissant­es, je peux rester quatre heures sur Facebook à observer ce que des gens, que je ne connais absolument pas, écrivent et font. Àl’épicerie, je scrute le panier de provisions des clients, je m’introduis dans leur bulle. Je pense que je leur fais peur… Ce qui n’est pas l’idéal pour un humoriste. Et si vous faisiez un flop avec votre premier spectacle solo? J’irais l’essayer en France ! L’hiver dernier, je suis tombé au moins 160 fois en étrennant ma planche à neige. Mon corps, ma tête me disaient : abandonne donc ! Mais le petit Adib, lui, s’accrochait: allez, relève-toi, tu vas l’avoir. Aujourd’hui, je peux faire du slalom.

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