PRIVILèGES DéPASSéS ?
La religion doit-elle encore être considérée comme une oeuvre de bienfaisance, au même titre que les organismes qui luttent contre la pauvreté ou qui militent pour l’avancement de l’éducation ? Selon le spécialiste Luc Grenon, professeur de droit à l’Université de Sherbrooke, la question mérite d’être posée, en ces temps de débats sur la laïcité. Et surtout, vu les sommes qui sont en jeu ! Combien coûte à l’État le statut particulier qu’il accorde aux organisations religieuses ? En 2010, le crédit d’impôt aux particuliers pour les dons à des organisations religieuses enregistrées comme organismes de bienfaisance a coûté à lui seul 1,08 milliard de dollars à l’Agence du revenu du Canada. Je n’ai pas encore fait le calcul pour le Québec, mais les crédits d’impôt sont similaires. D’autres avantages fiscaux sont consentis à ces organismes, qui ne paient par exemple ni impôts sur le revenu ni impôts fonciers. Ces organismes de charité à vocation religieuse sont-ils nombreux ? On en compte 33 400 au pays, dont 4 500 au Québec, et ils reçoivent 40 % de tous les dons de bienfaisance. Toutes les religions sont représentées. Au Québec, il y a par exemple 1 427 organisations catholiques enregistrées, 30 islamiques et 280 pour les Témoins de Jéhovah. Vous remettez leurs bienfaits en cause. Pourquoi ? Selon la loi, tous les organismes de bienfaisance sont censés rendre service à la société. Mais ceux qui sont classés dans la catégorie « religion » par l’Agence du revenu échappent à cette vision utilitariste. Il leur suffit de servir l’avancement de la religion ! J’ai analysé les déclarations d’activités d’un échantillon représentatif de 1 039 d’entre eux. Seules 6 % de leurs ressources sont consacrées à autre chose que le culte et la promotion de la foi.