QUE LA LUMIèRE SOIT !
Stéphane Savard, professeur au Département d’histoire de l’Université du Québec à Montréal, se penche sur la place toute spéciale qu’occupe Hydro-Québec dans l’imaginaire des Québécois. La société d’État aurait notamment transformé la relation entre ces derniers et la nature. Grâce à elle, ils auraient cessé de se considérer comme des êtres adaptables à leur environnement et s’imaginent dorénavant dans un rapport de domination sur lui. La grande qualité de cet ouvrage est d’insister sur le fait que l’image que les Québécois se font d’Hydro-Québec est affaire de représentation, qui découle elle-même d’une iconographie médiatisée complexe à laquelle personne n’échappe. Ainsi, la réflexion sur l’instrumentalisation politique de la société d’État est-elle menée avec grande intelligence. On reste fasciné par cette idée du technolo
gical sublime empruntée à David E. Nye : « Cet état d’esprit, cette émotion, cette conscience collective tournée d’une façon enthousiaste vers la technologie qui modèle le paysage solidifie les liens entre les individus de la société québécoise, fait oublier momentanément les divisions et joue un rôle important dans la construction identitaire. » L’auteur établit même un parallèle entre ces constats et l’histoire de l’architecture des cathédrales du Moyen Âge. Manic-5 et Chartres, même résultat dans l’imaginaire collectif ? Peut-être, mais avouons que le barrage est quand même un peu plus utile en hiver.
Ce que cet ouvrage fait avec beaucoup de lucidité, c’est de présenter une réflexion sur l’histoire d’Hydro-Québec en insistant sur le fait que l’idée que nous nous en faisons demeure une construction et une vue de l’esprit. Il suffirait de poser la même question aux Terre-Neuviens pour obtenir une réponse fort différente.