L’actualité

LA DOUCHE FROIDE

- par Chantal Hébert

La chronique de Chantal Hébert

A u déclenchem­ent des élections, le mois dernier, le pire danger qui menaçait le Parti libéral du Québec n’était pas de perdre le vote du 7 avril, mais plutôt de se retrouver repoussé dans ses forteresse­s fédéralist­es et évacué par le fait même du centre de la glace politique au Québec.

C’est le sort qu’a subi le Parti libéral du Canada au cours de la dernière décennie. Après le départ à la retraite de Jean Chrétien, la zone d’influence des libéraux fédéraux a rétréci comme peau de chagrin. En 2000, le parti détenait un quasi-monopole sur le vote fédéralist­e au Québec. En 2011, il n’a pas réussi à faire élire un seul député à l’extérieur de la métropole.

Pendant la même période, deux autres partis fédéralist­es — le NPD et le Parti conservate­ur — se sont installés dans le paysage. Rien ne garantit que Justin Trudeau réussira à les en déloger de sitôt.

La situation catastroph­e qui aurait vu Philippe Couillard et ses troupes finir la campagne à genoux aux côtés de leurs cousins fédéraux ne se produira pas. Le déclin de la Coalition Avenir Québec a plutôt permis au PLQ de consolider son statut de principale solution de rechange au Parti québécois.

Ce n’est pas le seul résultat encouragea­nt de la campagne pour le camp fédéralist­e. Malgré la présence à Ottawa d’un gouverneme­nt conservate­ur impopulair­e et en dépit de l’absence notoire de progrès constituti­onnel depuis 20 ans, l’option fédé- raliste se porte nettement mieux que celle de la souveraine­té.

Le mouvement de rejet qu’a suscité la simple perspectiv­e d’un troisième référendum sous un gouverneme­nt péquiste majoritair­e a transformé la campagne en douche froide pour les militants souveraini­stes qui rêvaient d’un grand soir au cours du prochain mandat.

Deux décennies après le dernier référendum, une majorité de Québécois — dont une frange importante d’électeurs qui ont voté oui en 1995 — résistent faroucheme­nt à l’idée de reprendre le débat sur l’avenir politique du Québec.

Pour le PQ, l’autopsie de la campagne s’annonce douloureus­e. La carte d’un vote prosouvera­ineté, motivé par l’adoption de politiques canadienne­s rébarbativ­es, n’est pas l’atout que les stratèges souveraini­stes auraient pu espérer.

Deux autres idées reçues, selon lesquelles les électeurs ne demanderai­ent qu’à être rassurés sur la viabilité économique d’un Québec souverain ou encore à être inspirés par un messager percutant pour renouer avec le Oui, ne tiennent pas la route devant l’accueil glacial réservé à Pierre Karl Péladeau.

Accueilli comme un sauveur en début de campagne, PKP a, par sa simple présence, torpillé le plan stratégiqu­e électoral de sa formation. Le fait que son arrivée ait donné un nouveau souffle à la campagne libérale n’est pas sans conséquenc­e pour la suite des choses. La recrue-vedette de Pauline Marois a perdu des plumes malgré elle au cours de sa première campagne politique.

PKP ne fera jamais l’unanimité dans les rangs péquistes. Mais s’il avait eu l’effet bénéfique escompté par le PQ, bien des militants progressis­tes se seraient résignés à l’idée de le voir les mener en campagne référendai­re. À la lumière de la tournure des événements, la succession de Pauline Marois ne lui sera pas offerte sur un plateau d’argent.

Le PQ va sortir ébranlé de la campagne. À terme, le coup porté à ses ambitions référendai­res risque d’avoir des échos sur sa cohésion. Le projet phare d’une charte de la laïcité porté par Mme Marois avait créé de profondes divisions dans les rangs souveraini­stes. Jusqu’à preuve du contraire, elles demeurent intactes. De plus, le projet identitair­e du gouverneme­nt sortant n’a pas eu l’heur de susciter une recrudesce­nce de vocations souveraini­stes, surtout parmi les jeunes électeurs.

Enfin, sans chaux référendai­re pour cimenter le PQ, la présence de PKP dans l’équipe Marois ne facilitera pas la tâche de colmater les brèches entre l’aile progressis­te du parti et ses ténors économique­s, ou encore celle de rebâtir des ponts avec Québec solidaire.

Au terme de la campagne, il y a beaucoup de terre brûlée dans le rétroviseu­r de Pauline Marois. Sans égard au résultat du 7 avril, le printemps électoral 2014 passera à l’histoire comme une expérience traumatisa­nte pour le PQ et son option. En politique, il y a des plaies que même le pouvoir ne guérit pas.

 ??  ?? Philippe Couillard et le PLQ auraient pu finir la campagne à genoux. Mais c’est le PQ de Pauline Marois qui en sortira le plus ébranlé, en raison de l’omniprésen­ce de la question référendai­re.
Philippe Couillard et le PLQ auraient pu finir la campagne à genoux. Mais c’est le PQ de Pauline Marois qui en sortira le plus ébranlé, en raison de l’omniprésen­ce de la question référendai­re.
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