LA GENÈSE DU SUCCÈS
Depuis sa création, en 1998, le festival littéraire international Metropolis bleu est devenu un rendez-vous culturel printanier incontournable à Montréal. Pour ceux qui n’ont jamais eu le bonheur d’y assister, ce festival réunit, en avril, de grands noms de la littérature canadienne et mondiale de tous les horizons linguistiques. Longtemps, cette rencontre littéraire multilingue a été associée au nom de sa fondatrice, l’écrivaine et enseignante Linda Leith, qui publie chez Leméac Écrire au temps du nationalisme, le récit de la genèse de Metropolis bleu.
À la base, il s’agissait de créer un lieu de rencontre et de diffusion pour les écrivains anglophones de Montréal, qui, selon l’auteure, étaient « tombés dans le fossé qui sépare le Canada et le Québec ». Avec beaucoup d’humour, elle raconte comment ces derniers étaient, pendant les années 1970-1980, royalement ignorés par Toronto, vortex incontesté de la culture littéraire anglo-canadienne. Pourtant, jusqu’à la Révolution tranquille, Montréal comptait nombre d’écrivains anglophones importants, comme Mavis Gallant, qui vient tout juste de nous quitter. Leith dresse d’ailleurs un portrait fascinant de cette époque glorieuse. Puis, les écrivains anglophones montréalais sont devenus les parents pauvres de la littérature canadienne. Oubliés et démoralisés, ils étaient désormais « des écrivains sans pays ». Ignorés parce qu’ils étaient moins « bons » ? Linda Leith répondra par cette vérité implacable : « Il est impossible de convaincre un sceptique qu’un écrivain méritant est bon, mais un écrivain qui a du succès fera taire les sceptiques. » À la fin des années 1990, Linda Leith se retrousse les manches et décide de créer le succès qui clouera le bec de ces derniers. Elle y parviendra à force de travail et avec l’aide de collaborateurs. Mais il y eut aussi des écueils… Elle tentera d’obtenir la collaboration de l’UNEQ, l’Union des écrivaines et écrivains québécois. Leith décrit la première rencontre en ces termes : « Comme si le Pentagone recevait une délégation de la planète Mars. » Éloquent.
Aujourd’hui, le festival que Linda Leith a créé et dirigé pendant plus d’une décennie continue de rapprocher les deux solitudes et bien d’autres. Il a aussi coïncidé avec la renaissance de la création littéraire anglophone au Québec en lui servant de tremplin et de caisse de résonance.
Bilan ? « Peu importe l’avenir politique que choisira le Québec, la renaissance littéraire anglophone propose une vision plus inclusive de la littérature québécoise que celle qui existait. Ce faisant, elle propose aussi une vision plus inclusive de la société québécoise. »