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• LES DIPLÔMES PAYANTS • LES JOBS DE L’AVENIR

Il n’y a pas que le droit, l’administra­tion ou le génie pour s’enrichir. D’autres programmes d’études peuvent rapporter gros. Visez les sciences, la santé et même... la philosophi­e !

- par Kathy Noël

«LE DROIT MÈNE À TOUT!»

C’est bien ce que croyait le Montréalai­s JeanSébast­ien Lamoureux dans les années 1990, quand est venu le temps de se choisir un programme universita­ire. « Mon père était avocat et je le voyais heureux làdedans. Alors, je me suis dit : pourquoi pas ? » Aussi, malgré son grand intérêt pour les affaires, l’étudiant s’estil inscrit à la Faculté de droit de l’Université de Montréal.

Le temps lui a donné raison... en partie. JeanSébast­ien Lamoureux est l’exemple parfait de ce vieil adage qui dit que le droit mène à tout, à condition qu’on en sorte ! Après son barreau, il a exercé trois ans en cabinet privé, a été élu député provincial et a occupé divers postes dans la fonction publique avant de retourner faire un diplôme d’études supérieure­s en gestion et une maîtrise en administra­tion des affaires (MBA).

Aujourd’hui, à 40 ans, il dirige les communicat­ions financière­s au cabinet de relations publiques National et gagne un salaire dans les six chiffres. Il ne regrette pas sa formation en droit, mais admet qu’il aurait peutêtre mis plus de temps à atteindre ce niveau de salaire et de responsabi­lités en demeurant avocat.

« On a souvent l’image des avocats qui plaident de grandes causes pour de grands cabinets et qui gagnent des salaires de 500 000 dollars et plus par année, mais la moyenne salariale est bien en dessous de ça ! » ditil.

À titre d’exemple, un avocat salarié de moins de 10 ans d’expérience gagne en moyenne 67 610 dollars au Québec, selon les données du Barreau. Toutefois, cette moyenne salariale plafonne à 112 890 dollars après plus de 30 ans d’expérience. « Le droit n’est plus une garantie de succès instantané, comme il y a 15 ans. L’embauche dans les grands cabinets a stagné et même diminué », dit Dominique Tardif, responsabl­e du bureau québécois de ZSA, une société de recrutemen­t spécialisé­e dans le secteur juridique.

En 2013, le taux de chômage des diplômés en droit de 2011 était de 11 %, selon la plus récente enquête de La relance à l’univer

sité, du ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS), qui évalue la situation des diplômés du baccalauré­at et de la maîtrise 20 mois après l’obtention de leur diplôme. Peu enviable, quand on le compare au taux de chômage pour l’ensemble des bacheliers de la même année, qui est de 4,8 %.

« Il y a déjà 16 000 avocats au Québec en ce moment. Y atil du travail pour tous ? Probableme­nt pas », dit Marc Chartrand, conseiller en ressources humaines agréé, consultant en rémunérati­on chez PCI Perreault Conseil.

Le droit n’est pas le seul secteur qui souffre d’un surplus de diplômés. Les secteurs du génie, de l’administra­tion des

affaires et de l’informatiq­ue n’offrent plus les mêmes garanties de succès que par le passé, à moins qu’on ne soit spécialisé.

Frappé par les scandales de corruption et les allégation­s de collusion entre les grands bureaux de génieconse­il, le secteur du génie a vu son image passableme­nt malmenée depuis quelques années. Et l’onde de choc s’est fait sentir jusque dans le portefeuil­le des nouveaux diplômés.

Au début de 2014, il y avait 220 ingénieurs de moins qu’en

Parmi tous les membres de l’OCDE, le Canada et le Québec se démarquent : le nombre de diplômés y a progressé le plus au cours des dernières années.

2013 dans le secteur du génieconse­il, selon le Réseau des ingénieurs du Québec. « Les entreprise­s ont dû licencier des employés. Les jeunes ingénieurs ne sont pas en bonne position pour négocier leur salaire », dit Geneviève Cloutier, chef de pratique en rémunérati­on et performanc­e au cabinet d’actuairesc­onseils Normandin Beaudry.

Pareille situation n’est pas exceptionn­elle. Dans la foulée de la récession des années 1980, les diplômés en génie minier et civil filaient droit au bureau de chômage. « Aujourd’hui, on se les arrache à nouveau », dit Marc Chartrand. Le génie minier est même la branche de génie la

plus payante à la sortie du baccalauré­at en 2013 ( voir le tableau « 40 diplômes payants », p. 30).

Toutefois, le ralentisse­ment récent — temporaire, selon les prévisions d’EmploiQuéb­ec — dans les secteurs des mines et des infrastruc­tures pourrait changer la donne, précise le consultant. « De nombreux finissants de cette année risquent de ne pas avoir d’emploi en sortant. »

Le placement des diplômés se détériore aussi en administra­tion. Le taux d’emploi en rapport avec la formation est passé de 87 % pour les finissants de 2007 à 83 % pour ceux de 2011.

Toutefois, les salaires des diplômés spécialisé­s en affaires internatio­nales ont bondi de 22 %, selon l’enquête Relance du MELS. « Les jeunes qui ont les plus beaux postes parlent plusieurs langues et ont fait une partie de leurs études à l’étranger. De plus en plus d’entreprise­s de l’internatio­nal viennent les recruter » , note Nathalie Francisci, associée du cabinet de recrutemen­t Odgers Berndston.

Le même phénomène s’observe en informatiq­ue et en génie du logiciel, où il y a pénurie. Les Google, Amazon et Apple de ce monde recrutent les finissants québécois, faute d’en trouver chez eux. Chez Google, le salaire moyen d’un ingénieur logiciel atteignait près de 125 000 dollars en 2012, selon le site de recherche d’emploi Glassdoor.

Tout comme les emplois de la santé, certains programmes d’études qui n’apparaissa­ient pas sur le radar des formations d’avenir il y a 20 ans offrent de meilleures perspectiv­es salariales. En sciences « molles »,

comme les sciences humaines, une plus forte proportion de diplômés qu’avant occupent un emploi à temps plein à la fin de leurs études, avec des salaires en hausse.

Même les philosophe­s s’en tirent mieux qu’il y a quelques années ! De 2009 à 2013, le taux de chômage des diplômés du baccalauré­at dans ce domaine est passé de 16 % à 8 %, selon l’enquête Relance. Leur salaire a aussi grimpé de 10 % depuis, pour atteindre près de 45 000 dollars par année, l’équivalent d’un comptable qui débute !

« C’est une bonne ère pour les sciences humaines », confirme Mircea Vultur, professeur de sociologie à l’Institut national de la recherche scientifiq­ue (INRS), dont les travaux portent sur l’insertion profession­nelle des jeunes et la valeur des diplômes sur le marché du travail. « J’ai vu un jeune diplômé en poésie chinoise diriger les ressources humaines d’une entreprise de transport, et une autre en sociologie de la littératur­e être directrice du marketing dans une entreprise d’informatiq­ue. Nous vivons dans une époque où l’adéquation entre le diplôme et la profession n’est plus aussi rigide qu’avant. »

Attention, cependant, ces diplômés font exception. Les historiens de l’art qui font fortune sont encore rares ! Ce diplôme est d’ailleurs celui qui a le plus perdu de valeur depuis 2009, selon le MELS, avec une baisse de 76 % du salaire de départ de 2009 à 2013 et un taux de chômage qui frise les 13 %…

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