L’actualité

OLIVIA CHOW : ÉTOILE FILANTE ?

- par Chantal Hébert

Si Olivia Chow avait été capable de s’exprimer convenable­ment en français au moment du décès prématuré de son conjoint, Jack Layton, en 2011, elle serait peut-être aujourd’hui à la tête du NPD fédéral. À l’époque, des militants et des observateu­rs avaient avancé l’idée que la veuve d’un chef universell­ement regretté était la personne la mieux placée pour perpétuer l’héritage politique de celui-ci. C’est que Mme Chow — alors députée à Ottawa — avait été de tous les combats politiques de son conjoint.

La raison avait cependant rapidement repris ses droits sur les bons sentiments. Le NPD venait tout juste de conquérir le Québec. L’idée d’installer à sa tête une personne incapable de communique­r efficaceme­nt en français ne tenait pas la route.

Olivia Chow elle-même n’avait pas tardé à déclarer qu’elle ne serait pas dans la course à la succession, dont elle s’était rigoureuse­ment abstenue de se mêler par la suite. De toute façon, elle avait d’autres marrons au feu.

À l’époque, son nom avait commencé à circuler dans les cercles municipaux de Toronto. Bien avant que le maire, Rob Ford, fournisse matière à scandales à répétition aux médias de la planète, le gratin de la ville avait lancé un avis de recherche pour dénicher un candidat susceptibl­e de le déloger au prochain scrutin municipal.

En 1991, Jack Layton avait brigué, sans succès, la mairie de Toronto. Forte de sa propre expérience dans l’arène municipale, ainsi que du capital de sympathie et de la popularité par associatio­n que lui valait son partenaria­t avec l’ancien chef néo- démocrate, Olivia Chow semblait avoir tout en main pour réussir là où il avait échoué.

Au moment où elle a officielle­ment lancé sa campagne municipale, le printemps dernier, elle disposait d’une telle longueur d’avance que beaucoup la voyaient déjà régnant sur l’Hôtel de Ville de la métropole canadienne.

Pourtant, à deux semaines du vote du 27 octobre, elle avait déjà accumulé un tel retard sur ses deux principaux adversaire­s — l’ancien chef conservate­ur ontarien John Tory et le frère du maire sortant, Doug Ford — qu’à peu près plus personne ne croyait qu’elle pourrait rattraper suffisamme­nt de terrain pour être de nouveau dans la course pour la première place.

Dans les faits, la campagne Chow n’a jamais vraiment décollé, faute d’élan. La popularité sur laquelle la candidate surfait il y a six mois n’a pas survécu au test de la réalité : elle a offert une performanc­e terne et, franchemen­t, plus ou moins inspirante.

Ce n’est pas que les Torontois, en majorité, ne voulaient pas changer de maire, mais que, vérificati­on faite, la candidate Chow ne leur a pas semblé avoir le profil et l’envergure de l’emploi. Le vote anti-Ford s’est coalisé derrière le nouveau meneur de la course, John Tory.

En théorie, on pourrait croire que la famille néo-démocrate au grand complet se désolerait de la froideur qu’a fini par inspirer à une majorité de l’électorat de Toronto la candidatur­e à la mairie d’une des figures de proue de l’histoire récente du parti.

L’appartenan­ce d’Olivia Chow à la gauche ontarienne n’est pas étrangère aux difficulté­s de sa campagne. Son essoufflem­ent s’inscrit dans une série noire qui a vu le NPD finir en troisième place aux élections provincial­es, le printemps dernier, et les libéraux fédéraux s’emparer de l’ancien siège du centre-ville de Toronto de la députée Chow, au début de l’été. La plupart des néodémocra­tes sont chagrinés que les espoirs d’Olivia Chow de devenir mairesse s’envolent en fumée. Pour le clan Layton, déjà abattu par la disparitio­n de l’ancien chef, c’est un autre coup dur. Mais ce chagrin est néanmoins nuancé par des considérat­ions nettement plus électorali­stes.

Car bien des néo-démocrates refusent de voir dans le parcours d’Olivia Chow un présage de mauvais augure pour leur parti au scrutin fédéral de l’an prochain. Ils croient plutôt que son épopée municipale donne un avant-goût de la trajectoir­e qui attend Justin Trudeau au détour de sa première campagne électorale comme chef libéral.

C’est tout au moins le voeu que les néo-démocrates font tout bas en regardant Olivia Chow se transforme­r en étoile filante dans le firmament politique de Toronto.

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Olivia Chow ne sera pas celle qui réussira à barrer la route à Doug Ford à la mairie de Toronto.
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