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LA TCHÉTCHÉNI­E SE REFAIT UNE BEAUTÉ

Chirurgien pendant le conflit sanglant qui a opposé les indépendan­tistes tchétchène­s à l’armée russe dans les années 1990, le Dr Khassan Baiev, exilé aux États-Unis, revient chaque année à Grozny réparer les outrages de la guerre. Il se finance de manière

- par Andréane Williams

Chirurgien pendant le conflit qui a opposé les indépendan­tistes et l’armée russe dans les années 1990, le Dr Khassan Baiev, exilé aux États-Unis, revient chaque année à Grozny réparer les outrages de la guerre. Il se finance de manière inattendue...

Les collines qui entourent Alkhan- Kala, à cinq kilomètres au sudouest de Grozny, la capitale tchétchène, paraissent si paisibles ! Difficile d’imaginer que ce village a été la cible de massacres sanglants pendant la guerre qui a opposé l’armée fédérale russe aux indépendan­tistes tchétchène­s, de 1994 à 2000. C’est pourtant du haut de ces collines que l’armée a assiégé le village. « Il y avait des chars russes postés tout autour d’ici. Ils lançaient constammen­t des attaques », raconte le Dr Khassan Baiev en montrant le paysage qui défile derrière les vitres de la voiture qui nous mène à l’Hôpital pour enfants de Grozny.

Ce chirurgien de 51 ans, exilé aux États-Unis depuis 2000, est venu passer huit mois dans son village natal, comme chaque année depuis 2007. Dans les faits, il reste des semaines entières dans la salle d’opération de l’hôpi tal. La majorité de ses patients sont des jeunes, victimes de séquelles de la guerre, des malformati­ons congénital­es par exemple. Mais une clientèle s’ajoute : des gens qui font appel à ses services de chirurgien esthétique.

Pendant tout son séjour, le Dr Baiev enchaîne les opérations. Jusqu’à sept par jour. La chirurgie esthétique lui permet de financer les soins qu’il prodigue aux enfants. « Je les soigne tous gratuiteme­nt » , dit- il. La Tchétchéni­e manque cruellemen­t de personnel médical qualifié, et de nombreuses familles n’ont pas les moyens de payer les traitement­s. « Les gens ont encore besoin de moi ici. » La première patiente du Dr Baiev ce matin est une femme dans la trentaine. Ses lunettes Dolce & Gabbana cachent les pansements sur son visage. Cette célibatair­e, qui a subi un remodelage des paupières, préfère garder l’anonymat.

Assise sur le canapé dans le cabinet du médecin, son sac à main sur les genoux, elle raconte : « Nous avons été telle- ment limités pendant la guerre que, maintenant que la situation va mieux, nous avons envie de belles choses. La chirurgie esthétique en fait partie. C’est une nouvelle mode. »

Ils sont de plus en plus nombreux à faire le voyage jusqu’à Grozny afin de consulter Khassan Baiev. « La guerre a beaucoup fait vieillir les gens. Une jeune fille de 20 ans peut sembler en avoir 35 », explique le chirurgien, lui-même plutôt bel homme, qui fut jadis membre de l’équipe nationale de judo de Russie. Pour lui, il ne fait aucun doute que l’ouverture du pays sur le monde et les critères occidentau­x de beauté, qui ont séduit les femmes tchétchène­s, incitent ces dernières à vouloir améliorer leur apparence. « Les gens voyagent beaucoup plus qu’avant et sont exposés à de nouvelles choses. Je crois également que le fait qu’il y ait considérab­lement moins d’hommes dans le pays depuis la guerre crée de la compétitio­n entre les femmes qui désirent trouver un mari », soutient-il.

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À l’hôpital pour enfants de Grozny, le Dr Baiev soigne tous les enfants gratuiteme­nt. C’est la chirurgie esthétique qui lui permet de financer leurs soins.

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