L’AVOIR DANS LE SANG
L’auteur du roman Aminata, Lawrence Hill, publie cet automne Le sang, essence de la vie, un essai dans lequel il se penche sur les multiples représentations du sang dans notre culture. Le sang est plus qu’un liquide rouge pompé par le coeur. Une fois dans l’éprouvette, il possède le potentiel de dévoiler les secrets les plus insondables. Il peut faire mentir les arbres généalogiques et détrôner les champions. Il devient aussi, par figure de style, un moyen de définir l’autre. Sang bleu, sang-mêlé, quarteron, tous ces termes sont en quelque sorte des dérivés sanguins qui, si on s’y arrête bien, nous viennent d’une terminologie médicale antique et trompeuse. Droit du sang ou droit du sol ? Le discours juridique n’est pas non plus épargné dans cet ouvrage. Il y a du sang partout. Les passages sur les préjugés entretenus envers le sang menstruel feront rire à coup sûr, l’auteur n’étant pas dépourvu d’humour, mais il convient aussi de rappeler que, dans certains pays, les femmes qui ont leurs menstruations doivent toujours se retirer de la société, parce qu’elles « portent malheur ». Voilà qui invite à la réflexion.
Difficile de refermer ce livre une fois qu’on l’a commencé. Comment en effet trouver sujet plus universel que le sang ? Descendant d’Afro-Américains, Hill pose des questions importantes sur notre rapport au sang et à ses métaphores. Il est notamment question d’identité, d’ethnicité, de dopage, de religion, mais aussi de témoignages très personnels de l’auteur.
À l’époque de l’esclavage, une personne ayant une goutte de « sang noir » était définie comme noire à des fins d’esclavage. Une goutte de « sang blanc » ne changeait rien à l’affaire. Comment expliquer cette incohérence ? C’est à ce genre de questionnement que Lawrence Hill nous invite. ( Le sang, essence de la vie, par Lawrence Hill, Pleine lune, 352 p., 27,95 $) E.D.