L’actualité

DJIHAD ET RÉSEAUX SOCIAUX

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Les djihadiste­s possèdent une arme redoutable : leur téléphone intelligen­t. C’est avec cet appareil qu’ils arrivent à recruter des combattant­s et des partisans avec autant d’efficacité. Ils se prennent en photo dans des poses de conquérant­s et répondent à leurs admirateur­s en direct du champ de bataille.

Le djihad des années 2010 utilise à fond les techniques de marketing de notre époque : médias sociaux, images léchées, slogans publicitai­res en anglais pour toucher un large public.

La structure des organisati­ons terroriste­s actuelles colle parfaiteme­nt à la culture en ligne. Alors qu’al-Qaida était une organisati­on élitiste et hiérarchis­ée, le groupe armé État islamique est très décentrali­sé. Chacun est libre de mener le djihad à sa manière, en Syrie ou dans son pays d’origine, le plus souvent avec les moyens du bord : une voiture, un couteau, un vieux fusil de chasse...

Le chercheur américain Jarret Brachman, membre du consortium national Study of Terrorism and Responses to Terrorism (START), dont le siège est à l’Université du Maryland, a étudié ces nouveaux modes de recrutemen­t en ligne.

« Il suffit maintenant de cliquer “J’aime” sur une image ou un compte Facebook pour offrir son soutien à une organisati­on terroriste », souligne-t-il dans son analyse Transcendi­ng Organizati­on : Individual­s and “The Islamic State”. Une connaissan­ce très superficie­lle (et souvent déformée) de l’islam suffit pour se dire membre du mouvement.

Un journalist­e du site d’actualités français Rue89 a récemment mené une expérience révélatric­e de la puissance de ces outils de communicat­ion planétaire. Il s’est créé un compte Facebook sous l’identité d’un Franco-Marocain de 20 ans, fana de musique et de foot. Il a suffi de quelques demandes d’amitié à des sympathisa­nts de l’État islamique pour que son fil d’actualités soit dominé par les appels au djihad. Les algorithme­s de Facebook, qui sélectionn­ent le contenu affiché en fonction de nos comporteme­nts en ligne, avaient transformé à une vitesse sidérante le média social en un efficace outil d’endoctrine­ment.

« J’ai l’impression que mes repères s’estompent, note le journalist­e deux jours à peine après le début de l’expérience. À force de voir des morts, des décapités et des djihadiste­s, je commence à trouver ça normal. »

Après avoir baigné dans l’idéologie djihadiste sur une plateforme ouverte comme Facebook, les sympathisa­nts sont invités à discuter de questions de logistique en privé avec des combattant­s sur le terrain au moyen d’applicatio­ns telles que Kik ou ask.fm.

Bon nombre de ces combattant­s acquièrent un statut de vedettes dans la communauté en ligne. « Pouvoir leur parler directemen­t augmente le sentiment de proximité et le lien émotionnel avec la cause », note Jarret Brachman.

Les sympathisa­nts les plus convaincus prennent le chemin de la Syrie. Ou organisent un attentat maison.

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