Un menu spécial pour nos lecteurs
Pour la huitième année, L’actualité a invité un chef à préparer un menu de Noël exclusif pour ses lecteurs. Voici donc les plats de Marysol Foucault.
Cuisiner pour « réconforter les gens, les faire sourire, les épater, les surprendre avec des choses simples ». C’est dans cet esprit que Marysol Foucault, chef propriétaire du microrestaurant Edgar, à Gatineau, a créé son menu de Noël, comme si elle allait recevoir quelques amis et réinventer pour eux le réveillon.
Dans les bouchées, elle a mis du jarret de porc — lisez : de la patte de cochon — et des rabioles, ces navets blancs « que malheureusement on boude ». En entrée, elle propose un chou farci, « qui rappelle le cigare au chou, mais en plus raffiné et avec une farce qui étonnera ». En plat, c’est du lapin, dont elle aime « la viande délicate », qu’elle accompagne de légumes eux aussi boudés : choux de Bruxelles, courge, céleri-rave. Et de marrons, parce que « c’est festif, les marrons, c’est riche, c’est presque du foie gras végétarien ». Le dessert, qu’elle a confié à sa pâtissière, est « une bûche, mais en plus gourmand » : outre le glaçage au fromage à la crème, il y a dans ce péché-là un caramel au gingembre, dont le piquant contraste avec le sucré des noix de Grenoble à l’érable.
Marysol Foucault, 38 ans mais l’air d’avoir la jeune vingtaine, est une boule d’énergie. Qui ne vit, depuis toujours, que pour, par et grâce à ce qu’elle aime par-dessus tout : « cuisiner pour les gens ». La fois où elle a quitté la restauration, autour de la trentaine, elle s’est mise à la peinture. Un plaisir. Mais après moins de deux ans, elle s’est sentie « triste, déprimée ». Elle s’est soignée en revenant à son métier de cuisinière, qu’elle a appris en cuisine, dès l’âge de 15 ans, « par le plus élémentaire : laver les planchers et faire la vaisselle ».
Tout de suite, elle attrape le virus. Très vite, elle est en cuisine, dans des restaurants que tout le monde connaît à Hull (maintenant fusionné avec Gatineau) : le Twist, le café Aux 4 jeudis, le Piz’za-za, le Bistro 1908. « Je travaillais comme une folle, parfois dans trois restos, je faisais un trip de cuisine et de pâtisserie. » À 24 ans, changement d’horizon : elle se retrouve à la campagne, dans la petite municipalité de Chelsea, à une quinzaine de minutes de Gatineau, au Gerry & Isobel’s Country Pleasures. « Le chef avait son potager bien avant que ça devienne une mode. Nous faisions une cuisine saisonnière, qui mettait en valeur les produits locaux. J’ai adoré. »
Quatre ans plus tard, Marysol revient en ville. Et découvre que les choses ont changé. « Avant, les gens d’Ottawa venaient à Gatineau. Là, ils ne venaient plus. Des restaurants à la mode avaient ouvert dans la capitale. Le métier était devenu une affaire de stars, de compétition, même de machos. » Après sa parenthèse en peinture, elle entre au service d’une grande maison de traiteur, Epicuria. Puis se joint, pendant près de deux ans, toujours à Ottawa, à The Urban Element, à la fois restaurant sur réservation, salle de réception et école de cuisine. « Je faisais tout : chef, enseignante, assistante des chefs invités, coordonnatrice d’événements et, au besoin, la vaisselle. »
Septembre 2010. Sur un coup de tête, Marysol devient chef propriétaire et lance Edgar, qu’elle mène aujourd’hui avec
deux coéquipiers : son chef, Michael LaSalle, et sa pâtissière, Rose-Héloïse Côté. L’endroit est minuscule, 13 places. Il n’est ouvert que le midi. Mais on s’y précipite. Il faut dire que le passage de sa propriétaire à l’émission You Gotta Eat Here, au Food Network, l’a mis sur la carte. Comme son classement au 56e rang du palmarès enRoute des meilleurs restaurants au Canada (pour son autre restaurant, Odile, qu’elle a gardé pendant quelques mois parallèlement à Edgar). Ou sa médaille d’or au concours régional Des chefs en or. Ou encore, cette année, sa quatrième place aux Championnats culinaires canadiens.
Pas mal pour la chef propriétaire d’un restaurant de poche, où l’on sert essentiellement... des soupes, des salades et des sand- wichs. Et qui s’est spécialisée dans les plats à emporter. Le menu change toutes les semaines. Il y a régulièrement du poisson. On insiste sur les légumes. « Dommage que la cuisine familiale disparaisse, note Marysol Foucault. Les gens n’ont plus le temps de préparer des repas, surtout les soirs de semaine. Peut-être que nous serons les derniers à garder le souvenir de mères qui faisaient chaque jour des plats maison. »