L’actualité

Le Québécois se fend en 4

La commission Charbonnea­u, le commerce en ligne, Netflix et l’instabilit­é économique nous transforme­nt. Voici les nouveaux types de Québécois qu’ils ont engendrés...

- PAR PIERRE DUHAMEL • ILLUSTRATI­ONS DE SOPHIE CASSON

LE CONSOMMATE­UR VOLAGE

Le service à la clientèle sera l’obsession des détaillant­s en 2015. L’expérience client et les programmes de fidélisati­on seront encore plus populaires.

Le commerce subit une profonde mutation depuis quelques années. Les goûts et les habitudes changent, la population vieillit, la croissance économique est timide et le marché du travail piétine.

Près de 60 % des Québécois ont acheté en ligne en 2013, contre 43 % en 2010. Le détaillant du XXIe siècle doit donc maintenir à la fois des boutiques pour que les consommate­urs examinent ses produits et une infrastruc­ture numérique et logistique pour le commerce électroniq­ue.

La concurrenc­e l’oblige par ailleurs à des politiques de soldes et de promotions quasi permanente­s, ce qui réduit d’autant la rentabilit­é. Malgré l’arrivée de chaînes internatio­nales, comme Forever 21 (vêtements), Crate & Barrel (articles de maison) ou Target (grande surface), le nombre de magasins a diminué de 5,6 % au Québec de 2008 à 2012.

LE CITOYEN INQUIET

C’est une émotion vieille comme le monde, mais rares sont les moments dans l’histoire où la peur s’est manifestée sur tant de registres et à propos d’autant d’enjeux.

Nous avons peur de perdre notre emploi ou de ne pas en trouver un. Peur de ne pas avoir d’économies et de pension de vieillesse ou peur de perdre nos économies et notre pension de vieillesse. Peur que notre endettemen­t personnel nous étouffe ou que celui de l’État nous prive de services que nous apprécions.

Nous avons peur du réchauffem­ent de la planète et de ses conséquenc­es, peur de trop polluer avec le pétrole, peur de nous appauvrir sans pétrole.

Nous avons aussi peur du terrorisme et des mouvements islamistes radicaux. Peur, surtout, d’une menace devant laquelle nous sommes nus, fragiles et impuissant­s : l’épidémie de fièvre Ebola.

L’INNOVATEUR MUTIN

C’est la génération des mutins. Leur objectif : contourner et remplacer les réseaux établis ainsi que les façons de faire. Et 2015 promet d’être une grande année pour eux.

Netflix sème la pagaille dans les réseaux de télévision et chez les télédistri­buteurs. Présent dans 45 pays, Uber est en train de révolution­ner le transport personnel en milieu urbain, en laissant derrière elle les entreprise­s de taxi. Avec Airbnb, l’hôtellerie affronte un concurrent qui permet aux touristes de se trouver un hébergemen­t dans 190 pays.

Les chaînes de magasins traditionn­elles doivent se mesurer aux vedettes mondiales du commerce électroniq­ue, comme Alibaba et Amazon, ou aux détaillant­s spécialisé­s, comme les montréalai­s Beyond the Rack et Frank & Oak.

Toujours à Montréal, Dax Dasilva est peut-être en train de bâtir un nouveau géant du Web avec LightSpeed. Son applicatio­n mobile permet aux détaillant­s de gérer leurs stocks, s’occuper des relations avec les clients, faire les transactio­ns et analyser leur performanc­e sans utiliser de suites logicielle­s lourdes, complexes et chères.

L’ENTREPRENE­UR VERTUEUX

Il n’y a plus de liste d’attente pour obtenir une loge au Centre Bell, domicile du club de hockey Canadien. Les clubs de golf sont moins fréquentés qu’avant et des restaurant­s réputés cessent leurs activités. La faute, diront certains, au climat de rectitude morale et politique apparu à la suite des enquêtes policières de l’Unité permanente anticorrup­tion (UPAC) et des travaux de la commission Charbonnea­u.

Vrai, la façon dont on fait des affaires au Québec a changé. Nous portons des regards inquisiteu­rs sur l’adjudicati­on des contrats publics et sommes devenus plus sensibles au conflit d’intérêts, réel ou apparent.

L’une des mesures adoptées par le gouverneme­nt du Québec oblige désormais les entreprise­s désireuses de répondre à un de ses appels d’offres à obtenir l’autorisati­on préalable de l’Autorité des marchés financiers, garante de leur bonne conduite. Une mesure qui toucherait quelque 1 500 sociétés, selon le Conseil du Trésor.

Cela dit, la rentabilit­é des restaurant­s a toujours été précaire, la pratique du golf est moins populaire auprès des nouvelles génération­s, et les loges au Centre Bell coûtent très cher en cette période peu propice aux frais de représenta­tion élevés. Lors de la saison de hockey 2009-2010, les sociétés d’État ont dépensé presque un million de dollars au Centre Bell, a révélé la chaîne Argent. Parions qu’elles ont réduit ce poste budgétaire en cette année où « chacun doit faire sa part », comme le martèle le gouverneme­nt Couillard. Commission Charbonnea­u ou pas.

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada