Le Québécois se fend en 4
La commission Charbonneau, le commerce en ligne, Netflix et l’instabilité économique nous transforment. Voici les nouveaux types de Québécois qu’ils ont engendrés...
LE CONSOMMATEUR VOLAGE
Le service à la clientèle sera l’obsession des détaillants en 2015. L’expérience client et les programmes de fidélisation seront encore plus populaires.
Le commerce subit une profonde mutation depuis quelques années. Les goûts et les habitudes changent, la population vieillit, la croissance économique est timide et le marché du travail piétine.
Près de 60 % des Québécois ont acheté en ligne en 2013, contre 43 % en 2010. Le détaillant du XXIe siècle doit donc maintenir à la fois des boutiques pour que les consommateurs examinent ses produits et une infrastructure numérique et logistique pour le commerce électronique.
La concurrence l’oblige par ailleurs à des politiques de soldes et de promotions quasi permanentes, ce qui réduit d’autant la rentabilité. Malgré l’arrivée de chaînes internationales, comme Forever 21 (vêtements), Crate & Barrel (articles de maison) ou Target (grande surface), le nombre de magasins a diminué de 5,6 % au Québec de 2008 à 2012.
LE CITOYEN INQUIET
C’est une émotion vieille comme le monde, mais rares sont les moments dans l’histoire où la peur s’est manifestée sur tant de registres et à propos d’autant d’enjeux.
Nous avons peur de perdre notre emploi ou de ne pas en trouver un. Peur de ne pas avoir d’économies et de pension de vieillesse ou peur de perdre nos économies et notre pension de vieillesse. Peur que notre endettement personnel nous étouffe ou que celui de l’État nous prive de services que nous apprécions.
Nous avons peur du réchauffement de la planète et de ses conséquences, peur de trop polluer avec le pétrole, peur de nous appauvrir sans pétrole.
Nous avons aussi peur du terrorisme et des mouvements islamistes radicaux. Peur, surtout, d’une menace devant laquelle nous sommes nus, fragiles et impuissants : l’épidémie de fièvre Ebola.
L’INNOVATEUR MUTIN
C’est la génération des mutins. Leur objectif : contourner et remplacer les réseaux établis ainsi que les façons de faire. Et 2015 promet d’être une grande année pour eux.
Netflix sème la pagaille dans les réseaux de télévision et chez les télédistributeurs. Présent dans 45 pays, Uber est en train de révolutionner le transport personnel en milieu urbain, en laissant derrière elle les entreprises de taxi. Avec Airbnb, l’hôtellerie affronte un concurrent qui permet aux touristes de se trouver un hébergement dans 190 pays.
Les chaînes de magasins traditionnelles doivent se mesurer aux vedettes mondiales du commerce électronique, comme Alibaba et Amazon, ou aux détaillants spécialisés, comme les montréalais Beyond the Rack et Frank & Oak.
Toujours à Montréal, Dax Dasilva est peut-être en train de bâtir un nouveau géant du Web avec LightSpeed. Son application mobile permet aux détaillants de gérer leurs stocks, s’occuper des relations avec les clients, faire les transactions et analyser leur performance sans utiliser de suites logicielles lourdes, complexes et chères.
L’ENTREPRENEUR VERTUEUX
Il n’y a plus de liste d’attente pour obtenir une loge au Centre Bell, domicile du club de hockey Canadien. Les clubs de golf sont moins fréquentés qu’avant et des restaurants réputés cessent leurs activités. La faute, diront certains, au climat de rectitude morale et politique apparu à la suite des enquêtes policières de l’Unité permanente anticorruption (UPAC) et des travaux de la commission Charbonneau.
Vrai, la façon dont on fait des affaires au Québec a changé. Nous portons des regards inquisiteurs sur l’adjudication des contrats publics et sommes devenus plus sensibles au conflit d’intérêts, réel ou apparent.
L’une des mesures adoptées par le gouvernement du Québec oblige désormais les entreprises désireuses de répondre à un de ses appels d’offres à obtenir l’autorisation préalable de l’Autorité des marchés financiers, garante de leur bonne conduite. Une mesure qui toucherait quelque 1 500 sociétés, selon le Conseil du Trésor.
Cela dit, la rentabilité des restaurants a toujours été précaire, la pratique du golf est moins populaire auprès des nouvelles générations, et les loges au Centre Bell coûtent très cher en cette période peu propice aux frais de représentation élevés. Lors de la saison de hockey 2009-2010, les sociétés d’État ont dépensé presque un million de dollars au Centre Bell, a révélé la chaîne Argent. Parions qu’elles ont réduit ce poste budgétaire en cette année où « chacun doit faire sa part », comme le martèle le gouvernement Couillard. Commission Charbonneau ou pas.