L’actualité

L’AUSTÉRITÉ… AU NOM DE L’ÉQUITÉ?

Par Jonathan Trudel

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S’ il agit vraiment au nom des jeunes, le gouverneme­nt devrait peut-être leur tendre l’oreille. Québec se pose en défenseur des jeunes. C’est pour eux qu’il mène ses politiques d’austérité et veut ramener « de l’ordre » dans les finances publiques, répète sur toutes les tribunes le premier ministre, Philippe Couillard. « On fait ça au nom de l’équité intergénér­ationnelle », dit-il.

Des centaines de milliers d’étudiants ont pourtant déclenché la grève ce printemps pour dénoncer ses politiques de restrictio­n budgétaire. Et même si le mouvement s’est essoufflé, il retient l’appui d’une pluralité de jeunes (47 % avant répartitio­n des indécis), selon un récent sondage Léger publié dans Le Devoir. Selon ce même sondage, les deux tiers des Québécois condamnent les grèves. Cette proportion monte à 80 % chez les gens âgés de plus de 65 ans !

Ce résultat l’illustre bien : les jeunes ne font plus le poids, du point de vue démographi­que.

Dans les années 1960 et 1970, « il y avait une certaine convergenc­e entre l’État, qui voulait démocratis­er l’éducation, et les mouvements étudiants, note Céline Bellot, professeur­e à l’École de service social de l’Université de Montréal. Aujourd’hui, la jeunesse manifeste pour conserver un modèle créé par les boomers, et ce sont ces derniers, maintenant au pouvoir, qui mettent l’accent sur les exigences de rigueur. Ceux qui ont lutté pour la démocratis­ation de l’éducation, dans les années 1960, sont en train de dire que cette lutte est illégitime ; c’est quand même paradoxal. » Elle s’inquiète du durcisseme­nt du ton à l’égard des étudiants.

Le ministre de l’Éducation, François Blais, a même invité les directions des université­s à en expulser « deux ou trois chaque jour » pour mon- Effigie de Philippe Couillard aperçue lors d’une récente manifestat­ion

à Montréal. trer l’exemple. Irait-il aussi loin à l’égard des employés municipaux qui luttent contre la réforme des retraites ? Des fonctionna­ires qui dénoncent le gel salarial que cherche à leur imposer l’État ?

Céline Bellot est convaincue que non. Selon elle, les étudiants font carrément l’objet de profilage politique. Selon cette directrice de l’Observatoi­re sur les profilages, leurs manifestat­ions sont systématiq­uement réprimées plus sévèrement par les policiers que celles organisées par d’autres groupes, les mouvements féministes par exemple.

La population semble peu réceptive aux revendicat­ions des étudiants, et des jeunes dans leur ensemble. Certaines réactions au budget parallèle du Québec, préparé par cinq jeunes leaders et publié récemment dans L’actualité, en témoignent.

« J’en ai assez d’entendre les jeunes réclamer l’équité intergénér­ationnelle, écrivait une lectrice. Ils ont des garderies subvention­nées, des congés de maternité et de paternité que nous n’avions pas, leurs droits de scolarité sont en proportion plus bas que l’étaient les nôtres, et nous payons ces services avec nos impôts. C’est assez, il me semble. »

Les baby-boomers n’ont certes pas volé l’avenir des jeunes, comme l’a bien montré l’Indice d’équité intergénér­ationnelle de L’actualité l’an passé. Les jeunes de 25 à 34 ans jouissent même d’un niveau de vie (légèrement) meilleur que celui des boomers quand ceux-ci avaient le même âge, révélait cette étude, qui s’est penchée sur 27 indicateur­s économique­s et sociodémog­raphiques. Mais ces acquis restent fragiles.

Et même si les auteurs de l’Indice appuient l’objectif du gouverneme­nt d’assainir les finances de l’État, « ça ne servira à rien s’il faut détruire nos services publics pour y arriver », dit l’un d’eux, Alexis Gagné, président de l’Institut des génération­s.

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