L’actualité

LA GUERRE À L’OPÉRA

-

Le 25 décembre 1914, en pleine Grande Guerre, des soldats écossais, allemands et français, embourbés dans les tranchées, décident seuls une trêve pour Noël. Ils déposent temporaire­ment les armes, improvisen­t un match de foot avec une vieille boîte de conserve, assistent à la messe, troquent cigarettes et boutons de manchettes. Une fraternisa­tion qui se propage inégalemen­t sur le front de l’Ouest, et où la musique joue un rôle moteur. En 2005, Christian Carion tire d’ailleurs un film de cet « incident », Joyeux Noël.

De ce film, dont tantôt on loue l’humanité, tantôt on décrie l’angélisme, le compositeu­r américain Kevin Puts a tiré un opéra en deux actes, Silent Night, qui sera joué à l’Opéra de Montréal ce printemps. Une bonne nouvelle pour l’institutio­n culturelle, qui, grâce à des programmat­ions plus actuelles, peut atteindre un plus vaste public. En particulie­r quand elle présente l’oeuvre d’un créateur aussi talentueux.

Kevin Puts, tout juste quadragéna­ire, a une façon de jouer avec les ressorts émotionnel­s de la musique qui parle au plus grand nombre : il façonne une musique complexe, recherchée, mais accessible et touchante. Figurant parmi les compositeu­rs les plus doués de sa génération, il est un multi-instrument­iste redoutable, à l’aise dans tous les registres. Surtout, il s’interroge dans ses production­s sur l’actualité récente, comme le réchauffem­ent climatique ou la guerre au Moyen-Orient.

Pour Silent Night, son premier opéra, coécrit avec son compatriot­e librettist­e Mark Campbell, il a reçu le prix Pulitzer de musique en 2012. Ce drame lyrique plonge le public au coeur du champ de bataille et met à nu l’humanité profonde de ces soldats, entre histoires d’amour et de famille. Une tragédie qui existait bien avant 1914, et qui n’a pas pris une ride à l’ère des armes bactériolo­giques et des guerres dites propres.

À la lumière des conflits d’aujourd’hui, ce spectacle, où la grâce et le chaos sont magistrale­ment réunis, aura une résonance particuliè­re. Peut-être pour se rappeler qu’avant le sifflement des balles il y avait la musique des bals.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada