UN HÔTEL DANS VOTRE SALON
F rancis Davidson venait de terminer sa première année à l’Université McGill, où il étudiait la philosophie, l’économie et les finances, quand il a eu l’idée de créer une chaîne hôtelière avec les appartements inoccupés par les étudiants pendant l’été. De cette idée est né Flatbook, devenu en trois ans l’un des plus beaux espoirs de la scène québécoise des entreprises Web ! La société emploie une cinquantaine de personnes à Montréal et 40 autres à temps partiel dans une trentaine de villes de 11 pays. « L’été dernier, nous avons fait des ventes d’un million de dollars avec un investissement initial d’à peine 50 000 dollars. »
Le jeune homme de Gatineau a eu cet éclair de génie à l’été 2012, lorsqu’il cherchait à sous-louer l’appartement de la rue Hutchison qu’il occupait pendant l’année scolaire. Il s’est demandé si des visiteurs de passage à Montréal pourraient souhaiter y passer quelques nuits. Et s’il pouvait rendre service à d’autres étudiants dans la même situation.
Francis Davidson et le cofondateur Lucas Pellan, 22 ans tous les deux, me donnent rendez-vous dans un café branché du Plateau-MontRoyal, à Montréal. Il fait beau et chaud et Pellan est en bermuda. L’économie du Web est le terrain de jeu de jeunes entrepreneurs qui ne se formalisent pas des coutumes et usages du monde des affaires.
Ni des règles. En créant un marché électronique qui permet à des propriétaires et à des locataires de louer ou de sous-louer un appartement à des touristes, Flatbook se pose comme un concurrent des gîtes et hôtels, qui doivent, eux, payer des taxes, des assurances et d’autres frais. Dans presque toutes les villes ou régions du monde, les taxes sur l’hébergement permettent notamment de financer les efforts de promotion touristique. « On aimerait payer ces taxes, mais nous ne pouvons pas les prélever, parce que les logements que nous mettons à la disposition des visiteurs ne sont pas disponibles à l’année », m’explique Francis Davidson.
À ceux qui disent que Flatbook et le géant américain Airbnb contournent les réglementations existantes, le jeune entrepreneur oppose une autre réalité. « À Montréal, comme dans toutes les grandes villes, il y a des milliers d’appartements loués à court terme. Nous apportons une solution pour simplifier la relation entre ces locateurs et leurs clients. »
Simplifier. Ce mot revient souvent dans notre discussion. Francis Davidson et Lucas Pellan prétendent que leur modèle est plus simple et plus perfectionné que celui d’Airbnb. Le site américain fait pourtant un malheur sur le Web. Plus d’un demi-million d’appartements y sont inscrits, dans 33 000 villes de différents pays. L’entreprise a obtenu près de 800 millions de dollars américains pour financer sa fulgurante expansion depuis sa création, en 2008.
À la différence d’Airbnb, qui est essentiellement un site transactionnel, Flatbook se voit comme une chaîne hôtelière avec des marges bénéficiaires beaucoup plus intéressantes. « Nous voulons être un Hilton, alors qu’Airbnb s’apparente plus à Expedia » , explique Francis Davidson.
Contrairement au site américain, Flatbook assume tous les risques : il paie en entier le loyer mensuel du locateur et s’occupe de l’entretien ménager, de l’entreposage des biens et même de la remise des clés. Pour un trois-pièces qu’il paie, disons, 1 500 dollars, Flatbook encaisse les revenus de 30 nuitées offertes, pour les besoins de la démonstration, à 160 dollars chacune. Francis Davidson estime qu’un taux d’occupation de 38 % est suffisant pour atteindre la rentabilité.
Flatbook est aussi à la recherche d’appartements qu’il pourra aménager avec sa propre designer. « Dans cinq ans, vous pourrez trouver sur Flatbook un logement à Tokyo pour la fin de semaine ou un à Berlin pour quatre mois, qui offriront à bon prix une expérience comparable à celle des meilleurs hôtels. Nous serons alors l’un des plus importants gestionnaires immobiliers au monde. »