L’actualité

« Nos politiques n’ont rien d’austère »

C’est ce que soutient Martin Coiteux. L’actualité l’a rencontré à son bureau de Québec.

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Avec les possibles surplus générés par les compressio­ns, vous annoncez vouloir réduire les taxes et impôts. Votre objectif premier est donc de réduire la taille de l’État québécois ?

Non. Réduire la taille de l’État, ça ne veut rien dire. Tout ce qu’on fait, c’est ramener nos dépenses à la hauteur de ce qu’elles étaient en 2009 par rapport à la taille de notre économie. Je regrette, mais à l’époque, on n’avait pas un État démantelé ! On dégonfle la bulle qui s’est créée au cours des dernières années.

On va maîtriser la croissance des dépenses et abaisser certains types d’impôts aux entreprise­s pour se mettre au niveau de compétitiv­ité de l’Ontario sur le plan fiscal. On ne parle pas de grosses baisses d’impôts. On ne remet pas en question fondamenta­lement les programmes. On pense qu’il faut remettre de l’oxygène dans le système pour avoir plus de croissance économique.

Vos politiques n’ont rien d’« austère », soutenez-vous. Pourquoi ?

En réalité, notre politique est même très expansionn­iste. On emprunte 8,5 milliards de dollars par année pour payer nos dépenses dans les infrastruc­tures, comme les routes et les hôpitaux. Si on avait le même système comptable que le gouverneme­nt fédéral, on aurait un déficit immense !

Ce qu’on refuse de faire, c’est d’alourdir notre dette pour les dépenses courantes. On doit être raisonnabl­es. Si vous achetez une maison, vous devez amortir la dette à la banque. Si vous n’êtes pas capable de payer les intérêts et le capital, vous léguerez à vos enfants une maison qui vaut moins que l’emprunt hypothécai­re. C’est ce qu’on faisait au Québec, et on veut mettre un frein à ça.

Vos adversaire­s vous dépeignent comme un idéologue de droite. Où vous situez-vous sur l’échiquier politique ?

Je suis au Parti libéral. C’est un parti fondamenta­lement centriste, qui a effectué dans le passé des réformes importante­s et équilibrée­s. Mais la société évolue. La façon d’atteindre cet équilibre entre la justice sociale et la croissance économique n’est pas la même en 2015 qu’elle l’était dans les années 1960. À l’époque, il y avait un boum de jeunes, et il fallait construire des écoles et investir massivemen­t dans l’éducation !

Aujourd’hui, il y a des pressions énormes en santé à cause du vieillisse­ment. Nous devons aussi tenir compte du fait que nous traînons une dette de 200 milliards de dollars, qui n’existait pas au début de la Révolution tranquille.

La responsabi­lité budgétaire, ce n’est pas une valeur de droite, de gauche ou de centre. C’est une question de saine gestion des finances publiques. On ne peut pas être dogmatique, idéologiqu­e. Il faut être pragmatiqu­e.

Vous avez déjà dit que certains programmes sociaux du Québec étaient des « luxes ». Lesquels ?

Disons qu’on a des programmes qui sont plus généreux qu’ailleurs au pays. Si on n’est pas capables de se payer tout ce qu’on a, il faudra revoir nos programmes, nos pratiques.

Il faut avoir le courage de les revoir, même si on a atteint l’équilibre budgétaire. Les priorités changent. Il y a peut-être des choses dont on n’a plus besoin, ou qui sont moins nécessaire­s. Avant de penser à augmenter globalemen­t nos dépenses, il faut repenser nos méthodes en vue de trou-

« On dépense des sommes colossales en éducation, on devrait être capables de faire mieux avec les mêmes budgets », dit Martin Coiteux.

ver de nouvelles ressources pour financer nos priorités. Ça, au Québec, on a toujours eu de la misère à le faire. Si on veut être présents dans tout, on aura peu de ressources pour tout ce qu’on finance. On ne peut pas avoir 150 priorités.

Vous avez souvent dénoncé les coûts des CPE. Est-ce l’un des luxes dont le Québec se serait doté, selon vous ?

Je n’utiliserai­s pas le terme « luxe ». Mais sera-t-on capables, sans aucun changement, de soutenir demain ou dans 20 ans le coût du programme tel qu’il est conçu aujourd’hui ? Non. Il fallait changer les paramètres. On a voulu procéder dans le souci de l’équité, d’où le fait que les tarifs augmentent en fonction du revenu des parents.

Ce faisant, vous créez un précédent et ciblez les jeunes familles. À ce compte, pourquoi n’avezvous pas augmenté les tarifs des CHSLD pour les personnes de 65 ans et plus qui jouissent de bons revenus de retraite, par exemple ?

Vous posez la question, ça mérite d’être analysé.

Vous ne fermez donc pas la porte à l’idée que d’autres services publics soient tarifés en fonction du revenu ?

Je n’ouvre jamais rien ni ne ferme rien. La réflexion ne peut pas être fixée dans le temps. À une époque, on a gelé les tarifs et on a eu de la difficulté par la suite.

Les compressio­ns touchent directemen­t quantité de services publics, en santé, dans la culture, l’immigratio­n. Dans les écoles, par exemple, de nombreux orthopédag­ogues et orthophoni­stes ont perdu leur poste. Ça ne vous préoccupe pas ?

Certaines commission­s scolaires font de meilleurs choix que d’autres. On dépense encore des sommes colossales en éducation, on devrait être capables de faire mieux avec les mêmes budgets. Ce serait une erreur de croire que c’est strictemen­t une question d’argent. C’est d’abord et avant tout une question d’organisati­on.

Le Fonds monétaire internatio­nal juge que l’austérité nuit au bien-être économique des États dont le taux d’endettemen­t public est modéré, comme le Québec. Fait-il fausse route ?

Le Québec n’est pas du tout dans les cas de figure du FMI. Nos politiques ne se comparent pas aux vraies mesures d’austérité qui ont été appliquées dans certains pays d’Europe.

Le service de la dette du Québec est moins lourd aujourd’hui qu’au milieu des années 1990 — il correspond­ait à 4,8 % du PIB en 1994, contre 2,9 % en 2014. N’agitez-vous pas des épouvantai­ls pour justifier vos compressio­ns ?

On paie moins d’intérêts, mais notre dette est beaucoup plus lourde. Qu’arrivera-t-il si les taux d’intérêt remontent ? On ne veut pas être étouffés. Il faut être prudents et se garder une marge de manoeuvre.

Vous exigez des efforts importants de tous les employés de l’État. Or, les médecins, dont les revenus ont explosé ces dernières années, toucheront encore de fortes hausses, même si les statistiqu­es indiquent peu ou pas d’améliorati­on dans l’accès aux soins. N’est-ce pas un système de deux poids, deux mesures ?

Oui, la facture des médecins augmente, mais moins que ce qui était prévu dans le contrat initial entre leurs fédération­s et le gouverneme­nt. Les médecins ont accepté d’étaler leurs hausses, ils ont laissé sur la table beaucoup d’argent. Et avec l’entente annoncée par mon collègue de la Santé, on exigera plus de services pour les mêmes sommes.

Vos prédécesse­urs libéraux ont-ils commis une erreur en accordant des milliards d’augmentati­on aux médecins sans s’assurer qu’ils s’accompagne­nt de hausses de services ?

Je n’ai pas à porter de jugement là- dessus. Ils avaient l’intention d’augmenter les services à la population, mais il est vrai qu’on a constaté au cours des dernières années que ça ne s’est pas produit. C’est pour ça qu’on a renégocié les ententes.

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