CRIMES DE GUERRE
Le canal de Panamá et celui de la mer Blanche ont coûté leur lot de vies humaines, mais aucun chantier ne fut plus meurtrier que « la voie ferrée de la mort », reliant la Thaïlande et la Birmanie :
en 1943, 90 000 travailleurs asiatiques et 13 000 prisonniers
de guerre y ont péri, pour la gloire de l’empereur Hirohito. Le
père de l’écrivain tasmanien Richard Flanagan a vécu cet enfer et a survécu à l’hécatombe. Son expérience a servi de source d’inspiration à La route étroite vers le nord lointain (prix Man Booker 2014). Dans ce roman d’une dureté impitoyable, les prisonniers s’entraident, mais se
haïssent aussi. Les gardes coréens infligent brutalement les punitions, sous peine d’être
châtiés à leur tour. Les commandants japonais, dopés aux amphétamines, observent un code d’honneur rigide et récitent des haïkus avant de trancher la tête des prisonniers. Richard Flanagan suit ses
personnages après la capitulation du Japon, alors que les uns apprennent à gérer les séquelles de leur calvaire, tandis
que les autres tentent de justifier leurs crimes par toutes sortes de contorsions morales. Tous, cependant, trouvent dans
l’oubli leur plus grand allié, nourrissant l’espoir illusoire que l’histoire, avec le temps, finira par s’effacer. ( La route étroite vers le nord lointain, par Richard
Flanagan, Actes Sud, 432 p.)