LE PRINTEMPS DES EMPRUNTS
L’ Alberta de Rachel Notley a déjà reçu 250 millions de dollars d’Ottawa pour contrer les effets les plus criants du ralentissement pétrolier. L’Ontario de Kathleen Wynne se prépare à son tour à solliciter l’aide du grand frère fédéral. Et ça ne fait que commencer.
Tous les espoirs suscités par la générosité annoncée du gouvernement Trudeau seront rudement mis à l’épreuve ce printemps lorsque le ministre fédéral des Finances, Bill Morneau, déposera son premier budget.
Les libéraux seront-ils fidèles à leurs promesses même si leur concrétisation se fera aux dépens de la prochaine génération ?
Le déficit de 18,4 milliards annoncé par le ministre des Finances pourrait atteindre 30 milliards, selon de nombreux analystes. Il faut en effet ajouter les 5 milliards déjà annoncés pour les infrastructures, sans compter les coûts, non encore connus, des nouveaux programmes promis.
Ces emprunts seront remboursés par les travailleurs de demain, qui seront moins nombreux que ceux d’aujourd’hui. Cette réalité démographique est inexorable. Tous les baby-boomers ou presque seront morts d’ici 40 ans. Et l’immigration ne suffira pas à compenser leur disparition.
Personne ne veut voir le Canada entrer en récession, bien sûr.
Pour stimuler l’économie, des investissements dans les infrastructures, comme les libéraux l’ont promis pendant la campagne électorale, c’est une bonne idée.
Mais le ministre des Finances doit aussi tenir compte d’une foule de risques et de menaces : une récession aux États-Unis ? Une chute des prix de l’immobilier ? Une nouvelle baisse de la valeur du huard ? (Pour parer à de tels imprévus, le ministre Morneau a mis de côté six milliards. Son déficit sera moins grand si ces tempêtes ne se matérialisent pas.)
L’Arabie saoudite dit pouvoir composer avec un baril à 20 dollars le temps qu’il faudra pour faire perdre toute envie de pro-
La majorité des économistes estiment que dans un contexte de taux d’intérêt bas comme aujourd’hui, une dette fédérale de 25 % à 35 % du PIB est acceptable. En 1997, la dette avait atteint 65 % du PIB. Présentement, elle est de 31 %.
duire du pétrole aux pays dont la ressource est coûteuse à extraire, le Canada notamment. Ce n’est donc pas demain que le pétrole albertain renflouera les coffres du pays.
Pour assurer un bon niveau de vie à ses habitants, le Canada doit miser sur l’innovation, la haute technologie, le secteur manufacturier. Il faudra voir lors de la présentation du budget quelles politiques le ministre Morneau favorisera pour stimuler la croissance.
Le pays a besoin de grandes entreprises comme Bombardier, par exemple. Investir des dollars publics dans cet effort n’est pas un cadeau aux riches, comme le disent trop facilement les populistes, c’est un risque qui vaut son pesant d’or. (Voir le billet de Charles Grandmont dans notre version numérique et à lactualite.com.)
Le 22 mars, lorsque Bill Morneau déposera son budget, il faudra se souvenir du prix à payer non seulement aujourd’hui, mais aussi demain. Les besoins sont infinis. Des bateaux pour la Marine, un financement accru des soins de santé pour faire face au vieillissement de la population, de meilleurs services aux autochtones, des crédits d’impôt pour soutenir une économie plus verte, plus de soutien aux scientifiques, etc.
Pour Justin Trudeau, le grand défi est maintenant de choisir et de savoir dire non.