LE DOUBLE DISCOURS
Quelques dossiers où Ottawa est allé à l’encontre de ses propres directives...
PÉROU
De 1991 à 2000, le Canada a autorisé l’exportation de marchandises militaires au Pérou totalisant huit millions de dollars. Élu président en 1991, Alberto Fujimori a dissous le Parlement avec l’appui des militaires un an plus tard. Les exportations de marchandises militaires canadiennes ont alors explosé, leur valeur étant passée de 135 000 dollars en 1991 à 1,9 million en 1992. Cette même année, le Pérou est en état de « terreur politique totale », selon l’échelle de l’Université Purdue. Cela n’empêche pas la valeur des exportations militaires canadiennes d’atteindre 3,8 millions de dollars l’année suivante, sous les conservateurs de Brian Mulroney. Des escadrons de la mort matent des opposants politiques et des insurrections. Fujimori utilise la manière forte contre, notamment, la guérilla maoïste du Sentier lumineux. En 2000, dénoncé par l’Organisation des États américains et par les États-Unis, Fujimori quitte le Pérou pour le Japon. À partir de 2007, il est successivement reconnu coupable d’abus de pouvoir, de corruption, meurtres, fraudes et violation des droits de la personne.
ALGÉRIE ET ÉGYPTE
La vente de 28 millions de dollars de marchandises militaires canadiennes à l’Algérie, de 1991 à 2008, alors que l’annulation d’élections législatives par l’armée y provoque une guerre civile qui durera plus d’une décennie, est un autre cas à noter. Ou encore les 43,8 millions de dollars d’équipements à destination de l’Égypte de 2013 à 2015, soit juste après un coup d’État qui a entraîné des manifestations monstres et des centaines de condamnations à mort. Selon Human Rights Watch, la répression de l’armée égyptienne pendant ces années-là fut « l’un des plus importants massacres de manifestants de l’histoire récente ».
RUSSIE
Depuis 2003, les fabricants canadiens ont exporté vers la Russie 1,2 million de dollars d’armes à feu de petit et gros calibres, ainsi que des munitions. Si certaines années la valeur des marchandises n’était que de quelques centaines de dollars, elle a atteint un sommet en 2014 : un demi-million de dollars d’armes à feu y ont été envoyées, alors que le conservateur John Baird était ministre des Affaires étrangères. Pourtant, en février de la même année, la Russie envahit la Crimée, en Ukraine. Le Canada impose des sanctions à Moscou, qui lui en impose à son tour. Une mystérieuse exportation de « technologie » d’une valeur de cinq dollars a également eu lieu en 2002, sous les libéraux de Jean Chrétien.
THAÏLANDE
Depuis 2003, des entreprises canadiennes ont exporté en Thaïlande des armes à feu, des véhicules terrestres et aériens, ainsi que du matériel électronique militaire, d’une valeur totale de 59 millions de dollars. Pourtant, la situation politique se dégrade dès 2003 et un coup d’État militaire survient en septembre 2006. L’année suivante, des élections sont déclenchées, mais la situation reste tendue. En deux ans, cinq premiers ministres défilent à la tête de l’État thaïlandais. En 2010, des manifestations massives sont réprimées dans le sang. En 2014, un nouveau coup d’État secoue le pays. Le Canada continue pendant tout ce temps à envoyer des marchandises militaires. Et 10 ministres se succèdent aux Affaires étrangères, tant des conservateurs que des libéraux.