L’actualité

Le blues des propriétai­res d’armes à feu

Depuis l’attentat dans une mosquée de Québec, en janvier dernier, les amateurs de tir ont l’impression que l’opinion publique s’est retournée contre eux, constate le vice-président du groupe de pression Tous contre un registre québécois des armes à feu, G

- PAR CATHERINE DUBÉ

Depuis l’attentat dans une mosquée de Québec, en janvier, les amateurs de tir ont l’impression que l’opinion publique s’est tournée contre eux.

Plusieurs médias ont rapporté que l’auteur présumé de l’attentat de Québec possédait un permis d’armes à feu, ce qui ne l’avait pas empêché de passer entre les mailles du filet. En quoi ce genre d’affirmatio­n vous dérange-t-il ? C’est vrai qu’il est passé entre les mailles du filet. Mais la raison pour laquelle c’est arrivé n’est pas le manque de contrôle. Tout est déjà en place de ce côté : pour avoir une arme, il faut avoir suivi un cours, obtenir un permis et se plier à toute une série de conditions.

Depuis le drame de Polytechni­que, il y a 27 ans, on s’intéresse seulement à l’objet — l’arme — et à son contrôle, et on vise tous les propriétai­res d’armes à feu comme si c’étaient des dangers potentiels. Mais le problème de base, c’est la santé mentale. Alexandre Bissonnett­e avait un trouble d’anxiété. Il prenait des médicament­s. Comme dans à peu près toutes les tueries de masse, c’est toujours la même histoire : des problèmes mentaux, quelqu’un qui ne prend pas ses médicament­s ou qui les mélange à autre chose, comme de la drogue ou de l’alcool. On pense à Kimveer Gill, à Dawson, ou à Richard He nr y Ba i n , a u Métropolis.

C’est là que le filet de sécurité ne fonctionne pas. Il faudrait plus de prévention et d’éducation pour apprendre à reconnaîtr­e les signes avant-coureurs avant que la personne commette un acte. Surtout dans la tranche d’âge des 18 à 30 ans. Pourquoi en échappe-t-on ? On n’est pas assez outillé pour voir ces signes avant-coureurs ? Au Québec, on a déjà la loi 9, qui a été adoptée après la tuerie de Dawson et qui donne la possibilit­é aux médecins et aux psychologu­es de briser le secret profession­nel et d’avertir la police s’ils croient qu’une personne pose un risque pour elle-même ou pour quelqu’un d’autre.

Un drame familial, par exemple, ça n’arrive pas du jour au lendemain. Il y a des problèmes de couple, de santé mentale ou d’argent. Quelqu’un qui perd sa job, ce n’est pas grave, mais quelqu’un qui a de gros problèmes financiers en plus, c’est un peu plus grave. Si le gars est en train de se séparer en plus… allumez, quelqu’un !

C’est toujours dans des situations comme celles- là que des drames arrivent. On a un problème de société, qui n’est pas seulement dû aux armes à feu. Qu’est-ce qu’il faut faire ? Offrir plus de formation ? Peut-être. Pourquoi on ne donnerait pas des cours aux gens qui sont en relation avec ce genre de personnes pour qu’ils reconnaiss­ent les signes avant-coureurs ?

Les membres d’un club de tir se doivent déjà de signaler une personne qui a des problèmes de santé mentale. La loi 9 leur permet de le faire.

Les propriétai­res d’armes à autorisati­on restreinte doivent déjà suivre un cours pour se familiaris­er avec cette loi. On pourrait ajouter un cours d’une heure ou deux pour parler des signes avant-coureurs.

Je pense à ça comme ça… C’est la première fois que quelqu’un me pose la question ! Que répondez-vous à ceux qui pensent que la meilleure façon d’éviter les homicides par arme à feu serait de tout simplement interdire la possession d’armes par la population civile ? S’il n’y a plus d’autos demain matin, il n’y aura plus d’accidents, c’est évident. S’il n’y a plus de piscines derrière les maisons, il n’y aura plus de noyades d’enfants. C’est la solution extrême. Mais avec les armes à feu, le problème, c’est que les criminels vont toujours trouver une solution pour s’en procurer sur le marché noir.

Dans tous ces cas, ces morts par arme à feu sont dues à un problème de santé mentale. Si on mise sur la prévention, c’est là qu’on va régler le problème. Le nombre d’armes à autorisati­on restreinte a doublé en 10 ans au Canada. À quoi cela est-il dû ? La popularité des armes restreinte­s a augmenté en flèche en raison de la popularité de nouveaux types de compétitio­ns, comme le tir IPSC [ du nom de l’Internatio­nal Practical Shooting Confederat­ion], où la personne va courir avec l’arme à feu, des cibles à gauche et à droite, à différente­s hauteurs et distances, ou encore le 3- Gun, où elle doit en plus tirer successive­ment avec un pistolet, un AR-15 [une arme semi-automatiqu­e] et un fusil de calibre 12. Il y a aussi le CQB [ Close Quarter Battle], de type plus militaire, avec changement de chargeur et tir dans différente­s positions.

Le tir est aussi de plus en plus populaire auprès des femmes. Elles sont nombreuses à adorer tirer avec des armes à feu. Pourquoi les femmes aiment-elles cela plus qu’avant ? Le marketing a été fait pour aller chercher cette clientèle. Ma fille de 19 ans a suivi son cours l’an passé. En plus d’abolir le registre des armes d’épaule, le gouverneme­nt Harper a assoupli la Loi sur les armes à feu, notamment pour le transport des armes à autorisati­on restreinte. Pour le transport, ça n’a rien changé. Auparavant, il fallait demander une autorisati­on de transport à la GRC chaque fois que l’on voulait se déplacer avec une arme à autorisati­on restreinte. Il fallait en demander une pour le club de tir, une autre pour aller à une compétitio­n, une autre pour aller à l’armurerie, etc. Maintenant, l’autorisati­on est incluse dans le permis de possession. Chaque demande d’autorisati­on était une occasion pour la GRC de revérifier que la personne était en règle, non ? Dans les faits, la GRC ne le faisait pas, puisque la personne avait déjà son permis de possession et que l’arme était déjà enregistré­e. [Au moment de mettre sous presse, la GRC n’avait pas confirmé l’informatio­n.] Et ce genre de contrôle ne diminue pas les risques. Kimveer Gill n’a pas appelé la GRC pour demander l’autorisati­on d’aller à Dawson.

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GUY MORIN

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