LE RAP EN SOLO
La scène rap du Québec connaît depuis quelques années de très beaux moments, même qu’au dire de certains de ses musiciens, nous vivons une sorte d’âge d’or de ce style musical. Le rap qui se fait ici n’a pas à pâlir devant le reste de la production mondiale, et il réussit même à introduire un peu de québécitude dans cette sphère américanisée.
Plusieurs groupes ont marqué ce mouvement chez nous : Radio Radio, Dead Obies, Loud Lary Ajust, par exemple, ont réussi à faire vibrer la jeunesse musicale du Québec avec des approches différentes mais complémentaires. Ce début d’année 2017 semble toutefois être le moment où des rappeurs de ces formations tenteront le coup en solo.
Jacques Doucet, de Radio Radio, plonge à la mi-mars dans l’aventure hors de son groupe rap, pop et électro, qui nous a offert la célèbre « Jacuzzi ». Sous le nom de Jacques Jacobus, il laisse temporairement en plan son acolyte Gabriel Malenfant pour se lancer en solo, un projet qu’il chérissait depuis une dizaine d’années.
Avec l’avantage de ne pas avoir à faire de compromis, d’avoir carte blanche pour la création musicale. « Dans les textes et le côté visuel, c’est plus personnel, notamment dans les thématiques », racontait-il à l’Acadie Nouvelle.
Du côté des membres de Dead Obies, qui ont obtenu un fort succès auprès des 16 à 35 ans avec leurs deux albums accrocheurs où ils s’expriment en « franglais », c’est le rappeur Joe Rocca qui tente l’aventure en solitaire. En décembre, le manieur de micro à la voix un brin nasillarde dévoilait déjà une première chanson, « Commando », ainsi qu’un clip assez torride. Encore là, on peut cerner un désir de se démarquer de sa bande d’origine. Le nouveau titre parle de relations amoureuses, « chose qu’on n’aborde pas vraiment avec le crew de Dead Obies, racontait Joe Rocca à Vice. Il y a une touche de R&B, qui est moins exploitée avec le groupe, parce qu’on fait le party. » Être dans une formation a ses avantages, mais amène d’inévitables contraintes. Son minialbum est prévu au printemps.
Le trio Loud Lary Ajust a parcouru de long en large le Québec dans les dernières années, et on l’a même vu avec Dead Obies lors du concert d’ouverture des FrancoFolies 2016. Depuis peu, le groupe a décidé de faire une pause, un arrêt qui était tout indiqué pour que ses membres cultivent leur signature personnelle. Le premier à s’essayer est Lary Kidd, qui lance fin mars le disque
Contrôle. Un premier titre, « Les palmiers brûlent dans la nuit », le montrait dans un enrobage sonore différent, avec des effets dans la texture de la voix.
Financièrement, il peut être intéressant de ne pas partager les chèques avec quatre ou cinq collègues. Mais délaisser un groupe réputé, établi, avec ses admirateurs bien fidèles, comporte ses risques, « comme rentrer une aiguille dans un vieux disque », aurait dit Richard Desjardins, qui n’avait pas grand-chose du rappeur, mais qui a fait carrière sous son nom après avoir joué avec Abbittibbi. Par rapport à d’autres styles musicaux, le rap peut toutefois compter sur un public très curieux et passionné. D’où peut-être l’idée de plonger.