L’actualité

Économie

- PAR PIERRE FORTIN

Nos dirigeants politiques répètent que le Québec doit devenir « un État axé sur l’innovation ». C’est bien, mais il y a un problème : on paraît souvent incapable de concevoir que des innovation­s puissent à l’occasion éclore et être des succès dans le secteur public. Certaines de nos plus grandes réussites, comme les CPE, les cégeps ou Télé-Québec, continuent d’être dénigrées à répétition, malgré les preuves réitérées de leur capacité de promouvoir le bien commun, et ce, à faible coût.

D’abord, les CPE. En 2015, le gouverneme­nt Couillard n’a pas hésité à punir les jeunes parents contribuab­les qui utilisent les garderies éducatives à tarif modique. Il a augmenté leur contributi­on, tout d’un coup, de 40 %. La somme exigée est passée en moyenne de 1 800 dollars à 2 500 dollars par année par enfant. Pourtant, on donne partout dans le monde nos CPE en exemple. Les revues de psychologi­e, de psychiatri­e et de médecine louangent leur effet favorable sur le développem­ent des enfants. La Banque du Canada, le Fonds monétaire internatio­nal et l’Organisati­on de coopératio­n et de développem­ent économique­s soulignent leur aide au taux d’activité et à l’autonomie financière des jeunes femmes. Les CPE parviennen­t même à s’autofinanc­er avec les revenus fiscaux supplément­aires qu’ils permettent aux gouverneme­nts d’encaisser.

Ensuite, les cégeps. En 2014, la Commission jeunesse du Parti libéral du Québec a proposé de les abolir. Pourtant, il est bien établi que nos cégeps constituen­t depuis 50 ans de solides accélérate­urs de la scolarisat­ion des jeunes au niveau postsecond­aire. Heureuseme­nt, cette fois, le premier ministre Philippe Couillard s’est interposé. Il a décrit à juste titre les cégeps comme des acteurs socioécono­miques majeurs, qui sont là pour de bon. Les cégeps l’ont encore échappé belle.

Enfin, Télé-Québec. En octobre dernier, l’Orchestre Métropolit­ain, sous la direction de Yannick NézetSégui­n, a offert un grand concert symphoniqu­e pour fêter le 50e anniversai­re de la création de Télé-Québec, aujourd’hui le plus grand réseau de télévision éducative et culturelle au Canada. Dans le livre hommage de Danielle Stanton publié à cette occasion aux Éditions La Presse, le chef Nézet-Séguin affirmait que « TéléQuébec a été (et est toujours) un pôle de rassemblem­ent de la société qué-

bécoise, un trait d’union culturel, un miroir dans lequel on se découvre et on se reconnaît [...], au point d’en faire parfois un élément constituti­f de son identité personnell­e ». Pourtant, lors d’une rencontre au ministère des Finances du Québec à laquelle je participai­s il y a quelque temps, un grand conseiller économique a suggéré à brûle-pourpoint : « Télé-Québec ? Faut farmer ça, stie ! »

Qui a raison : le chef Nézet-Séguin ou le grand conseiller ? Chacun a droit à son opinion, bien sûr, mais en fin de compte, ce sont les faits qui doivent trancher.

Or, d’une part, les Québécois aiment Télé-Québec. Sa portée hebdomadai­re en fait foi. En 2017-2018, 49 % des francophon­es ont regardé TéléQuébec chaque semaine. Ce pourcentag­e d’écoute grimpe à 60 % parmi les 7 à 11 ans et à 68 % chez les toutpetits. Avec 280 000 enfants de 2 à 6 ans qui regardent Télé-Québec chaque semaine, le réseau est notre principal foyer d’éducation préscolair­e hors CPE. Bien que, depuis cinq ans, la proliférat­ion des plateforme­s numériques ait fait diminuer l’écoute de la télévision traditionn­elle par les enfants québécois, Télé-Québec a évolué à contre-courant : elle a augmenté sa capacité d’attraction. Les enfants de 2 à 11 ans l’ont regardée une demiheure de plus par semaine en 2018 qu’en 2013. La qualité du réseau lui a valu 33 prix Gémeaux en septembre dernier.

D’autre part, côté coûts, les petits moyens de Télé-Québec font des miracles. Grâce à une réorganisa­tion continuell­e du travail et aux améliorati­ons technologi­ques, le réseau parvient à produire de plus en plus d’heures de première diffusion et de rediffusio­n par dollar dépensé (en salaires, équipement et autres charges). La « productivi­té » de TéléQuébec ainsi mesurée et pondérée selon la norme de l’industrie a progressé de 3 % par année de 20062007 à 2016-2017. C’est un rythme de croissance six fois plus rapide que celui de la moyenne de toute l’économie du Québec au cours de la même période.

Que le grand conseiller aille se faire cuire un oeuf. Allez, bon Ciné-Cadeau, tout le monde !

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