Maître d’oeuvre
La prochaine fois que vous visiterez le Musée des beaux-arts de Montréal, regardez les noms inscrits sur le mur, dans le hall d’accueil. Regardez aussi ceux qui indiquent la provenance des toiles. Ceux qui désignent les pavillons. Vous y découvrirez les patronymes de certaines des familles les plus riches du pays, et vous aurez une idée de l’influence qu’exerce la directrice et conservatrice en chef, Nathalie Bondil.
Cette Française d’origine est loin d’être la seule personne à solliciter le petit monde de la philanthropie québécoise et canadienne. Mais elle tire visiblement bien son épingle du jeu : depuis son entrée en poste, en 2007, le MBAM s’est agrandi de deux nouveaux pavillons et a enrichi sa collection de plus de 8 000 oeuvres, essentiellement des dons.
« Parfois, on me dit : c’est facile, madame Bondil, on vous fait des chèques pour faire ce que vous voulez. Ce n’est pas si simple ! Les philanthropes ne sont pas là pour payer des projets individuels ; ce sont des partenaires. » Ce qui les attire vers le MBAM, ce sont les valeurs de l’établissement et les liens qu’il crée entre l’art et les enjeux de notre société.
Au printemps dernier, le musée inaugurait ainsi deux expositions liées à l’influence des Noirs dans l’art. Quelques semaines plus tard, la controverse autour du spectacle SLĀV, de Robert Lepage, éclatait. « Le musée est l’endroit idéal pour avoir un dialogue sur l’interculturalisme de manière apaisée. » Et le public semble apprécier ce lieu de réflexion : avec 1,3 million de visiteurs par année, le MBAM est le musée d’art le plus fréquenté au Canada.
L’élan de Nathalie Bondil s’est toutefois buté à un obstacle inattendu cet été : les tribunaux. Dans un jugement, la Cour fédérale a restreint la définition d’« oeuvre d’intérêt national », qui donne droit à un important crédit d’impôt en cas de don à un musée. Le MBAM en ressent déjà les effets dans son réseau de donateurs.
Neuf organisations artistiques canadiennes, rassemblées par Nathalie Bondil, ont porté le jugement en appel. L’enjeu est important pour elles, la plupart n’ayant pas le budget nécessaire pour acquérir des oeuvres à leur valeur marchande. Reste à voir si l’influence de la conservatrice en chef sera assez grande pour convaincre un juge. (Marc-André Sabourin)