Le pouvoir discret
Terminé, le rythme de vie effréné pour Monique Leroux. Après avoir dirigé Desjardins pendant huit ans, la femme d’affaires de 64 ans a décidé de jouer un « rôle moins actif ». Elle siège à huit conseils d’administration et quelques comités consultatifs, donne des conférences et occupe le poste de conseillère stratégique à Fiera Capital, l’un des plus importants gestionnaires de placements au Canada. La belle vie, quoi !
« Je n’ai plus un rôle de dirigeante, mais je n’ai pas arrêté de travailler », précise Monique Leroux en riant. Certes, son influence n’est plus celle d’autrefois, mais sa présence à la table du conseil des mastodontes économiques que sont Bell, Couche-Tard et le groupe Michelin lui confère une aura importante dans le monde des affaires.
Son rayonnement est tel qu’un de ses derniers mandats l’a conduite à la Maison-Blanche, où elle s’est brièvement entretenue avec le président des États-Unis.
Peut-être vous souvenez-vous de cette image de Justin Trudeau et Donald Trump, assis à une longue table où ils étaient entourés de femmes d’affaires (dont Monique Leroux), en février 2017. L’événement marquait le lancement du Conseil canadoaméricain pour l’avancement des femmes entrepreneures et chefs d’entreprises, mais il a été décrié par plusieurs observateurs comme une simple séance photo destinée à redorer l’image des dirigeants. La comptable de formation assure qu’il n’en était rien. Du moins, du côté canadien.
« Nous avons reçu un appui sans réserve de [la ministre des Affaires étrangères] Chrystia Freeland et de Justin Trudeau pour démarrer nos travaux. Mais le contact avec la Maison-Blanche a été très compliqué. » La fille du président, Ivanka Trump, a assisté pendant 15 minutes à une réunion téléphonique, puis, silence radio.
Les 10 membres du Conseil — cinq Américaines, cinq Canadiennes — ne s’en sont pas moins retroussé les manches pour produire, au cours de 2018, cinq rapports proposant des solutions pour améliorer la place et le sort des femmes dans le monde des affaires. La couverture médiatique subséquente a été bien moindre que celle générée par la création du Conseil, mais Monique Leroux estime que leurs suggestions « font déjà bouger l’aiguille ».
Elle donne l’exemple de l’accès aux capitaux, plus difficile pour les femmes que pour les hommes entrepreneurs. « Il y a plein de préjugés chez les investisseurs et les prêteurs, qui pénalisent les femmes au moment de la prise de décision. » Les travaux du Conseil, qui exploraient ce problème en profondeur, ont contribué à ce qu’Investissement Québec fasse de l’entrepreneuriat féminin un secteur prioritaire, dit Monique Leroux. Le fait qu’elle préside le conseil d’administration de cette organisation n’a certainement pas nui non plus. (Marc-André Sabourin)