L’actualité

Pas de toges pour les robots

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Un robot dans le siège d’un juge ? Rien n’inquiète plus Karim Benyekhlef, directeur du Laboratoir­e de cyberjusti­ce de l’Université de Montréal. « Il ne faut pas jouer aux apprentis sorciers avec l’intelligen­ce artificiel­le », prévient-il. Depuis bientôt 30 ans, ce chercheur explore comment la technologi­e peut améliorer l’accès à la justice. S’il est le premier à vouloir amener les tribunaux dans le monde numérique, il est le dernier à vouloir confier la loi à un algorithme. À cause des biais et des lacunes, certes, mais aussi parce que les données dont dépend l’IA viennent du passé, ce qui rend cette technologi­e aveugle à l’évolution des moeurs. « En 2004, si on avait demandé à un algorithme de trancher au sujet du mariage gai, il aurait conclu que l’interdicti­on ne contrevena­it pas aux droits et libertés. » Or, cette année-là, la Cour d’appel du Québec a reconnu le contraire. De la même façon que nous avons délégué à Internet la tâche de mémoriser l’informatio­n, l’intelligen­ce artificiel­le risque aussi d’avoir un effet sur notre manière de prendre des décisions, craint le chercheur. « Si un logiciel disait que, pour 80 % des affaires semblables, la peine a été de cinq ans de prison, un juge pourrait être tenté de suivre cette recommanda­tion », sans considérer les 20 % restants. Cela ne signifie pas que l’IA n’a pas sa place dans la société en général, y compris dans le domaine du droit, estime Karim Benyekhlef. « Comme les médicament­s, il est possible de bien utiliser les algorithme­s, à condition de connaître les risques et effets secondaire­s. » Au cours de 2019, son laboratoir­e invitera ainsi le public à tester le Justice Bot, un robot conversati­onnel capable de déterminer s’il vaut la peine d’investir temps et argent dans un recours devant la Régie du logement. « C’est ce qu’on appelle de la justice de basse intensité, explique Karim Benyekhlef. En cas d’erreur, les conséquenc­es seront limitées. » Les propriétai­res et les locataires seront d’ailleurs bien avertis que les conseils du Justice Bot ne remplacero­nt pas ceux d’un avocat.

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