Le monde évolue, le droit aussi
L’intelligence artificielle (IA) révolutionne le monde des affaires, et les juristes s’adaptent aux défis posés par son utilisation croissante dans divers secteurs, affirme Anthony de Fazekas, chef canadien, Technologie et innovation, agent de brevets et associé de Norton Rose Fulbright. Et ça ne fait que commencer. Quels sont les principaux défis juridiques liés à l’IA ?
Les juristes s’affairent à comprendre les risques juridiques que courent les entreprises qui conçoivent, acquièrent ou mettent en oeuvre des systèmes d’IA, un domaine de l’informatique qui comprend notamment l’apprentissage automatique, le traitement du langage naturel, le traitement de la parole, la robotique et la vision artificielle. Par son caractère autonome, qui doit être pris en compte dans toute évaluation des risques juridiques, l’IA innove. Quelles seront les répercussions de cette technologie sur les utilisateurs ? Qui sera responsable en cas de préjudice causé par une défectuosité d’un système d’IA ? Puisque ces systèmes sont mis au point en collaboration (concepteurs de logiciels, intégrateurs, gestionnaires de données), la traçabilité de l’erreur peut représenter un défi important. De plus, il existe peu de jurisprudence canadienne qui applique les principes de droit actuels à l’IA. Néanmoins, malgré l’absence de lois applicables à l’IA au Canada, nous ne sommes pas dans un far west juridique, et plusieurs normes s’appliquent déjà aux entreprises.
Comment minimiser ces risques ?
Pour se protéger contre d’éventuelles poursuites, notamment en matière de responsabilité civile, les entreprises doivent démontrer qu’elles ont fait preuve de diligence raisonnable : le degré de prudence, d’activité, de réaction et d’attention auquel on peut s’attendre d’une personne raisonnable et prudente dans une situation donnée. Les juristes aident donc les entreprises à adopter des normes appropriées pour limiter les risques liés à l’IA, notamment pour élaborer des ententes commerciales (afin de répartir équitablement les risques), des partenariats, des cadres de gouvernance clairs ou des mesures de protection de la propriété intellectuelle.
Quels sont les enjeux éthiques à surveiller ?
Un des principaux enjeux de l’IA concerne l’éthique. La collecte de données étant essentielle à la mise au point d’applications, plusieurs questions se posent quant au contrôle et à l’utilisation des données. Les risques de violation des droits de la personne sont grands. De fait, les lois canadiennes sur la protection de la vie privée datent de l’époque où l’IA tenait encore de la science-fiction, et elles mériteraient d’être adaptées. Bien que l’on entende de plus en plus parler d’« IA responsable », l’élaboration de normes éthiques et d’un cadre réglementaire clair pour les secteurs d’activité s’impose. La croissance et l’ampleur des enjeux liés à l’IA obligent les acteurs de la société (gouvernements, entreprises, organismes de réglementation, chercheurs et autres) à se mobiliser pour en assurer le déploiement adéquat. Il sera donc intéressant de surveiller les mesures prises à cet effet dans les prochaines années.