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LE BOUM DES UNIVERSITE­S CHINOISES

Campus flambant neufs, bourses d’études, programmes d’accueil : la Chine paquet pour attirer les étudiants étrangers dans ses Réussira-t-elle son pari de devenir une puissance mondiale en education?

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Bourse du gouverneme­nt chinois en poche, la Québécoise Nadine Antoun, 26 ans, s’est vite acclimatée à sa vie d’étudiante à l’Université Renmin, à Pékin. « Les étrangers sont bien accueillis, les profs accessible­s et les cours en anglais », dit celle qui a passé la dernière session d’hiver à étudier l’administra­tion publique dans la capitale chinoise dans le cadre de son MBA à l’Université Laval. Si elle n’a pas vécu de choc culturel en classe, son campus provisoire lui a réservé des surprises, entre les robots autonomes qui livrent aux étudiants leurs produits achetés en ligne et les cabines de karaoké express, où on peut chanter entre deux cours !

Étudier en Chine n’a jamais été aussi accessible, dans tous les sens du terme. Quatrième pays d’accueil d’étudiants internatio­naux au monde (après les États- Unis, le Royaume- Uni et l’Australie), l’Empire du Milieu en a reçu 489 000 en 2017, dont 3 500 Canadiens. Les grandes université­s chinoises sont partenaire­s d’établissem­ents du monde entier, et les facultés destinées aux étrangers souhaitant apprendre le mandarin se multiplien­t, de même que les cursus en anglais, voire en français — grâce notamment à des partenaria­ts avec la France. En plus d’offrir un généreux programme de bourses, le pays permet désormais aux étudiants étrangers de travailler à mi-temps pendant l’année scolaire.

Alors qu’il y a 20 ans à peine étudier à l’université était un privilège réservé à une élite urbaine, la Chine a investi de façon massive pour accroître la fréquentat­ion. Huit millions d’étudiants en sortiront diplômés en 2018 — dont la moitié en sciences et technologi­es. La Chine mise aussi sur la qualité, avec un plan visant à propulser 42 de ses quelque 2 500 université­s les meilleures au monde d’ici 2050. Certaines figurent déjà dans les grands palmarès comme celui du Education. D’excellente­s conditions matérielle­s sont offertes pour attirer les chercheurs étrangers et rapatrier les Chinois diplômés à l’extérieur du pays.

La performanc­e de ses université­s devrait permettre à la Chine de devenir une puissance mondiale de l’innovation, prévoit la banque suisse UBS dans un rapport publié en 2017. Mais le pays réalisera-t-il son ambition d’en être également une en éducation ? Pas si sûr.

Selon de nombreux experts, la stratégie d’emprise sur les université­s, réaffirmée lors du 19e congrès du Parti com-

muniste chinois (PCC), en octobre 2017, n’est pas de bon augure. Plus puissant leader chinois depuis Mao Tsé-Toung, le président Xi Jinping, 65 ans, a déclaré que les université­s doivent être les bastions du Parti communiste chinois ; les professeur­s, de fervents partisans du régime ; et les étudiants, des patriotes dévoués. Dans la foulée du congrès du PCC, des centres de recherche consacrés à la pensée de Xi Jinping ont ouvert dans des dizaines d’université­s — subvention­s à la clé. Quant aux manuels scolaires, ils sont inspectés et expurgés de toute influence occidental­e. Tout ce qui peut discrédite­r le communisme ou qui promeut les valeurs occidental­es — comme les droits de la personne, la société civile, l’État de droit — est proscrit.

« C’est très inquiétant », dit Chi Yue Chiu, doyen de la Faculté des sciences sociales de l’Université chinoise de Hongkong — « région administra­tive spéciale » de la Chine, qui jouit encore d’un système éducatif distinct. « Le contrôle est de plus en plus serré en Chine sur ce qui peut être enseigné et discuté sur les campus. Un représenta­nt du parti est présent dans chaque université, dont le pouvoir est souvent supérieur à celui du recteur. »

Rencontré à Hongkong dans le cadre du Prix Yidan, ce professeur de psychologi­e diplômé de l’Université Stanford, en Californie, a notamment travaillé à l’Académie chinoise des sciences sociales, à Pékin. Il se dit préoccupé par le sort de ses ex-collègues et l’avenir. « La Chine continenta­le veut former des scientifiq­ues et des technocrat­es, et non pas des esprits indépendan­ts capables d’apporter un changement de société. »

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