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- PAR CHANTAL HÉBERT

L’année 2019 s’annonce particuliè­rement difficile pour le Nouveau Parti démocratiq­ue. Deux de ses têtes d’affiche auront fort à faire pour éviter qu’on n’en parle au passé à la même date l’an prochain. Et parce que tout est dans tout, leurs sorts respectifs pourraient changer la donne électorale fédérale et, éventuelle­ment, alourdir le climat CanadaQuéb­ec.

Cela commence par le chef fédéral Jagmeet Singh, dont personne ne veut jurer qu’il mènera ses troupes en campagne lors des élections fédérales de l’automne prochain. La greffe entre M. Singh et la politique fédérale ne prend pas. Les résultats du NPD dans les intentions de vote sont anémiques. À la fin de 2018, les coups de sonde en vue de l’élection complément­aire à l’issue de laquelle il espère faire son entrée à la Chambre des communes d’ici le mois de mars le donnaient troisième.

La circonscri­ption de BurnabySud, en ColombieBr­itannique, est pourtant au coeur du mouvement d’opposition à l’expansion de l’oléoduc Trans Mountain. Cela devrait normalemen­t en faire un terreau fertile pour le NPD.

Bien des néodémocra­tes ne croient pas vraiment que l’arrivée aux Com munes de leur chef permettra à leur formation de reprendre du poil de la bête. Ils souhaitent presque ouvertemen­t une défaite, qui pourrait précipiter son départ et leur donner la chance de trouver un leader susceptibl­e d’au moins sauver les meubles.

Les misères néodémocra­tes continuent avec la tenue, d’ici la fin du printemps, des élections en Alberta. Victimes de la crise qui sévit au sein de l’industrie énergétiqu­e de leur province et des hauts — et surtout des bas — du dossier Trans Mountain, les néodémocra­tes de la première ministre Rachel Notley semblent voués, dans l’état actuel des choses, à passer à la trappe électorale.

Signe des temps au sein du NPD : l’élection albertaine ne donnera pas lieu à la mobilisati­on générale habituelle des forces vives du parti pour épauler Mme Notley. Le débat au sujet des oléoducs divise trop la famille néodémocra­te.

Ce n’est pas pour demain et certaineme­nt pas pour cette année, mais beaucoup croient que si jamais Rachel Notley, dans la foulée d’une défaite provincial­e, devait un jour se réincarner en politique fédérale, elle serait plus susceptibl­e — comme l’ancien

premier ministre néo-démocrate ontarien Bob Rae avant elle — de le faire sous la bannière des libéraux que sous celle du NPD.

Le remplaceme­nt de Jagmeet Singh par un chef plus performant pourrait par ailleurs changer la donne du scrutin fédéral de l’automne prochain.

Pour les libéraux de Justin Trudeau, la faiblesse du leadership néodémocra­te fait partie des conditions possibleme­nt garantes d’un second mandat. Le Bloc québécois, qui étrenne en 2019 son cinquième chef depuis la vague orange de 2011, espère également se remplumer à même les beaux restes des néo-démocrates.

Sur le front albertain, la défaite de Rachel Notley ouvrirait la voie au retour en force sur la scène pancanadie­nne de Jason Kenney. L’ancien « ministre à tout faire » de Stephen Harper a beau n’être que le chef de l’opposition officielle en Alberta, il est déjà l’homme fort du mouvement conservate­ur.

Il n’est guère de décision importante que son chef fédéral, Andrew Scheer, et le premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, ne prennent sans le consulter. L’un comme l’autre sont nettement moins aguerris que le leader albertain.

Si, comme le prédisent les sondages, M. Kenney mène les conservate­urs au pouvoir plus tard cette année, il faut s’attendre à des tensions encore plus vives sur le front des relations entre l’Alberta, Ottawa et le Québec.

En tirant systématiq­uement à boulets rouges sur les libéraux fédéraux depuis des mois, Jason Kenney a grandement alimenté le sentiment de plus en plus répandu en Alberta que le gouverneme­nt Trudeau nuit délibéréme­nt aux intérêts de la province.

Depuis le refus de François Legault, pour cause d’absence d’acceptabil­ité sociale au Québec, d’envisager la résurrecti­on du projet d’oléoduc Énergie Est, qui aurait relié les sables bitumineux à la côte Est, les Albertains lui prêtent les mêmes mauvaises intentions.

S’il devient premier ministre de l’Alberta, Jason Kenney promet d’organiser un référendum sur la péréquatio­n, qui se déclinera, selon toute vraisembla­nce, sur le thème de l’ingratitud­e québécoise.

Le parti fédéral qui sera porté ou reporté au pouvoir l’automne prochain à Ottawa — qu’il soit libéral ou conservate­ur — pourrait devoir gérer la première vraie crise du XXIe siècle sur le front de l’unité canadienne.

Si, comme le prédisent les sondages, M. Kenney mène les conservate­urs au pouvoir plus tard cette année, il faut s’attendre à des tensions encore plus vives sur le front des relations entre l’Alberta, Ottawa et le Québec.

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