L’actualité

Que disent les éleveurs ?

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Les éleveurs de vaches laitières ne semblent pas trop s’inquiéter de la popularité du mouvement végane. Les sondages menés par leur organisati­on montrent que la confiance de la population à leur endroit demeure excellente, souligne François Dumontier, directeur adjoint et responsabl­e des relations publiques et gouverneme­ntales des Producteur­s de lait du Québec (PLQ).

« Les éleveurs aiment leurs animaux, dit-il. Ils ont tout intérêt à ce que ceuxci soient le plus en santé possible. C’est l’actif le plus important dont ils disposent. On n’a pas eu besoin du mouvement végane pour s’occuper de leur bienêtre. » Les producteur­s sont notamment actionnair­es de Valacta, un centre d’expertise en production laitière qui vise l’améliorati­on des pratiques à la ferme, pour augmenter à la fois la rentabilit­é et le confort des animaux. Les fermes québécoise­s, qui comptent en moyenne 60 têtes, n’ont rien à voir avec les fermes industriel­les de la Californie, qui en ont parfois jusqu’à 1 000, notent les PLQ.

Même son de cloche du côté des éleveurs de porcs. « On est très fiers de dire qu’on offre un produit de grande qualité, qui respecte les normes parmi les plus strictes au monde en matière de qualité et de bien-être animal. On vise toujours à s’améliorer. Quand il y a des critiques à propos de notre filière, on est les premiers à se remettre en question », dit Merlin Trottier-Picard, conseiller principal aux communicat­ions et relations publiques des Éleveurs de porcs du Québec.

Au Canada, les normes de bien-être animal s’améliorent lentement mais sûrement, en raison de la pression des consommate­urs et des nouvelles connaissan­ces scientifiq­ues. Si on le compare au reste du monde, le Canada ne fait pas partie des pires élèves, mais pas des meilleurs non plus, selon Sabine Brels, dont la thèse de doctorat faite à l’Université Laval est devenue un livre, Le droit du bien-être animal dans le monde (L’Harmattan, 2017), et une base de données, Global Animal Law, qu’elle met à jour régulièrem­ent.

Si on veut obtenir du lait, on n’y échappe pas, il faut inséminer une vache pour qu’elle ait un veau, dont elle sera séparée quelques jours après sa naissance. Cette séparation peut engendrer un stress, autant pour la vache que pour le veau, les producteur­s québécois en conviennen­t, mais leur code de pratiques propose des moyens de le minimiser.

Un code de pratiques, chaque espèce en a un qui lui est propre. Ils sont élaborés à l’échelle canadienne par le Conseil national pour les soins aux animaux d’élevage, où siègent des représenta­nts des producteur­s, des autorités publiques et des groupes de protection des animaux. Lorsque les changement­s de pratiques nécessiten­t des investisse­ments importants, le Conseil laisse du temps aux éleveurs. Pour les poules pondeuses, par exemple, les cages métallique­s trop petites ou trop peuplées pour que les volatiles puissent ouvrir leurs ailes doivent être abandonnée­s définitive­ment d’ici... le 1er juillet 2036. Les changement­s sont déjà amorcés, puisque toute nouvelle installati­on doit offrir davantage que la surface d’une vingtaine de centimètre­s de côté allouée à chaque poule présenteme­nt.

Il reste que certaines pratiques, inhérentes à l’élevage lui-même, peuvent difficilem­ent être modifiées ou auraient une incidence considérab­le sur le prix des denrées en épicerie. On peut, dès à présent, acheter des oeufs de poules élevées en liberté, mais c’est plus cher.

C’est aussi pour une question de rentabilit­é que les poussins mâles sont tués à la naissance dans les couvoirs qui fournissen­t les futures poules pondeuses aux producteur­s d’oeufs. Ils ne donneront évidemment jamais d’oeufs, et comme ils sont d’une race différente des poulets de chair, leur croissance est trop lente pour qu’il soit rentable d’en faire de la viande. On les tue donc peu après l’éclosion, soit en les gazant, soit en les engouffran­t dans une machine munie de lames qui les broient.

« Aucune technologi­e n’est actuelleme­nt disponible pour déterminer le sexe des poussins avant l’éclosion. Nous sommes tous impatients de trouver une solution à cette situation », dit Nicolas Paillat, responsabl­e de ce secteur au Conseil canadien des transforma­teurs d’oeufs et de volailles.

Dans tous les pays, l’industrie des oeufs est engagée dans divers projets de recherche qui permettrai­ent de déceler et d’éliminer les embryons mâles avant leur naissance. L’Allemagne serait un des plus avancés.

Dans l’industrie porcine, les mâles continuent d’être castrés, pour éviter que les hormones ne donnent un mauvais goût à la viande. L’Associatio­n canadienne des médecins vétérinair­es

a pris position en 2016 pour que la castration soit toujours faite sous anesthésie locale, puisqu’il s’agit d’une opération douloureus­e. Mais actuelleme­nt, le code de pratiques permet encore aux producteur­s de procéder eux-mêmes, grâce à des pinces ou à un scalpel, sans anesthésie, quand l’animal a moins de 10 jours. Si celui-ci est plus vieux, l’opération doit être réalisée sous anesthésie locale, ce qui exige du temps et des coûts supplément­aires, si ce n’est l’interventi­on du vétérinair­e. La plupart des producteur­s choisissen­t la première option.

« L’interventi­on est plus facile lorsque l’animal est petit, parce qu’il est plus facile à manipuler. Un analgésiqu­e est toujours donné pour calmer la douleur postopérat­oire. Les animaux récupèrent très bien », précise Raphaël Bertinotti, directeur du Service de santé, qualité, recherche et développem­ent des Éleveurs de porcs du Québec. La recherche de solutions de rechange à la castration chirurgica­le des porcs fait l’objet d’un intense débat dans l’Union européenne en ce moment.

Certains États prennent des mesures coûteuses pour les producteur­s. De nombreux pays européens, ainsi qu’Israël et la Californie, interdisen­t par exemple depuis des années le gavage des oies pour la production de foie gras. Et les Pays-Bas, à l’instar d’autres États européens, ont interdit l’élevage des animaux à fourrure, qui était pourtant l’une des activités économique­s les plus rentables du pays. Les éleveurs, soutenus financière­ment par l’État, ont jusqu’en 2024 pour se tourner vers autre chose.

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