L’actualité

PATRON, VOUS ÊTES VIRÉ !

IL FAUT SE L’AVOUER : TROP DE PATRONS SONT INCOMPÉTEN­TS. LES EMPLOYÉS ET LE QUÉBEC TOUT ENTIER EN PAIENT LE PRIX. POURQUOI EST-CE RENDU SI DIFFICILE DE TROUVER DE BONS BOSS ?

- PAR CATHERINE DUBÉ

IL FAUT SE L’AVOUER : TROP DE PATRONS SONT INCOMPÉTEN­TS. LES EMPLOYÉS ET LE QUÉBEC TOUT ENTIER EN PAIENT LE PRIX. POURQUOI EST-CE RENDU SI DIFFICILE DE TROUVER DE BONS BOSS ?

Qui peut se vanter de ne jamais avoir eu un mauvais patronˆ? Pas forcément un tyran qui dénigre ses employés ou un pervers narcissiqu­e manipulate­ur. Juste un gestionnai­re médiocre qui siphonne notre énergie et sape notre motivation au travail.

Un patron comme celui de Marcˆ: pourtant bardé de diplômes de gestion, le jeune cadre qui dirigeait l’équipe de ce technicien en génie civil dans la quarantain­e prenait souvent de mauvaises décisions, car il ne consultait pas son équipe technique. Ou encore un patron comme celui de Mélanie, rédactrice dans le milieu de l’éditionˆ: cet homme, certes visionnair­e et créatif, traînait ses problèmes personnels au bureau et critiquait la haute direction devant ses employés, au point de rendre l’atmosphère délétère.

Marc et Mélanie ont tous les deux fini par remettre leur démission.

Comme les autres travailleu­rs présentés par un simple prénom dans ce reportage, ils ont demandé de taire leur réelle identité pour ne pas nuire à leur carrière… et à la réputation de leur ex-employeurˆ! Ils ne veulent dénoncer personne. Ils estiment simplement qu’ils méritaient mieux.

Tout près de 40 % des Québécois ont déjà quitté un emploi en raison de la mauvaise relation avec leur supérieur immédiat, selon un sondage SOM-L’actualité mené en mars auprès de 850 travailleu­rs. Auxquels s’ajoutent 27 % qui n’ont pas claqué la porte, mais qui y ont songéˆ! Ce sont donc deux Québécois sur trois qui ont laissé leur travail ou ont pensé le faire à cause de leur boss. Des résultats qui devraient avoir l’e et d’un électrocho­c sur les gestionnai­res, qui s’arrachent déjà les cheveux pour trouver des employés talentueux en cette époque de pénurie de main-d’oeuvre.

Améliorer l’engagement des employés s’avère d’ailleurs la grande priorité des dirigeants de ressources humaines en 2019, selon l’enquête annuelle réalisée par la société de services-conseils Morneau Shepell auprès de plus de 350 entreprise­s canadienne­s. Réduire le roulement de personnel se hisse au sommet des objectifs à atteindre pour près de la moitié d’entre eux.

Comment se fait-il alors qu’il y ait encore autant de piètres gestionnai­res, peu soucieux des conséquenc­es de leurs pratiques sur le bienêtre et la motivation de leur personnelˆ?

«ˆIl faut davantage de compétence­s, d’aptitudes et de connaissan­ces qu’avant pour être un bon patronˆ», souligne Yves-Thomas Dorval, président-directeur général du Conseil du patronat, une organisati­on qui défend les intérêts des employeurs depuis 50 ans et qui représente plus de 70 000 employeurs québécois des secteurs privé, parapublic et institutio­nnel.

Le travail d’un PDG consistait autrefois à organiser les ressources nécessaire­s pour fournir des produits et des services, tout en assurant un rendement intéressan­t pour les investisse­urs. «ˆIl s’occupait de ses clients, de ses actionnair­es, de ses fournisseu­rs et un peu de ses employésˆ», illustre Yves-Thomas Dorval. À l’heure actuelle, il doit également s’occuper des médias et des influenceu­rs des réseaux sociaux, minimiser l’impact environnem­ental de l’entreprise et maximiser son empreinte sociale, tout en se souciant de la diversité culturelle dans ses rangs et de la santé mentale de son monde. Ça fait beaucoup, estime le président du Conseil du patronat. «ˆAujourd’hui, on ne demande pas à un patron d’être un bon dirigeant. On lui demande d’être un bon communicat­eur, un bon leader, un bon rassembleu­r, un bon gestionnai­re. Et il lui faut aussi de la vision.ˆ»

Ces compétence­s devraient idéalement être maîtrisées par toute personne ayant des employés à sa charge, des vice-présidents aux superviseu­rs en passant par les directeurs de services. Ils n’y arrivent visiblemen­t pas tous, car plus d’un Québécois sur quatre estime que son supérieur immédiat n’est pas compétent en gestion des ressources humaines, révèle le sondage SOM-L’actualité.

C’est peut-être en raison d’erreurs de casting. Les hauts dirigeants doivent s’assurer de mettre les bonnes personnes à la bonne place, surtout dans les fauteuils de chefs. Or, ils se trompent souvent, ažrme Alain Gosselin, professeur titulaire au Départemen­t de gestion des ressources humaines de HEC Montréal et conseiller stratégiqu­e de cette réputée école de gestion.

LES DIRIGEANTS ONT LA FÂCHEUSE MANIE DE DONNER DES PROMOTIONS AUX EMPLOYÉS LES PLUS PERFORMANT­S. OR, LE MEILLEUR VENDEUR DE L’ENTREPRISE NE DEVIENDRA PAS NÉCESSAIRE­MENT UN BON DIRECTEUR DES VENTES.

Les dirigeants ont en e et la fâcheuse manie de donner des promotions aux employés les plus performant­s. Di cile de faire autrement quand on leur a fait miroiter des possibilit­és d’avancement pour les motiver. Or, le meilleur vendeur de l’entreprise ne deviendra pas nécessaire­ment un bon directeur des ventes. «C’est comme si, au hockey, le meilleur joueur devenait le prochain entraîneur. Ce n’est pas logique. Être un bon joueur ne fait pas nécessaire­ment de toi un bon entraîneur. Mais on n’arrête pas de faire ça en entreprise», dit Alain Gosselin.

Si, en plus, on n’a pas préparé cette personne à jouer ce nouveau rôle, c’est la catastroph­e quasi assurée. Voilà une autre erreur fréquente: aider les gens à acquérir des compétence­s de dirigeant après leur entrée en poste plutôt qu’avant.

«Souvent, on va passer en mode formation alors que la personne est déjà en fonction, dit le professeur. On va lui dire: “Ça marche pas, mon Robert, on vient de recevoir le sondage d’opinion de ton personnel… Ton équipe est divisée, tu as perdu des personnes clés.” On se retrouve avec quelqu’un qui a perdu confiance, qui est peut-être dans une situation toxique avec son personnel. C’est di cile de changer ça.» Devenir patron, ça se prépare, et c’est un processus qui se déroule sur plusieurs années, par de la formation, des expérience­s ponctuelle­s, de l’accompagne­ment.

Marie-Pierre, fonctionna­ire dans la jeune quarantain­e, doit composer tous les jours avec une supérieure immédiate qui est l’incarnatio­n même de la personne qui n’aurait jamais dû obtenir un poste à responsabi­lités. «Je pense qu’on a voulu la récompense­r pour ses bons et loyaux services. Sauf que ce qu’elle aime faire, ce n’est pas sa job de patron. C’est ce qu’elle faisait avant! Ma patronne perd énormément de temps à faire des choses pour lesquelles elle est beaucoup trop payée, comme de la recherche. Et tout ce qui demande de l’analyse et de la vision stratégiqu­e, ça tombe sur mon bureau!» raconte Marie-Pierre. Un exemple typique: cette gestionnai­re peut arriver avec un dossier de recherche de trois centimètre­s d’épaisseur, pour lequel elle a assisté à de nombreuses réunions et fait beaucoup de lectures... et demander à MariePierr­e de rédiger l’analyse du dossier — à deux jours d’avis, en plus.

«Elle n’a pas les aptitudes pour un poste de patronne, pas du tout.» Par exemple, la gestionnai­re de Marie-Pierre n’écrit pas seule les objectifs de rendement que tout cadre doit déterminer en début d’année pour son équipe. «Elle me demande de venir dans son bureau et on y pense ensemble, raconte Marie-Pierre. Elle me demande même de relire certains courriels!»

La fonctionna­ire a subtilemen­t tenté d’aider sa patronne en lui suggérant d’aller suivre des

formations o ertes par l’École nationale d’administra­tion publique. Mais sa supérieure lui a répondu qu’elle n’avait pas le temps. Travailleu­se, elle est au bureau dès 7 h et fait de longues heures, mais ne semble pas s’apercevoir que son temps pourrait être mieux utilisé.

«Ses lacunes, elle ne les voit pas. Elle est dans le déni», soupire Marie-Pierre. Une vingtaine de gestionnai­res, hommes et femmes de 30 à 60 ans, écoutent attentivem­ent Céline Bareil, professeur­e de gestion, en ce jeudi matin de mars.

Ils assistent à une formation de l’École des dirigeants de HEC Montréal, qui n’offre pas moins de 90 formations de quelques jours, conçues pour des cadres en exercice qui cherchent à s’améliorer de manière continue.

Assis autour de tables par petits groupes de quatre ou cinq, dans une salle équipée d’écrans et de tableaux blancs, ils ne se font pas prier pour parler des situations tirées de leur quotidien. Thème de cette formation de deux jours: gérer son équipe en contexte de changement.

«On se trouve parfois entre l’arbre et l’écorce lorsqu’on n’est pas convaincu de la légitimité du changement qu’on doit mettre en oeuvre», dit un gestionnai­re du domaine des assurances d’environ 45 ans.

«À la fin de l’année, on est évalué sur des résultats chiffrés et non sur notre capacité d’avoir fait accepter le changement», remarque un autre, conseiller à la formation dans une grande chaîne de supermarch­és.

«Je suis condamnée à être positive! s’exclame une cadre d’une société d’État. J’apprends parfois des membres de mon équipe des choses que je devrais déjà savoir, dont mes supérieurs auraient dû m’informer. Je souris et je leur dis que je vais aller aux sources, même si je bous par en dedans!»

Céline Bareil acquiesce, tout sourire dans son tailleur rouge. «Souvent, la haute direction n’accompagne pas sužsamment ses cadres lors d’une transforma­tion majeure.»

Les transforma­tions sont de plus en plus fréquentes au sein des organisati­ons, dans le public comme dans le privé, me dira la professeur­e après la formation. Réorganisa­tion du travail, restructur­ation d’un ou de plusieurs services, fusion-acquisitio­n, nouvelles technologi­es, aménagemen­t d’espaces de travail à aire ouverte, les changement­s se succèdent et se superposen­t. Tout ça en maintenant les opérations courantes, évidemment.

Alors qu’il y a 20 ans les gens inscrits aux formations de Céline Bareil vivaient un changement majeur à la fois, maintenant, la majorité en vivent au moins deux ou trois simultaném­ent! On n’a même pas le temps de consolider les acquis qu’on change de cap.

Les gourous de la gestion ont trouvé un terme pour décrire l’environnem­ent actuel: «VUCA», pour volatilité, uncertaint­y (incertitud­e), complexité et ambiguïté. Bref, les gestionnai­res (et leurs employés) avancent dans un brouillard perpétuel sur une mer agitée.

Pas étonnant que certains employés cherchent des canots de sauvetage. Des études menées par Céline Bareil et des collègues montrent que plus les employés trouvent ces changement­s excessifs, plus ils sont démotivés et cyniques.

Les cadres eux-mêmes ne sont pas épargnés. Dans une autre étude, Céline Bareil a découvert que lors de la réforme majeure du système de santé, commandée en 2015 par le ministre Gaétan Barrette, les cadres avaient des préoccupat­ions encore plus intenses que leurs employés.

Pour être un leader dans un environnem­ent «VUCA», il faut une aptitude bien particuliè­re: «arriver à créer un sens commun à tous ces changement­s successifs pour son équipe», dit la professeur­e. Se contenter de transmettr­e la vision de la haute direction, ça ne marche pas.

Un des moyens pour arriver à «créer un sens commun», c’est l’écoute. Et c’est ce que Céline Bareil enseigne aux

cadres intermédia­ires réunis devant elle ce matin. L’art de poser les bonnes questions pour connaître les préoccupat­ions de ses employés, savoir déterminer où chaque membre de l’équipe se situe dans son acceptatio­n du changement, etc.

« Chaque employé a ses forces et ses faiblesses, fait remarquer l’une des participan­tes, Gabrielle Lamontagne, chef d’une équipe de huit personnes dans un ministère fédéral. Il faut avoir une vue panoramiqu­e et user de stratégies. On ne joue plus aux dames, on joue aux échecs. » Un bon patron, c’est non seulement la bonne personne à la bonne place, mais aussi au bon moment. C’est ce que répète souvent Denis Tremblay, président d’Alliance Management, aux clients qui le consultent pour du servicecon­seil en gestion, recrutemen­t et rémunérati­on. « Un bon patron en redresseme­nt d’entreprise, ce n’est pas nécessaire­ment un bon patron pour une entreprise en croissance ou une entreprise en démarrage. Ça ne demande pas les mêmes compétence­s », dit-il.

Cet entreprene­ur avisé, dans les affaires depuis 27 ans — il a aussi des parts dans deux autres entreprise­s —, dit la même chose aux jeunes entreprene­urs qui le consultent à titre de mentor, par l’intermédia­ire du Réseau M, un organisme financé entre autres par le ministère de l’Économie, de la Science et de l’Innovation, qui met en relation mentors et mentorés partout au Québec, de l’Outaouais à la Côte-Nord.

Devant un café à La Société, un bistrot tapissé de boiseries où Denis Tremblay rencontre habituelle­ment ses mentorés, au centre-ville de Montréal, je lui pose la question : est-ce plus difficile qu’avant d’être patron ? « Oui, c’est très clair. La charge de travail est immense. En même temps, c’est plus intéressan­t que jamais. À condition de s’intéresser à l’humain, dit-il avec un large sourire. Mais la gestion des ressources humaines, certains patrons aimeraient mieux s’en passer ! »

Pour se démarquer dans un monde de plus en plus concurrent­iel, certains entreprene­urs se lancent dans l’exportatio­n, achètent un concurrent ou veulent grossir trop vite. Leurs semaines de travail s’allongent, le stress augmente… tout comme celui de leurs employés.

« Depuis une dizaine d’années, je commence à entendre des patrons me dire : “Mes employés sont heureux.” Mais quand je demande à mes clients d’évaluer leur performanc­e comme dirigeants, la majorité d’entre eux vont plutôt me sortir des indicateur­s financiers et me dire : “Regarde, j’ai un beau chi¤re d’a¤aires, des marges nettes extraordin­aires.” »

La culture de certaines entreprise­s est même complèteme­nt axée sur les résultats, celle des banques, par exemple, note Denis Tremblay. « Un bon président, c’est quelqu’un qui fournit un bon rendement à ses actionnair­es. Et le plus vite possible, au prochain trimestre. »

Cette culture de résultats ruisselle dans les échelons de l’entreprise et certains gestionnai­res en deviennent insensible­s aux besoins des employés. « Les gens sont quasiment à terre, en dépression, et les gestionnai­res vont dire : “J’ai fait une bonne job. Ils sont à bout. Je les ai utilisés à leur plein potentiel !” » illustre l’homme d’a¤aires. O¤rir des cours de yoga le midi ne change rien à l’a¤aire.

Les entreprise­s en démarrage du milieu de la technologi­e, où on cultive le mythe que l’on peut devenir très riche en peu de temps, sont particuliè­rement propices aux problèmes de gestion du personnel, a-t-il remarqué. « Souvent, ce sont des patrons préoccupés par les machines plus que par les humains. »

Dans un article troublant publié l’an dernier dans Vanity Fair, intitulé « The Miseducati­on of Sheryl Sandberg » (la mauvaise éducation de Sheryl Sandberg), la numéro deux de Facebook, le journalist­e économique Du¤ McDonald revient sur la mauvaise gestion par celle-ci des scandales concernant l’utilisatio­n des données personnell­es et le détourneme­nt de la plateforme à des fins électorale­s. Il se

demande si l’accumulati­on de richesse ne finit pas parfois par faire perdre tout sens moral.

Du— McDonald s’en prend aux écoles de gestion, comme la prestigieu­se Harvard Business School, qui, selon lui, n’enseignent pas su”samment l’éthique aux membres de cette élite, qui finissent par mettre l’avancement de leur carrière devant toute autre considérat­ion — dans le cas de la gestionnai­re de Facebook, la protection des données personnell­es de ses clients, notamment.

Difficile de savoir si des employés de la directrice de l’exploitati­on de Facebook ont tenté de conseiller Sheryl Sandberg. Mais une chose est sûre, la réputation de l’entreprise a été entachée par ces scandales et par les piètres opérations de relations publiques de sa dirigeante visant à les étou—er.

Le contexte culturel et social du Québec n’est pas celui des États-Unis. Et les étudiants au MBA ont des cours d’éthique, assure le professeur de HEC Alain Gosselin. N’empêche, la culture d’entreprise et la personnali­té peuvent jouer un rôle. « Si vous arrivez dans une organisati­on où c’est le résultat qui compte, peu importe les moyens, c’est di”cile de s’opposer à ça. Pour faire la bonne chose, parfois, il faut s’opposer. Et faire preuve d’un certain courage. »

S’il y a une compétence que tous les patrons gagneraien­t à mettre en pratique, selon Denis Tremblay, c’est bien celle-ci : la capacité de lire l’environnem­ent. « Savoir lire les besoins des clients, ce qui se passe à l’interne, à l’externe, etc. Quelqu’un qui sait faire ça est capable d’anticiper. Et d’adapter l’entreprise à ces changement­s-là. Ça demande de bons yeux, mais surtout de bonnes oreilles. C’est une compétence beaucoup plus importante qu’avant. »

Mais elle ne semble pas encore très répandue. Sinon, davantage de patrons verraient que le monde du travail est en train de se transforme­r très rapidement et très profondéme­nt. Journalist­e et chroniqueu­r au journal Les A aires, Olivier Schmouker suit avec attention le monde de la gestion depuis près de 10 ans, et les études qu’il voit passer ces temps-ci sont autant de drapeaux rouges indiquant que bon nombre de patrons n’ont pas encore saisi l’ampleur du bouleverse­ment.

La plus récente mouture de la publicatio­n Global Talents Trends, du cabinet-conseil en ressources humaines Mercer, indique qu’en 2019 les trois éléments les plus importants aux yeux des employés sont d’obtenir de la reconnaiss­ance, de maintenir un équilibre entre la vie personnell­e et le travail et d’avoir un sentiment d’appartenan­ce envers l’entreprise. Donner un sens à leur travail et pouvoir suivre des programmes de formation figurent aussi parmi leurs attentes. « Est-ce que ce sont des choses mirobolant­es ? Non ! » commente Olivier Schmouker. Et pourtant, seulement un dirigeant sur trois estime que son entreprise répond e”cacement aux attentes des employés.

Pourquoi si peu d’empresseme­nt à répondre à ces demandes ? Le propriétai­re d’une jeune pousse techno a déjà confié au journalist­e qu’il préférait o—rir un programme de vacances illimitées, parce que ses employés ne l’utilisaien­t que très peu — ils ne veulent pas rater de mandats intéressan­ts —, alors que les programmes de formation lui coûteraien­t très cher...

Pour les autres, c’est le temps qui manque. Les employeurs sont tellement débordés, ont tellement de difficulté à recruter et s’aperçoiven­t avec tellement de retard que leur modèle d’a—aires résiste mal aux soubresaut­s de l’économie que 15 % d’entre eux songent à vendre leur entreprise, selon le cabinet-conseil PwC. Oui, vendre, plutôt que d’adapter leurs façons

DANS LES ENTREPRISE­S OÙ LE DIRECTEUR PASSE DAVANTAGE DE TEMPS À ÉCOUTER ET À SOUTENIR SES EMPLOYÉS, CE SONT CES DERNIERS QUI FINISSENT PAR TROUVER LA SOLUTION À BIEN DES PROBLÈMES !

de faire ou de se tourner vers des réservoirs d’employés encore sous-représenté­s, comme les personnes en situation de handicap ou les minorités visibles.

Le précédent employeur de Josiane, ingénieure en environnem­ent de 38 ans, est l’un de ces propriétai­res d’entreprise qui gèrent leur boîte comme au siècle dernier. Entouré d’une garde rapprochée loyale et aveugle à ses agissement­s, ce patron « contrôlant » exige les mots de passe informatiq­ues de ses employés, ne leur rembourse aucun équipement et a toujours au moins un bouc émissaire au sein de l’équipe. « Comme il a une formation de technicien, j’ai l’impression qu’il souffre du syndrome de l’imposteur », dit Josiane, qui a accepté un autre boulot dès qu’on lui en a o…ert un, à l’instar de plusieurs autres jeunes collègues.

« Les noms que l’on donne aux génération­s, ce n’est pas seulement du marketing », dit le chroniqueu­r Olivier Schmouker. Les membres de la génération Y, élevés de manière complèteme­nt di…érente de leurs aînés, dans une société complèteme­nt di…érente, n’ont pas envie d’un patron qui commande et contrôle, même s’il le fait avec le sourire. « Ce qu’ils veulent, c’est un coach, dit-il. Le coach, il fait trois choses. Il comprend, ce qui implique de l’écoute et de l’empathie. Il conseille, plutôt que de commander. Et il soutient. » Les employés plus âgés, à la recherche de davantage de reconnaiss­ance et d’autonomie eux aussi, ne disent certaineme­nt pas non à ce nouveau modèle.

Le chroniqueu­r a pu constater que dans les entreprise­s où le directeur passe davantage de temps à écouter et à soutenir ses employés, ce sont ces derniers qui finissent par trouver la solution à bien des problèmes !

Voilà un renverseme­nt complet de ce qu’a toujours été le rôle du patron, note Olivier Schmouker. « Un boss considère que son équipe est à son service. Alors qu’un coach se met au service de son équipe. »

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