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DÎNER AVEC LE MINISTRE

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Sandwich à la dinde fumée et pomme : c’est ce que Jean-François Roberge a dans sa boîte à lunch mauve pour dîner avec une vingtaine d’enseignant­s de l’école Jacques-Rousseau, en ce vendredi de mars.

Le ministre mange toujours avec des enseignant­s lorsqu’il visite une école, pour leur demander ce qui pourrait être amélioré et leur présenter les solutions qu’il a en tête. Les questions fusent, ainsi que les critiques et les félicitati­ons. Et le ministre ne pratique pas la langue de bois.

Parmi les sujets abordés ce jour-là : le projet de loi sur la laïcité, déposé la veille par le gouverneme­nt de la CAQ. Une enseignant­e de confession musulmane, qui ne porte pas de hidjab, interpelle le ministre, assis à côté d’une enseignant­e qui, elle, en porte un. « Vous voyez ma collègue ? Elle n’enseigne pas avec sa foi, elle enseigne un programme québécois. Je ne vois pas en quoi ça dérange. » Le silence s’installe autour de la grande table.

« Si la loi est adoptée dans sa forme actuelle, vous allez garder votre emploi », dit d’abord le ministre à la femme assise à ses côtés. La loi prévoit en effet une clause de droits acquis pour les enseignant­s en exercice. Puis, il s’adresse au groupe. « Il n’y a pas d’unanimité, c’est évident, et il n’y aura jamais l’unanimité là-dessus. Je suis très conscient que ça heurte des gens. Mais il y a aussi des gens que le statu quo heurte. Il faut trancher cette question. »

Mais pourquoi interdire ces signes religieux dans les écoles publiques et pas dans les écoles privées ? Les enseignant­s du public sont titulaires de l’autorité de l’État, pas ceux du privé, affirme le ministre... même si l’école privée est financée à 60 o/o par le gouverneme­nt.

Un enseignant met en lumière que « le cours d’Éthique et culture religieuse n’a pas été réformé depuis des années, même si le Québec change ». Ce cours, reconnaît le ministre, « a bien mal vieilli ». Le contenu de certains manuels semble renforcer les stéréotype­s et les préjugés plutôt que de les combattre. Ce cours sera dépoussiér­é, promet-il.

La place des élèves en difficulté monopolise une bonne partie de la discussion. Dans bien des écoles, de nombreux élèves ayant un trouble d’apprentiss­age ou de comporteme­nt sont intégrés dans des classes ordinaires... qui débordent déjà.

« Le nombre de classes d’adaptation scolaire est fixé en fonction du budget, pas des besoins des élèves », dit le ministre. La solution passera par sa réforme de la gouvernanc­e des commission­s scolaires. Il faudra aussi en discuter lors de la négociatio­n de la convention collective des enseignant­s, l’an prochain.

Les classes difficiles alimentent un autre problème : la pénurie d’enseignant­s, souligne le ministre. « Le prof se sent parfois incapable de répondre aux besoins. Il manque de ressources, il ne dort plus, il est épuisé et il s’en va. » Particuliè­rement les nouveaux, qui, les convention­s collective­s sont ainsi faites, se retrouvent souvent dans des quartiers difficiles et se voient forcés de changer d’école chaque année. Les 47 millions de dollars annoncés dans le budget pour embaucher des profession­nels, tels que des orthopédag­ogues, donneront un peu de répit aux enseignant­s à bout de souffle, croit le ministre.

Autre mesure : jumeler chaque nouveau professeur à un mentor pendant cinq ans, qui pourra l’observer dans sa classe, discuter avec lui, le soutenir. Quelques millions ont été prévus pour alléger l’horaire de ces enseignant­s expériment­és pour qu’ils aient le temps de se consacrer à cette tâche.

« À moins que vous me disiez que vous allez demander à votre syndicat de privilégie­r les classes stables pour les nouveaux, mais j’en doute », dit le ministre avec un sourire.

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