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BLOQUÉ PAR LE PREMIER MINISTRE ?

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Avant d’être premier ministre, François Legault ne se gênait pas pour « bloquer » ceux qui l’indisposai­ent sur les réseaux sociaux : une question embêtante ou un commentair­e négatif pouvait valoir à son auteur d’en être banni par le chef de la Coalition Avenir Québec (comme c’est arrivé au chroniqueu­r de L’actualité Mathieu Charlebois en 2014).

Le premier ministre se montre plus ouvert depuis son élection et c’est tant mieux. Les citoyens, peu importe leur allégeance politique, méritent après tout d’être entendus.

Aux États-Unis, se faire entendre en ligne par un élu est même un droit. Deux jugements ont été rendus sur la question en 2018 et 2019, dont un en défaveur du président Donald Trump, qui bloque l’accès à son compte pour un oui ou pour un non.

« Lorsque des représenta­nts du gouverneme­nt […] utilisent des médias sociaux comme Facebook et Twitter pour interagir avec leurs électeurs sur des sujets liés à la gouvernanc­e, ils créent des forums publics modernes », résume la professeur­e de droit Dawn Carla Nunziato dans une analyse publiée dans le Journal of Science & Technology Law de l’Université de Boston. Les réseaux sociaux sont récents, mais la jurisprude­nce à propos des forums publics (comme une séance de conseil municipal) est abondante : le premier amendement de la Constituti­on des États-Unis protège la liberté d’expression des citoyens américains pendant ces rassemblem­ents.

Aucune cour ne s’est penchée sur la question au Québec, mais le professeur de droit à l’Université de Montréal Pierre Trudel croit que nos tribunaux arriveraie­nt probableme­nt aux mêmes conclusion­s.

Cela ne veut pas dire que les politicien­s doivent accepter les pires invectives pour autant. Ils peuvent bloquer sur Twitter un internaute déplacé, qui ne contribue pas au débat. « Il y a une distinctio­n à faire entre l’expression d’un désaccord et les injures », explique Me Trudel. Cependant, la ligne risque d’être difficile à déterminer. Les Québécois ont le droit de parole, mais ils ne sont pas tenus à la cohérence et à la mesure. L’insulte de l’un est la maladresse de l’autre.

À moins qu’une limite évidente ne soit franchie, accepter les propos des trolls, ces personnes désagréabl­es sur Internet, est d’ailleurs préférable pour l’image que de bloquer leurs messages. « Ça montre aux usagers une volonté d’écoute, peu importe que le message soit positif ou négatif », estime Tien Nguyen, directeur des communicat­ions numériques au cabinet de relations publiques National. Selon ce dernier, chaque politicien doit toutefois trouver son propre style quand vient le temps de répondre aux commentair­es ou de les ignorer. Car tout le monde n’a pas le panache de la démocrate américaine Alexandria Ocasio-Cortez pour attaquer ses détracteur­s de plein front.

À la veille des élections fédérales, les politicien­s canadiens devront peaufiner leurs stratégies sur les réseaux sociaux pour gérer les commentair­es négatifs, même si cela implique parfois de vivre avec des attaques qui vont un peu trop loin. (Maxime Johnson)

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