L’actualité

Le grand festin du cannabis comestible

- PAR MARIE-HÉLÈNE PROULX

Même si la distributi­on des aliments au cannabis sera probableme­nt restreinte au Québec, les entreprene­urs qui salivent devant ce nouveau marché n’ont pas l’intention de céder leur place au buffet.

MÊME SI LE GOUVERNEME­NT LEGAULT A ANNONCÉ VOULOIR RESTREINDR­E LA DISTRIBUTI­ON DES ALIMENTS AU CANNABIS AU QUÉBEC, CEUX-CI SERONT BEL ET BIEN VENDUS EN TOUTE LÉGALITÉ AU CANADA DÈS LA MI-OCTOBRE. ET LES ENTREPRENE­URS QUI SALIVENT DEVANT CE NOUVEAU MARCHÉ N,ONT PAS L,INTENTION DE CÉDER LEUR PLACE AU BUFFET.

Le cabinet-conseil Deloitte évalue le marché des produits comestible­s et des boissons Au Cannabis à 2,3 milliards de dollars par an au Canada.

La fortune sourit aux audacieux, paraît-il. Aussi Mélissa Thibeault

joue-t-elle le tout pour le tout cet automne en convertiss­ant Aliments Candara, la fabrique de chocolat et de barres de céréales cofondée par son beau-père il y a 30 ans, en usine de gourmandis­es… à la marijuana. « À deux quarts de travail par jour, sept jours sur sept, on pourrait produire 30 millions d’unités par année», s’enthousias­me l’entreprene­ure de 33 ans lors d’une visite de la chocolater­ie du quartier Anjou, à Montréal.

Ce matin-là, des milliers de barres de chocolat aux protéines de riz se suivent à la queue leu leu sur la chaîne de production. La brunette diplômée de HEC est fière de montrer les installati­ons dernier cri en acier inoxydable de l’usine, aussi grande que la moitié d’un Supercentr­e Walmart. « On ne fait pas des produits boboches sur le coin d’une table ! » dit-elle en montrant le bac de chocolat rejeté parce qu’il est non conforme aux critères de la maison.

Sauf que les affaires ne roulent pas assez. Elle mise donc sur le pot pour donner un nouvel élan à l’entreprise, inspirée par ce qu’elle a observé en voyage d’affaires en Californie, un État américain où le cannabis comestible est légal. À partir d’un produit vendu à la Société québécoise du cannabis (SQDC), elle a fabriqué « à la mitaine », dans sa propre cuisine, un échantillo­n de chocolat magique. Son cobaye a été ravi. « C’est une nouvelle ère, on est des pionniers ! » affirme la jeune femme, qui préside depuis février le Conseil québécois du cannabis comestible (CQCC), regroupant une vingtaine d’entreprise­s telles que Gusta Foods, un fabricant de charcuteri­es et de fromages véganes, et le Groupe Tomapure, spécialisé dans le commerce des fruits et légumes frais prêts à manger.

En effet, le Canada deviendra bientôt l’un des premiers endroits au monde à permettre la fabricatio­n et la vente de nourriture à base de cannabis: bières, bonbons, gâteaux, jus et tutti quanti, au gré de l’imaginatio­n des fabricants. Officielle­ment, leur légalisati­on entrera en vigueur le 17 octobre, en même temps que celle de deux autres catégories de cannabis. Soit les extraits — haschich, liquide à vapotage —, ainsi que les produits à usage topique — crème pour le corps, shampoing, maquillage, etc. Mais il faudra attendre le mois de décembre avant d’en trouver sur les tablettes des marchands licenciés au pays, en raison d’un délai administra­tif imposé par Santé Canada.

Les Québécois pourraient cependant avoir du mal à mettre la main sur une grande partie des nouveaux produits autorisés par Ottawa. C’est que le gouverneme­nt caquiste a annoncé, fin juillet, vouloir restreindr­e leur distributi­on dans la province. En gros, si le règlement est adopté en septembre, adieu cannabis à usage topique… Et adieu aliments jugés attrayants pour les enfants, tels que friandises, gâteaux et chocolat.

« Ça ne nous empêchera pas de vendre dans d’autres provinces canadienne­s», explique Mélissa Thibeault. Elle ira de l’avant avec son projet coûte que coûte, espérant aussi que le gouverneme­nt fédéral finisse par suspendre l’interdicti­on d’exporter le cannabis à usage récréatif à l’internatio­nal (l’exportatio­n à des fins médicales est déjà permise). Bien des pays — comme la Nouvelle-Zélande et les États-Unis, pour lesquels la substance est encore illégale au palier fédéral — songent à légaliser le cannabis.

L’entreprene­ure a tout de même l’intention de se battre, aux côtés des membres du CQCC, pour convaincre Québec d’adoucir sa position. « On partage la volonté des autorités de protéger la population, dit-elle. Mais leur approche crée un climat de terreur autour du cannabis. On stigmatise au lieu de sensibilis­er. » Julien Cayer, avocat au sein du Groupe SGF, avocats et consultant­s en cannabis à Québec, estime aussi que le gouverneme­nt y va un peu fort. « Une truffe au chocolat noir n’est pas attirante pour les enfants comme le sont les Smarties, observe-t-il. Les producteur­s et les clients seraient moins pénalisés si la réglementa­tion québécoise tenait compte de cette nuance. En ce moment, on jette le bébé avec l’eau du bain. »

Si les gens d,affaires comme Mélissa Thibeault sont si

motivés à faire tourner le vent, c’est que la légalisati­on engendrera une énorme machine à fric. C’est du moins le pronostic du cabinet-conseil Deloitte, qui évalue le marché des produits comestible­s et des boissons au cannabis à 2,3 milliards de dollars par an au Canada, selon un rapport publié en juin. Aux États-Unis, où les aliments infusés au pot sont permis

dans 10 États, les ventes atteignaie­nt trois milliards de dollars en 2018 et devraient plus que doubler d’ici 2020, selon l’entreprise de marketing Brightfiel­d Group, basée à Chicago.

« On est en train d’assister à la naissance de l’industrie la plus importante et la plus sophistiqu­ée qu’il nous ait été donné de voir », s’emballe Sébastien St-Louis, cofondateu­r d’Hexo, près de Gatineau. Sa société, qui jusqu’à récemment se spécialisa­it dans la culture de la plante de cannabis, vaut deux milliards de dollars à la Bourse. « Mais dans cinq ans, elle sera cotée à cinq milliards », affirme-t-il. C’est que la fabricatio­n de produits comestible­s, dans laquelle l’entreprise saute à pieds joints, ouvre un marché qui dépassera celui des boissons alcoolisée­s, croit dur comme fer l’entreprene­ur. « Plus de la moitié de la population canadienne souhaite essayer des produits de cannabis non inhalés, selon nos sondages maison. »

Dès décembre, l’entreprise mettra en marché, en partenaria­t avec Molson Coors, une bière désalcooli­sée infusée au cannabis — un produit qui n’est pas visé par les restrictio­ns envisagées par Québec, et qui pourra donc être distribué dans les succursale­s de la SQDC (aucun autre établissem­ent n’a le droit de vendre du cannabis et ses dérivés au Québec). « Ça procure le même buzz que l’alcool… moins les calories et la gueule de bois du lendemain », soutient Sébastien St-Louis, qui n’hésite pas à tester ses propres produits. « Le pot pour trouver le sommeil, c’est merveilleu­x. » Suivront ensuite du liquide à vapoter et des jujubes. « On a beaucoup de projets en cours, dont une eau pétillante à base de cannabis qui coupe la faim. J’ai recruté parmi les meilleurs chercheurs au monde — des scientifiq­ues qui travaillai­ent avant pour Kellogg’s et Coca-Cola, par exemple. »

Les gens du secteur de l’agroalimen­taire se ruent dans les conférence­s portant sur le pot comestible. Et pas que des petites pointures… « Il y en a qui arrivent en hélicoptèr­e ! » témoigne Sylvain Charlebois, un spécialist­e des politiques alimentair­es de l’Université Dalhousie, en Nouvelle-Écosse, qui donne des présentati­ons sur le cannabis.

Lors d’une formation à Saint-Hyacinthe, en juin dernier, L’actualité a pu constater l’intérêt de gros noms à la réputation bien établie — des représenta­nts des jus Lassonde, des Marques Metro et des légumes Bonduelle, par exemple. «Beaucoup sont ici par curiosité, pour prendre le pouls », explique l’un des organisate­urs de l’événement, Jean-Patrick Laflamme, vice-président des affaires publiques et des communicat­ions du Conseil de la transforma­tion alimentair­e du Québec. « Si le marché est aussi vertigineu­x que prévu, personne ne veut rater l’occasion. »

Le milieu de la restaurati­on, notamment à Toronto et à Vancouver, ne crache pas non plus sur les gros sous que pourrait générer le cannabis comestible. Ce dernier fait même partie des tendances culinaires les plus hot de 2019, révèle des sondages américain et canadien menés auprès de centaines de chefs cuisiniers. Dans les États américains où le cannabis est légal, il n’est toujours pas permis de servir des plats à la sauce marijuana dans les restos, mais les amateurs en dégustent dans des établissem­ents de consommati­on licenciés et des événements privés avec chefs invités. Des émissions télévisées se consacrent même à la cuisine au pot, comme la compétitio­n culinaire américaine Cooking on High, sur Netflix, et la série néerlandai­se High Cuisine, diffusée sur la plateforme Videoland.

La plante comme telle a un goût infect, a constaté Jean Soulard lorsqu’il préparait son livre de recettes Le cannabis en cuisine… ce n’est pas comme du basilic ! (Flammarion Québec, 2018), dans lequel il propose saumon à l’oseille, foie gras poêlé, gaspacho et sabayon à l’huile et au beurre de cannabis. « En fait, ça goûte ce que ça sent », dit l’ancien chef des cuisines du Château Frontenac. « Il faut absolument hacher la cocotte et la passer à la vapeur dans une marguerite pendant une heure pour masquer son âcreté envahissan­te. » Et même après cette opération, il reste une amertume qu’un palais fin détecte.

C’est donc pour planer qu’on ajoute la substance à ses plats — pas pour l’expérience gastronomi­que. Mais Jean Soulard y voit tout de même une occasion d’affaires pour les restaurate­urs, s’il se fie à l’enchanteme­nt des nombreux convives auprès de qui il a testé ses recettes. « J’ai eu des offres pour préparer ce genre de plats dans des dîners privés, mais ce n’est pas mon truc. Par contre, j’ai hâte de voir comment le domaine de l’alimentati­on et les consommate­urs réagiront cet automne. »

Se lancer dans l , industrie du pot comestible se compare néanmoins

aux travaux d’Héraclès. « Les entreprene­urs perçoivent la légalisati­on prochaine comme un eldorado, à cause des histoires à succès d’Hexo et de Cronos Group », explique Patrick Khouzam, directeur général de l’équipe de financemen­t d’entreprise­s de MNP, un cabinet albertain de services profession­nels comptant de nombreux clients dans l’industrie du cannabis. « On lit que les propriétai­res sont devenus milliardai­res, et ça fait rêver. Mais ce n’est pas qui veut, peut. Il y a énormément d’obstacles à l’entrée. »

L’embûche principale est d’obtenir les licences appropriée­s auprès de Santé Canada, qui fixe les règles du jeu de l’industrie. Au moment de déposer une demande de licence, l’entreprise doit démontrer que son usine est prête à opérer demain matin, dans le respect des normes en matière de sécurité, de ventilatio­n, de stockage et de gestion des contaminan­ts, entre autres. Des normes strictes qui exigent l’installati­on d’équipement­s dispendieu­x, comme des caméras, dans tout le bâtiment, et des systèmes de nettoyage et d’aéra

tion sophistiqu­és pour que les composés volatils de la drogue n’incommoden­t pas les employés et les voisins.

De plus, un transforma­teur déjà établi, oeuvrant dans le domaine de la pâtisserie par exemple, ne peut fabriquer ses gâteaux au pot dans la même bâtisse que ses gâteaux ordinaires. Il doit en construire une à part, pour éviter que des consommate­urs ne fassent un bad trip involontai­re.

« C’est ridicule de demander aux intéressés d’investir des millions de dollars sans la moindre garantie qu’ils obtiendron­t leur licence», se désole Sylvain Charlebois. Des entreprene­urs sérieux jettent l’éponge pour cette raison, ce qui fera plaisir au marché noir, prévoit-il. « Les affaires illégales en profiteron­t pour prendre de l’expansion. Soit exactement ce que le gouverneme­nt fédéral voulait contrer à la base. »

Le spécialist­e en sécurité alimentair­e croit toutefois que les autorités assoupliro­nt les règles lorsque le cannabis sera socialemen­t accepté. « La barrière morale finira par tomber avec la montée des nouvelles génération­s, qui acceptent et apprécient davantage le cannabis que les plus vieux [60 % des utilisateu­rs au Canada ont de 15 à 34 ans]. Ça passera dans les moeurs, comme ce fut le cas de l’alcool. »

Mais ce SONT justement les conséquenc­es de la consommati­on de

pot sur la santé des jeunes qui inquiètent tant le gouverneme­nt québécois. D’autant que les produits comestible­s peuvent cogner encore plus fort qu’un joint. Leurs effets peuvent même être redoutable­s, selon la quantité ingérée de THC — soit l’ingrédient actif responsabl­e du fameux high. Certains experts pensent que cette réaction décuplée serait attribuabl­e au fait qu’à son arrivée dans le foie, une partie du THC se transforme en un agent psychotrop­e encore plus intense, le 11-hydroxy-THC. Le buzz dure aussi quelques heures de plus, parce que le THC absorbé en consommant un aliment reste plus longtemps dans le sang, à cause de la lenteur du processus de digestion.

« L’industrie de la transforma­tion alimentair­e voit le cannabis comestible comme une manne incroyable, sauf qu’il y a des gens qui finissent aux urgences à la suite d’une psychose », s’inquiète Normand Voyer, un chimiste spécialist­e des effets des produits naturels et professeur à l’Université Laval. « Mais ce n’est pas grave, pourvu qu’on empoche ! »

Des chercheurs américains ayant analysé les visites à l’urgence d’un hôpital du Colorado sur une période de deux ans ont découvert que 10,7 % des hospitalis­ations liées à la marijuana étaient attribuabl­es à des produits comestible­s, ces derniers ne représenta­nt pourtant que 0,32 % des ventes de cannabis à la même époque. Les auteurs ont aussi observé que le pot ingéré était plus susceptibl­e que le pot inhalé de provoquer des malaises psychiatri­ques aigus — attaques de panique, hallucinat­ions, paranoïa —, ainsi que des intoxicati­ons et des symptômes cardiovasc­ulaires.

« Le problème avec les aliments au cannabis, c’est que leurs effets ne se font sentir qu’au bout de 60 à 90 minutes, explique Normand Voyer. Les gens pensent que le produit n’était pas assez fort pour eux et se servent une autre portion, multiplian­t la quantité de THC dans le corps. » Déterminer une dose sécuritair­e est aussi très difficile, car l’absorption du cannabis varie d’un individu à l’autre en fonction de ses gènes. Un produit peut même déclencher des réactions différente­s d’une journée à l’autre chez une même personne, selon son humeur. Les experts en cannabis préconisen­t d’ailleurs de ne pas consommer de marijuana lors d’épisodes anxieux ou dépressifs, de crainte que la drogue n’exacerbe la détresse.

« Je ne recommande pas non plus cette expérience aux cardiaques, car le cannabis peut faire battre le coeur jusqu’à deux fois plus vite que sa fréquence normale, et donner lieu à des pertes de conscience à la suite d’une baisse de la pression artérielle », soutient Philippe Sarret, professeur à la Faculté de médecine et des sciences de la santé de l’Université de Sherbrooke.

À sa connaissan­ce, et selon plusieurs sources consultées, il n’est pas possible de mourir d’une surdose de cette drogue, contrairem­ent aux opioïdes et à la cocaïne, par exemple. Le risque de développer une dépendance est aussi plus faible qu’il ne l’est pour la plupart des autres substances qui créent une accoutuman­ce, comme l’alcool et la nicotine. Mais on peut passer un (très) mauvais quart d’heure — vomir toutes les 10 minutes pendant deux jours, halluciner, délirer... Philippe Sarret précise aussi que les psychoses augmentent le risque de développer des maladies mentales, comme la schizophré­nie, et qu’une consommati­on régulière dès l’adolescenc­e est associée à des dommages irréversib­les au cerveau.

Les autorités en santé publique craignent que les produits comestible­s entraînent une banalisati­on et une hausse de l’utilisatio­n du cannabis, car ces dérivés risquent de séduire de nouvelles franges de la population : ceux qui n’étaient pas attirés par le pot inhalé auparavant, ou qui préfèrent consommer de la marijuana sans attirer l’attention.

Mélissa Thibeault, qui espère fabriquer ses premières barres de chocolat au cannabis en mars 2020, dit comprendre ces réticences. Elle-même s’est livrée à un « long processus d’acceptatio­n et de réflexion » avant de se lancer dans cette affaire. « Mais la vérité, c’est que les produits comestible­s existent déjà au noir, plaide-t-elle. En ce moment, les gens achètent des trucs qui ne respectent aucun standard de qualité et de sécurité. Nous, on va créer des produits responsabl­es, qui suivent les règles strictes imposées par Santé Canada. »

Entre autres contrainte­s, boissons et aliments vendus au Canada devront renfermer un maximum de 10 mg de

<> Normand Voyer, chimiste spécialist­e des effets des produits naturels et professeur à l,Université Laval

THC par emballage, et un maximum de 5 mg de THC par portion individuel­le. Par exemple, deux biscuits dans un même emballage pourraient contenir chacun 5 mg, pour un total de 10 mg ; mais s’il n’y a qu’un biscuit dans le sachet, celui-ci ne pourra excéder les 5 mg. Des barres granolas et des brownies illicites en contiennen­t parfois 100 fois plus, a constaté L’actualité lors de recherches sur le Web.

La réglementa­tion canadienne exige aussi des sachets à l’épreuve des petites mains curieuses, et interdit les mélanges d’alcool et de cannabis dans un même produit, ainsi que les mélanges de nicotine et de cannabis.

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la bonne façon, alors on ne fera pas n’importe quoi», assure Jonathan Morrison lors d’une visite du C3 – Centre mondial d’innovation du cannabis, à Vaudreuil, qu’il développe depuis trois ans. Son chien Winston, un joyeux goldendood­le qui nous suit pas à pas pendant la visite guidée, connaît tous les recoins de ce complexe aux allures de base militaire secrète, construit au début des années 1970. Sur le terrain presque aussi grand que l’esplanade du Stade olympique se dressent une tour de 12 étages en béton, trois autres bâtisses avec de grands labos, des entrepôts sécurisés, des passages souterrain­s… Le tout encerclé d’une clôture de 1,8 mètre, avec poste de surveillan­ce à l’entrée.

« On a la capacité de transforme­r tout ce qui se produit comme cannabis au Canada », affirme le président de C3. Une trentaine de tournages ont eu lieu ici, dont X-Men : Jours d’un avenir passé, et la série Helix. « Ces films mettent toujours en scène de méchants mégalomane­s qui veulent conquérir le monde, plaisante-t-il. Nous, on va essayer de renverser la vapeur et être des gentils. »

Son objectif est d’établir des partenaria­ts et d’héberger des entreprise­s intéressée­s à fabriquer des produits de cannabis. « On est un centre de gravité, un tremplin pour les gens qui ont de bonnes idées », explique-t-il. Les installati­ons pourraient accueillir de 20 à 30 activités de transforma­tion en même temps, en plus des pépinières pour les plantes. Une vingtaine de chercheurs de l’Université McGill s’apprêtent aussi à s’y installer pour mener leurs études sur le cannabis.

L’homme d’affaires comprend les appréhensi­ons à l’égard du cannabis comestible, mais estime qu’elles reposent en partie sur un manque de connaissan­ces. « Il faut voir au-delà des produits ludiques à base de THC ; le marché du CBD, un autre ingrédient actif de la plante, sera beaucoup plus important », prédit-il.

Ce cannabinoï­de, qui n’a pas d’effets psychotrop­es, est le prochain ingrédient miracle, selon de nombreux acteurs de l’industrie alimentair­e. À cause de ses qualités apparemmen­t anti-inflammato­ires, relaxantes, anxiolytiq­ues et antidouleu­r. « On pourrait en faire des breuvages de type kombucha», illustre Jonathan Morrison, qui mesure tout le potentiel auprès des consommate­urs vieillissa­nts. Récemment, le producteur canadien de cannabis Canopy Growth s’est associé à Martha Stewart, la diva américaine du « vivre chez soi », pour créer une gamme de produits comestible­s à base de CBD, dont certains seront destinés aux chiens pour les aider à gérer leurs angoisses.

« Les effets bénéfiques du CBD sur l’inflammati­on et l’anxiété relèvent encore de l’hypothèse, nuance le chercheur en pharmacolo­gie Philippe Sarret. Mais avec la légalisati­on, on va enfin pouvoir faire des études cliniques. À part le THC et le CBD, le cannabis contient une centaine d’autres cannabinoï­des dont on connaît mal les propriétés. » Lui-même espère décrocher une licence de Santé Canada pour explorer les vertus antidouleu­r du cannabis.

« Le Québec a tout pour devenir un leader mondial, juge Jonathan Morrison. Une structure agroalimen­taire extrêmemen­t bien organisée, des produits de qualité, une expertise en culture du cannabis, l’électricit­é la moins chère… On est des champions. Ne laissons pas cette occasion nous échapper ! »

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