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CATHERINE MAVRIKAKIS

- Catherine Mavrikakis

« Une oeuvre dont la puissance se passe désormais de commentair­e. » C’est ce qu’écrivait Martine Desjardins dans nos pages en 2014, à la suite de la publicatio­n de La ballade d’Ali Baba, de Catherine Mavrikakis. Les éloges n’ont pourtant cessé de pleuvoir sur cette auteure qui, en sept romans, s’est taillé une place dans la liste des écrivains québécois incontourn­ables. Son nouveau titre, L’annexe, paraît à la fin août et met en scène une agente secrète qui se rend régulièrem­ent en pèlerinage dans la maison où la famille d’Anne Frank s’est terrée pour échapper aux nazis. Chez Mavrikakis, les fantômes ne sont jamais loin...

Où et quand écrivez-vous ?

J’écris n’importe où : sur une table de cuisine, dans un café, dans mon salon. Je n’ai pas de lieu sacré ni de moment particulie­r, mais j’avoue volontiers une préférence pour le matin. La journée n’est pas commencée, le silence m’accompagne.

Comment décririez-vous votre démarche artistique ?

C’est bien difficile de savoir ce que l’on fait ! Mais disons que je travaille à partir d’un chaos d’idées, de sensations auxquelles je donne une forme, un sens.

Quelle place le lecteur prend-il dans votre processus créatif ?

Le lecteur n’est pas très présent pour moi. Je pense que le geste d’écrire est pourtant tourné vers les autres. Mais qui incarne cet autre ? Ai-je peur de la lecture ou est-ce que je l’attends ? Non, pas du tout. Je me sens souveraine par rapport à mes textes.

Quelle partie de votre boulot vous rend le plus heureuse ?

Imaginer un livre, chercher l’idée, penser la trouver, recommence­r : tout le bonheur réside dans les commenceme­nts. Il n’y avait rien, puis voilà tout à coup qu’un livre apparaît dans mon esprit. C’est une grande joie.

Y a-t-il une composante autobiogra­phique dans vos livres ? Si oui, comment la gérez-vous ?

Oui, il y a beaucoup de moi et de ma vie dans mes textes. Mais tout est transformé, rendu étranger même à moi. Écrire, c’est déplacer les choses, les condenser, c’est très proche du travail du rêve. Il y a toujours plein d’êtres dans un seul personnage qui hante un rêve. C’est ainsi pour l’écriture.

Quel(le) auteur(e) admirez-vous le plus ?

J’ai passé ma vie à lire, alors j’aime beaucoup les écrivains et les écrivaines. Mais disons aujourd’hui Chantal Akerman, qui était aussi cinéaste, Josef Winkler, Virginie Despentes et Marie Depussé. Demain, ce sera autre chose, disons Marie-Claire Blais, et après-demain, on verra.

Lisez-vous les livres des autres comme une simple lectrice... ou comme une auteure ?

Je lis les livres en tant que lectrice, jamais en tant qu’auteure.

Quel est le meilleur conseil que vous ayez reçu ? Et le pire ? Les avez-vous suivis ?

J’aimerais bien recevoir des conseils, mais je pense que peu de gens ont essayé de m’en donner. Pour donner un conseil, il faut prendre le risque de se tromper, de jouer à celui ou à celle qui sait. Rares sont les personnes qui ont cette attitude envers moi. Je le regrette beaucoup. J’ai besoin de conseils… Je les attends.

Dans votre carrière, de quelle réalisatio­n êtes-vous le plus fière ?

On ne peut pas être fier d’écrire, parce qu’écrire, c’est toujours penser qu’on aurait pu mieux faire. Mais je suis fière d’avoir continué malgré la honte. Là est mon courage.

Écrire un huitième roman, est-ce plus facile qu’en écrire un premier ?

Ce qui est plus facile, c’est qu’on sait que le livre sera accueilli et suivi dans une maison d’édition, et que l’hospitalit­é est là pour nous. Et puis, on sait aussi qu’on finira le livre. Le premier, je ne pensais pas que je le finirais.

Comment s’est passée la création de votre dernier roman, ?

L’annexe

Je suis allée à Amsterdam dans la maison d’Anne Frank et j’ai pensé que je vivais recluse dans mon appartemen­t à Montréal. J’ai donc décidé d’écrire un roman sur un lieu dans lequel on serait enfermé avec d’autres gens, et de parler d’Anne Frank. Après, tout a été facile.

Qu’aimeriez-vous que les lecteurs en retiennent ?

Rien, les livres doivent être oubliés. Autrement, on devient comme mon héroïne dans L’annexe. (Propos recueillis par Claudine St-Germain)

IMAGINER UN LIVRE, CHERCHER L’IDÉE, PENSER LA TROUVER, RECOMMENCE­R : TOUT LE BONHEUR RÉSIDE DANS LES COMMENCEME­NTS. IL N’Y AVAIT RIEN, PUIS VOILÀ TOUT À COUP QU’UN LIVRE APPARAÎT DANS MON ESPRIT. C’EST UNE GRANDE JOIE.

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