D’autres initiatives
Les trois quarts des 70 langues autochtones au Canada sont menacées, selon l’UneSCO. La moitié sont parlées par moins de 500 personnes, souvent des aînés. Sur les 1 673 785 autochtones recensés au pays en 2016, moins de 16 % sont capables de soutenir une conversation dans une langue autochtone. Seuls le cri, l’ojibwé et l’inuktitut évitent la sonnette d’alarme pour l’instant. Conscientes de la menace, la plupart des nations autochtones ont mis en oeuvre des initiatives. Dont celles-ci :
En Colombie-Britannique, des parents de la nation secwepemc, près de Kamloops, ont mis sur pied une garderie et une école primaire où l’enseignement se fait dans la langue traditionnelle. « Si tu veux apprendre une langue, il faut le faire en immersion, pas seulement 20 minutes par semaine », explique Rob Matthew, le directeur de l’école Chief Atahm.
À Manawan, dans le nord de Lanaudière, des élèves du secondaire et d’autres membres de la réserve de 2 000 personnes contribuent à la rédaction d’articles en atikamekw sur Wikipédia. Jusqu’à présent, 1 000 textes ont été écrits, ce qui classe l’atikamekw dans le peloton de tête des langues autochtones nord-américaines les plus présentes dans l’encyclopédie en ligne.
Le Gouvernement de la nation crie, qui représente une douzaine de communautés dans le nord du Québec et de l’Ontario, a lancé un ambitieux exercice de toponymie. Les membres sont consultés pour répertorier les noms cris des lieux éparpillés sur leur vaste territoire. À ce jour, 20 000 termes ont été recensés, ce qui permet de produire du matériel pédagogique et des cartes.
D’autres initiatives numériques sont issues du Projet sur les technologies pour les langues autochtones canadiennes, financé par l’État fédéral. Son équipe conçoit des outils informatiques qui pourront être utilisés par diverses nations, tels un logiciel permettant de créer des livres audionumériques où les mots surlignés seront prononcés par le narrateur, ou un système de conjugaison mohawk (langue dont les verbes n’arriveraient jamais à entrer dans un simple Bescherelle en raison de la complexité de leurs accords).
Richard Compton, professeur au Département de linguistique de l’UQAM, croit qu’il faut en faire plus. « Il faut que la langue occupe plusieurs sphères du quotidien. Les enfants doivent avoir l’occasion de la parler à domicile et à l’école, de la lire dans des livres, de l’entendre à la télévision. S’ils voient qu’il y a des avantages à maîtriser leur langue, qu’elle est nécessaire pour acheter des bonbons au dépanneur, et qu’elle leur ouvre des possibilités d’emploi, c’est ça qui permettra de garder une langue en santé. »