Quatre ans de plus ?
Il y a de quoi désespérer. Malgré son incompétence crasse et ses inqualifiables failles morales, Donald Trump conserve de bonnes chances d’être réélu en novembre et de continuer, pendant quatre longues années encore, d’imprimer sa détestable marque sur la politique américaine et mondiale.
L’économie des États-Unis tourne rondement, le procès en destitution du président s’est terminé en queue de poisson, ses adversaires démocrates s’entredéchirent. Est-ce à dire que tout est perdu ? Non ! L’attention portée aux frasques trumpiennes fait de l’ombre à un changement profond, la montée en puissance des millénariaux.
La journaliste Charlotte Alter, du magazine Time, a passé les trois dernières années à suivre ses jeunes compatriotes et en a tiré un livre, The Ones We’ve Been Waiting For (ceux qu’on attendait), dont le constat redonne espoir : cette génération va provoquer une révolution politique qui va changer la trajectoire du pays.
Il y a d’abord la force du nombre. Ces personnes nées entre le début des années 1980 et le tournant de l’an 2000 formeront bientôt le plus grand bloc d’électeurs, les baby-boomers s’éclipsant progressivement.
Il y a aussi la force des convictions. Les millénariaux ont des valeurs plus progressistes que celles de leurs aînés, et on aurait tort de n’y voir qu’une tocade de jeunes idéalistes. Oui, un adage veut que « si on ne vote pas à gauche à 20 ans, on n’a pas de coeur, mais si on vote encore à gauche à 40 ans, on n’a pas de tête ». Comme s’il était inévitable de changer d’allégeance en vieillissant. C’est faux !
De nombreuses recherches ont établi que le facteur le plus susceptible de déterminer les opinions d’une personne n’est pas son âge, mais plutôt le contexte social, économique et politique qui avait cours durant son passage à l’âge adulte. Les expériences politiques vécues de 14 à 24 ans auraient même jusqu’à trois fois plus d’influence que celles survenues plus tard, selon une étude de l’Université Columbia et du groupe de recherche démocrate Catalyst.
Et qu’est-ce qui a marqué l’esprit des millénariaux ? Les guerres désastreuses qui ont suivi les attentats du 11 septembre 2001 leur ont fait perdre leurs illusions sur l’infaillibilité américaine. La crise financière de 2008 leur a fait prendre conscience des profondes injustices économiques. L’urgence climatique les a convaincus qu’il ne fallait pas trop compter sur les pouvoirs en place pour changer les choses. Et la présidence de Donald Trump leur montre les dégâts que le populisme dénué de moralité peut causer.
Il en résulte l’une des générations les plus progressistes de l’histoire récente des États-Unis. Alors que les 18-29 ans se divisaient en deux camps politiques pratiquement égaux en 2000, un grand fossé s’est creusé depuis : on compte aujourd’hui deux fois plus de démocrates (67 %) que de républicains (32 %). Ils sont aussi de plus en plus motivés à voter. Leur taux de participation, bien qu’encore inférieur à celui des plus vieux, a doublé entre les élections de mi-mandat de 2014 et celles de 2018, ce qui a permis aux démocrates de reprendre les rênes du Congrès.
Quoi qu’il arrive le 3 novembre, le courant qui soutient Trump devra battre en retraite dans les années à venir. Trump n’est pas éternel, ses idées non plus.
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