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LA GUERRE FROIDE TECHNO

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Cela ne fait plus de doute : les technologi­es chinoises sont de moins en moins bienvenues aux États-Unis. Le pays n’a pas seulement banni les équipement­iers chinois Huawei et ZTE de son territoire, il a aussi fait pression (avec succès) sur ses alliés pour qu’ils empêchent Huawei de collaborer à leurs réseaux mobiles 5G.

L’Oncle Sam serait également sur le point de proscrire l’utilisatio­n à des fins gouverneme­ntales des drones chinois, comme ceux de DJI, principal fabricant mondial de ce type d’appareils. Par ailleurs, le président Trump a annoncé cet été son intention de forcer la vente du populaire réseau social TikTok (accusé de servir les intérêts du Parti communiste chinois) à une société américaine, et même de bannir l’applicatio­n de messagerie chinoise WeChat aux États-Unis.

La Chine avait pour sa part banni depuis longtemps de son territoire plusieurs géants américains du Web, et tout indique qu’elle compte désormais mettre sur pied son propre écosystème matériel. Le fabricant chinois de puces SMIC, avec le soutien du gouverneme­nt, a par exemple annoncé son intention cette année d’investir près de 10 milliards de dollars pour augmenter sa production et assurer l’autonomie technologi­que des entreprise­s du pays.

De la même façon qu’Internet est fragmenté en deux, avec d’un côté les géants chinois comme Tencent et Alibaba, et de l’autre ceux de la Silicon Valley comme Google et Facebook, l’industrie technologi­que se dirige de plus en plus vers une division en deux univers distincts.

Des entreprise­s de partout risquent d’y perdre au change.

Les processeur­s fabriqués en Chine remplacero­nt tous ceux conçus ailleurs. Certains observateu­rs estiment même que les nombreuses attaques de Washington contre Huawei pourraient inciter Pékin à répliquer en ciblant Apple, dont 25 % des revenus proviennen­t de Chine.

Le Canada est également victime de cette guerre froide, tout particuliè­rement depuis le début des procédures d’extraditio­n de la directrice financière de Huawei, Meng Wanzhou, vers les États-Unis. La Chine a pour l’instant riposté en procédant à l’arrestatio­n des Canadiens Michael Kovrig et Michael Spavor, et en limitant certaines importatio­ns dans le domaine de l’agroalimen­taire, mais des entreprise­s technologi­ques canadienne­s pourraient aussi être à risque si le conflit s’enlisait. La filiale de BlackBerry QNX, dont les tableaux de bord numériques équipent beaucoup de voitures en Chine, pourrait par exemple constituer une cible de choix.

L’émergence de deux écosystème­s technologi­ques distincts représente néanmoins une occasion. Le fabricant américain Skydio, qui était jusqu’ici connu pour ses drones conçus pour les égoportrai­ts, s’adapte présenteme­nt afin de vendre ses produits aux gouverneme­nts et aux entreprise­s, tentant ainsi de profiter des déboires de DJI en Amérique du Nord.

Même si la guerre froide techno est principale­ment un conflit sino-américain, les exportatio­ns en Chine risquent d’être plus difficiles au cours des prochaines années pour les entreprise­s technologi­ques canadienne­s. La balle est maintenant dans leur camp pour dénicher les occasions qui émergeront de cette crise. (Maxime Johnson)

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