L’actualité

Mathieu vous répond

- PAR MATHIEU CHARLEBOIS

« Toi pis ton maudit Mozart ! entendait-on dans les chaumières en 1775. Dans mon temps, on écoutait Bach et Scarlatti. ÇA, c’était de la vraie musique. »

Y a-t-il quoi que ce soit de plus éternel que l’exaspérati­on parentale devant la musique de sa descendanc­e ? Oui : l’exaspérati­on des enfants devant la musique dépassée de leurs parents. « Tu comprends rien ! Mozart, il parle à ma génération. Ton Scarlatti, c’est le Michel Louvain du clavecin ! » répondaien­t les préados aux parents du XVIIIe siècle.

En tant que parent, vous avez le pouvoir de décréter que, chez vous, on écoute la bande originale de

La mélodie du bonheur plutôt que la bâtardisat­ion qu’en fait Grande dans

« 7 Rings ». Vous pouvez faire de force l’éducation musicale de votre enfant, en lui imposant Led Zeppelin, Françoise Hardy, Alain Morisod et rien d’autre.

Je crois à l’importance d’exposer les enfants à la plus riche culture qui soit. Cela dit, je crois encore plus à l’importance de les laisser aimer les « mauvaises choses ».

De l’adolescenc­e jusqu’à la mi-vingtaine, j’ai souvent refusé de m’intéresser à ce que mon entourage jugeait sans valeur. Je me suis privé à maintes reprises de grands plaisirs par manque de confiance en mes propres goûts. Le regard des autres m’a longtemps empêché d’être complèteme­nt moi-même, c’est-à-dire une personne qui écoute du rock planant, du jazz où le saxophonis­te a l’air de chercher sa note pendant 10 minutes… et de la grosse pop à la Lizzo.

Être capable d’aimer ce qui nous plaît sans avoir l’impression qu’il faut en avoir honte est pratiqueme­nt un superpouvo­ir. C’est une attitude qu’on devrait brimer le moins possible chez nos enfants, quitte à endurer de l’art un peu trop primaire à notre goût.

À l’âge de votre fille, j’écoutais La Compagnie créole. En boucle. Je ne pouvais paaaaaaaas m’arrêter, ohé ohé.

Trente ans plus tard, je crois que mon tympan a plutôt bien tourné. Soyez patient, fillette finira bien par dire « Thank U, Next » à Ariana Grande.

MES AMIS NE VIVENT PLUS LE MOMENT PRÉSENT À CAUSE DE LEUR TÉLÉPHONE. QUE FAIRE ?

Si on me demandait de nommer deux choses qui sont surévaluée­s de nos jours, je répondrais l’endive et le fameux « temps présent ». L’un a une drôle de texture en bouche et un goût vraiment amer, et l’autre est une endive.

Qu’a-t-il de si bon, le temps présent, qui mériterait que je lui consacre toute mon attention ? Devrais-je mieux apprécier la pandémie, ou être heureux de vivre le début de l’apocalypse climatique ? Vu l’actuel moment présent, pardonnez-moi si je préfère répondre absent.

Je vous l’accorde, parfois, on est un peu prisonnier de notre écran, et on gagnerait à lever la tête et à être conscient de ce qui nous entoure. Mais, en général, la complainte selon laquelle il y avait un passé idyllique où les humains étaient bien ensemble et se parlaient en se regardant dans les yeux, je n’y crois pas. Les téléphones sont là, maintenant. Le moment présent, c’est aussi ça.

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Je m’appelle Mathieu Charlebois et chaque mois, je réponds à vos grands questionne­ments existentie­ls.

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