La gestion de la pandémie
Quand faudra-t-il rouvrir la frontière canado-américaine aux voyageurs non essentiels ? Et avec quelles contraintes sanitaires ? Ce sera l’un des principaux points à l’ordre du jour des dirigeants après les élections américaines.
Fermée depuis le 21 mars, la plus longue frontière terrestre entre deux pays permet uniquement le passage des marchandises — plus de la moitié des 2,5 milliards de dollars d’échanges commerciaux quotidiens transitent par camion. Pour se promener entre le Canada et les États-Unis, il faut une bonne raison, et ceux qui tentent le coup pour des questions d’affaires ont besoin d’un peu de chance aux douanes. Quant aux nouveaux arrivants au Canada, ils doivent se soumettre à un isolement de 14 jours.
Le gouvernement américain et de nombreux élus du Congrès souhaitent un retour à la normale avant la fin de l’année, alors qu’au Canada, les premiers ministres des provinces, dont François Legault et Doug Ford, insistent pour que la prudence soit de mise. Sondage après sondage, une majorité de Canadiens s’opposent à une réouverture de la frontière.
La gestion de la pandémie avec les États-Unis comme voisin est un casse-tête complexe pour le gouvernement Trudeau. En plus de la frontière, Ottawa doit composer avec la volonté des Américains de faire cavalier seul dans leur lutte contre la COVID-19. Par exemple, Washington ne participe pas au financement mondial de l’élaboration d’un vaccin, préférant encourager ses propres entreprises pour s’assurer des premières doses.
En avril, la menace de Donald Trump d’interdire l’envoi au Canada de masques N95 fabriqués par la société américaine 3M a forcé le gouvernement Trudeau à entreprendre un blitz diplomatique pour annuler la décision de la Maison-Blanche. Qui sait ce qui pourrait se produire si la situation se dégradait aux États-Unis ?
L’imprévisibilité américaine dans la lutte contre la pandémie se manifeste dans d’autres dossiers cruciaux, notamment sur les fronts commercial et diplomatique. Le Canada doit mettre en place des mécanismes plus élaborés pour défendre ses intérêts, affirme Roland Paris, qui a signé en juillet dernier un essai sur la politique étrangère canadienne postpandémie sur le site du Forum des politiques publiques, intitulé « Naviguer dans le nouveau désordre mondial » .
Parmi les solutions qu’il avance, le spécialiste à l’Université d’Ottawa suggère de meilleurs mécanismes de coordination entre les défenseurs des intérêts canadiens ; la bonification de la représentation diplomatique dans différentes régions des États-Unis ; le renforcement de la capacité du gouvernement fédéral à suivre les questions clés et les personnes influentes aux États-Unis; et le soutien, à Washington, de groupes de réflexion qui s’alignent sur les intérêts canadiens. « On combat les incendies politiques lorsque la fumée devient visible, déplore Roland Paris dans son essai. Le Canada doit investir davantage dans la “prévention des incendies” en saisissant et en abordant les problèmes et les menaces qui pèsent sur ses intérêts avant qu’ils ne se concrétisent. »