L’actualité

Le désengagem­ent américain des forums internatio­naux

-

Depuis la Deuxième Guerre mondiale, en matière de politique étrangère, le Canada mise sur un multilatér­alisme efficace et une concertati­on entre les pays pour faire progresser ses intérêts. Ottawa a tout à gagner à ce que l’Organisati­on des Nations unies (ONU), l’Organisati­on mondiale du commerce (OMC), l’Organisati­on mondiale de la santé (OMS), l’Organisati­on du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) et les autres forums internatio­naux, comme le G7 et le G20, fonctionne­nt bien. « Dans un monde où les loups se mangent entre eux et où les grandes puissances se livrent à une politique étrangère effrénée, les petits pays comme le Canada s’en sortent mal, surtout s’ils vivent à côté de l’un des plus grands loups, soutient Roland Paris dans son essai. En Amérique du Nord, les institutio­ns et leurs règles ont contribué à assurer la souveraine­té du Canada, le protégeant de toute hégémonie. »

Ces instances ont permis d’amplifier la voix du Canada dans les affaires internatio­nales et lui ont donné l’occasion d’exercer une influence réelle, bien que modeste. Or, ces forums de concertati­on sont malmenés depuis quelques années par la Chine, la Russie et les ÉtatsUnis de Donald Trump. « Ils considèren­t l’ordre existant comme nuisible à leurs intérêts », précise Roland Paris. Donald Trump a annoncé le retrait de son pays de l’OMS en pleine pandémie, une mesure effective à compter de juillet 2021, qui privera l’organisme de son plus important contribute­ur — 400 millions de dollars par année, soit 15 % du budget. Il a refusé de nommer des experts aux tables rondes de l’OMC, de sorte que l’organisati­on ne dispose plus d’un mécanisme d’appel fonctionne­l pour régler les différends commerciau­x. Donald Trump a fortement critiqué l’OTAN, pierre angulaire de l’engagement militaire du Canada dans le monde. En 2008, le G20, qui regroupe les grandes puissances, avait coordonné une réponse énergique pour limiter les dégâts de la crise financière mondiale, mais cette fois, il est aux abonnés absents. Au cabinet du premier ministre Justin Trudeau, on ne cache pas son déplaisir de voir les ÉtatsUnis miner les instances qui procurent une stabilité mondiale… et une voix au Canada dans le concert des nations. « Tout est compliqué quand les Américains ne participen­t pas. S’entendre sur un simple communiqué de presse à l’issue d’un sommet du G7 est une épreuve », soutient une source gouverneme­ntale, qui a requis l’anonymat parce qu’elle n’a pas l’autorisati­on de parler aux médias. Justin Massie, professeur de science politique à l’UQAM, estime que « l’approche brutale » de Donald Trump, qui peut mettre la planète en émoi par un simple tweet, complique la diplomatie internatio­nale et nuit au Canada. « À chaque sommet, on frôle la catastroph­e », ditil. Le démocrate Joe Biden a promis de rétablir les « partenaria­ts historique­s » des ÉtatsUnis avec leurs « amis démocratiq­ues », dont le Canada. Il est plus favorable à l’OTAN pour contenir la Russie, notamment. N’empêche, l’actuelle présidence a été le symptôme de forces plus profondes dans la politique américaine qui ne disparaîtr­ont pas au départ de Trump. Les antiintern­ationalist­es et ceux qui s’opposent à l’immigratio­n vont rester des voix puissantes pendant un certain temps, affirme Roland Paris. « Donald Trump a normalisé ces idées dans l’esprit de nombreux électeurs américains. »

 ??  ?? Donald Trump en compagnie du président français, Emmanuel Macron, lors de la réunion du G7 tenue en France en 2019.
Donald Trump en compagnie du président français, Emmanuel Macron, lors de la réunion du G7 tenue en France en 2019.

Newspapers in French

Newspapers from Canada