L’actualité

Pour l’amour de l’art et de la communauté

- Mots Sarah-Émilie Nault ; photos Courtoisie Adélard

Voyageur, amoureux des arts, homme convaincu de la bonificati­on de l’éducation par la culture et de la richesse des rencontres humaines, Sébastien Barangé a eu envie d’allier tout ce qui le faisait vibrer pour fonder un endroit invitant au dialogue entre artistes et citoyens. Ainsi est né Adélard, un superbe centre d’art visuel immersif planté au coeur du village de Frelighsbu­rg.

« Le jour de l’inaugurati­on, nous avons dit que nous étions là pour au moins 100 ans », lance en riant Sébastien Barangé. C’est dire la vision de l’équipe derrière ce cher Adélard, ce beau projet dont il est président et cofondateu­r. Il est vrai que le cachet et l’atmosphère authentiqu­e et chaleureus­e de cette ancienne grange des années 1800 donnent envie de s’y attarder longtemps. C’est ce que font les habitants du village, les visiteurs, les jeunes qui y suivent des ateliers créatifs et les artistes profession­nels qui y sont en résidence pendant six semaines.

« Adélard est né par amour de l’art et par amour pour la communauté de Frelighsbu­rg, explique le Montréalai­s qui possède un chalet dans ce village estrien depuis plus d’une décennie. Notre mission, notre devise, est vraiment de rapprocher les artistes et les citoyens. »

Huit forces vives

C’est notamment en voyageant dans de petits villages aux riches vies culturelle­s du Vermont et de la Nouvelle-Angleterre que l’idée de créer Adélard a germé.

« Nous voyions des centres, des résidences d’artistes et des galeries d’art. Des lieux inspirants souvent installés au milieu de la campagne, transforma­nt les communauté­s de façon positive. Nous nous sommes dit : “pourquoi ne serions-nous pas capables de faire ça au Québec ?” Nous avions l’idée de faire quelque chose dans le village, avec la communauté, et de faire une propositio­n qui serait aussi pour les artistes ; leur offrir un lieu de résidence artistique que nous avons appelé Immersion. »

Ce « nous », ce sont les huit têtes formant le conseil d’administra­tion d’Adélard, que le cofondateu­r surnomme « les forces vives ». Le groupe est composé de gens aux âges variés très impliqués dans la région, portés par une envie commune de proposer une nouvelle offre culturelle dans ce village cher à leur coeur. Il s’agit de Ludovic Bastien, entreprene­ur derrière le café-spectacle Beat & Betterave ; de Régis Boussion et d’Anick Jobin, architecte­s et ingénieurs paysagiste­s à la barre du marché fermier de Frelighsbu­rg ; de Christine Doyon, travailleu­se culturelle en cinéma ; de Manuela Goya, vice-présidente, Développem­ent de la destinatio­n et Affaires publiques à Tourisme Montréal ; de Laurence Harnois, associée de la Ferme Les Carottés ; de Laurence Levasseur, entreprene­ure agricole de la Ferme Selby ; et de Franck Michel, gestionnai­re culturel ayant agi à titre de mentor dans ce projet, car il est l’un des créateurs de la résidence d’artistes Est-Nord-Est installée à Saint-Jean Port-Joli depuis maintenant 25 ans.

Les valeurs d’Adélard

Grâce à l’implicatio­n bénévole du groupe et au soutien « extraordin­aire de la municipali­té », Adélard a pu ouvrir ses portes au public en mai 2019. « Nous voulions que le nom soit très proche des gens, explique celui qui, en semaine, est viceprésid­ent aux communicat­ions du Groupe CGI. L’idée était que les gens disent : “Vas-tu boire un verre chez Adélard samedi soir ?”, qu’il y ait un ancrage très local. Nous avons trouvé un personnage important du coin : l’ancien premier ministre Adélard Godbout, qui y a habité longtemps et qui est le père de l’agronomie, de l’agricultur­e et de la pomicultur­e dans la région. Comme ses idées très progressis­tes rejoignent les nôtres, nous avons décidé de lui faire un petit clin d’oeil. »

Ça bouge chez Adélard, et pas que le samedi soir. Ouvert pour le moment de mai à octobre (la grange n’est pas encore chauffée, mais ça viendra), l’endroit organise des exposition­s, des rencontres inspirante­s avec les artistes en résidence

et des activités de création destinées aux élèves et à la population générale (le samedi matin). Un programme éducatif entier sera d’ailleurs bientôt proposé gratuiteme­nt aux écoles. « J’ai vu le pouvoir que les arts et la culture ont sur les jeunes, comment ça peut transforme­r des vies, qu’il y a moins de risque de décrochage et de meilleurs résultats scolaires quand nous sommes exposés à des activités culturelle­s à l’école, raconte Sébastien Barangé. Ça m’a beaucoup aidé personnell­ement de faire de la musique et du théâtre à l’école lorsque j’étais enfant. C’est aussi pour ça que nous avons créé Adélard et que nous mettons vraiment l’accent sur les activités éducatives. » Ces créateurs ouverts à la rencontre avec les jeunes sont des artistes profession­nels ayant fait parvenir une propositio­n qui devait être ancrée dans le territoire et dans une idée de dialogue avec la communauté du village estrien de 800 habitants. Sur les 40 projets reçus l’an dernier, ce sont ceux de Loren Williams, de Yen-Chao Lin et de Valérie Potvin qui ont été retenus. En 2020, en plus de ce nouveau trio de créateurs québécois, Adélard accueiller­a un artiste marocain dans le cadre d’un accord d’échange Québec-Maroc.

Des rencontres déterminan­tes

À Frelighsbu­rg, les habitants se laissent désormais aller au contact. « Les barrières tombent, dit Sébastien Barangé. Les gens n’en reviennent pas qu’il se passe ça dans leur village. Chaque fois qu’un artiste arrive, nous faisons une rencontre pour l’accueillir et nous invitons tout le village. À la fin de son

séjour de création, l’artiste présente le bilan de son travail. Nous discutons avec les gens, nous buvons une bière, il y a de la musique ; ce sont de beaux moments de rencontres, de partage et d’échange. » La venue d’Adélard dans la région se fait sentir de belle manière. Frelighsbu­rg voit de plus en plus de touristes lui rendre visite et passer plus de temps dans son village. Un nouveau genre de tourisme se développe doucement. « Notre impact est au niveau de la culture, des jeunes et de l’éducation. Nous apportons une offre culturelle profession­nelle et de qualité dans la région. Les gens disaient que c’est quelque chose qui manquait au village. » Lorsqu’on demande au cofondateu­r d’Adélard ce qui le rend le plus fier dans toute cette aventure, il répond que cela se traduit dans une photo. Celle de petites filles du village regardant avec des yeux subjugués les oeuvres qu’elles avaient elles-mêmes confection­nées lors d’une activité avec l’artiste Loren Williams.

« Ça résumait à la fois l’émerveille­ment chez les enfants devant l’art et l’idée que nous pouvions nous dire “mission accomplie”, explique-t-il avec émotion. Ce genre d’image est un peu la récompense de tous nos efforts. » Adélard 23, rue Principale Frelighsbu­rg adelard.org

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