Politique
Après avoir promis, en route pour le pouvoir en 2015, de mettre fin au projet d’oléoduc Northern Gateway entre l’Alberta et la Colombie-Britannique, Justin Trudeau était mal placé pour reprocher à Joe Biden d’avoir courtcircuité le pipeline Keystone XL dès son arrivée à la Maison-Blanche.
La décision se voulait un geste de rupture par rapport aux années Trump. Son successeur n’est pas susceptible de faire marche arrière.
Le vrai test de la relation canadoaméricaine sous l’administration Biden se jouera sur d’autres tableaux, à commencer par celui de la relance économique.
En attendant, le gouvernement Trudeau gagne un allié de taille dans la lutte contre les changements climatiques. Au cours de la prochaine campagne fédérale, les libéraux auront beau jeu de souligner à leurs rivaux conservateurs que, désormais, le principal partenaire économique du Canada lui met de la pression pour qu’il en fasse plus sur ce plan.
Depuis une quinzaine d’années, les premiers ministres canadiens et les présidents américains sont souvent en porte-à-faux sur de grands dossiers comme le climat ou encore la suite à donner aux attentats du 11 septembre 2001.
Faute d’avoir été sur la même longueur d’onde au sujet de l’offensive américaine en Irak, Jean Chrétien et George W. Bush ne se parlaient à peu près plus au moment du départ à la retraite du premier ministre libéral.
Stephen Harper était tellement excédé par l’opposition de l’administration de Barack Obama au projet Keystone XL qu’il avait coupé les ponts entre son gouvernement et l’ambassadeur des États-Unis de l’époque, Bruce Heyman.
Comme la plupart des alliés du Canada, Justin Trudeau a passé les quatre dernières années à compter les jours avant la fin du mandat de Donald Trump.
Le nouvel alignement des étoiles entre Ottawa et Washington fait partie des constellations politiques à suivre en 2021. En voici quelques autres.
1. Au Canada, aucun chef de gouvernement n’a connu une aussi mauvaise année 2020 que Jason Kenney, en Alberta. Au fil de la pandémie, l’exhomme fort du Parti conservateur dans les provinces est devenu le plus mal-aimé des premiers ministres.
Du coup, le rapport de force qui en faisait un interlocuteur redoutable face à Justin Trudeau et un personnage incontournable de la droite canadienne s’en trouve grandement diminué.
Alors que les capitaux fuient les énergies fossiles et que le mouvement vers une économie plus verte est appelé à s’accélérer sous l’impulsion américaine, 2021 sera-t-elle l’année où Jason Kenney acceptera de prendre acte de l’irréversibilité de cette tendance ?
Chose certaine, il pourra difficilement passer le reste de son mandat à imputer tous les revers de sa province à l’hostilité du gouvernement fédéral actuel. Il en va de ce qui lui reste de crédibilité.
2. La pénible fin de règne de Donald Trump a marqué bien des esprits au Canada, et c’est une mauvaise nouvelle pour le Parti conservateur. En effet, les sondages ont révélé que la formation d’Erin O’Toole était le principal incubateur de sympathisants trumpistes au Canada. Près de la moitié des électeurs conservateurs auraient voulu voir Donald Trump demeurer au pouvoir à la Maison-Blanche.
Cette image, si elle lui colle à la peau, risque de coûter cher au Parti conservateur lors du prochain rendezvous électoral. Elle vient s’ajouter aux inquiétudes que suscite déjà chez bon nombre d’électeurs l’influence de la droite religieuse au sein du PCC.
Erin O’Toole dispose de quelques mois pour changer la donne. Il pourrait constater que c’est plus facile à dire qu’à faire.
Dans l’opposition, Stephen Harper avait réussi la même démarche, allant jusqu’à faire largement oublier qu’il était partant pour la guerre en Irak. Mais l’ancien chef du parti avait l’avantage de ne pas devoir son poste au lobby antiavortement et aux éléments les plus purs et durs du mouvement conservateur.
En campagne contre Peter MacKay, Erin O’Toole a fait du pied à ces deux factions.
3. Enfin, entre un livre blanc sur la Loi sur les langues officielles à Ottawa et la consolidation attendue de la loi 101 à Québec, il pourrait être davantage question de langue dans les deux capitales en 2021 qu’à tout autre moment depuis l’échec constitutionnel de Meech.
Si le passé mouvementé des débats linguistiques au Canada est garant de l’avenir, cela ne se fera pas sans turbulences.
Avec l’arrivée de Joe Biden, le gouvernement Trudeau gagne un allié de taille dans la lutte contre les changements climatiques.