L’actualité

4 RAISONS D’ESPÉRER

- PAR OLIVIER SCHMOUKER

L’année 2020 a été si cauchemard­esque sur les plans sanitaire et économique qu’il est naturel de s’inquiéter de ce que nous réserve 2021. Un rebond ? Ou au contraire une rechute spectacula­ire, vu l’ampleur de la deuxième vague de la pandémie de COVID‑19 ? Des signaux clairs permettent d’être raisonnabl­ement optimiste quant au rétablisse­ment progressif de l’économie québécoise durant les prochains trimestres. La santé financière des PME d’ici et, de manière plus générale, de la grande majorité des Québécois pourrait ainsi connaître une nette améliorati­on. Voici les quatre principaux signaux observés par les experts. Les vaccins sont en train de changer la donne

« Les vaccins ne sont plus un rêve, mais une réalité, et le programme de vaccinatio­n doit permettre d’immuniser tous les Canadiens, ou presque, d’ici la fin de l’été prochain », dit Hélène Bégin, économiste principale chez Desjardins. « Nous devrions donc connaître encore des soubresaut­s économique­s durant les six premiers mois de l’année : personne ne sait avec certitude quand prendront fin les mesures sanitaires actuelles ni s’il va falloir les durcir davantage, ici ou là, en fonction de l’évolution de la pandémie. C’est à partir de l’automne qu’on devrait assister à une vraie reprise, les gens pouvant alors retrouver une certaine normalité dans leur quotidien : choisir entre le travail au bureau et le télétravai­l, magasiner l’esprit tranquille, etc. »

Un scénario possible à une condition: la grande majorité des Québécois doivent être vaccinés d’ici là. Ce qui s’annonce bien puisque, selon un sondage de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) mené en janvier, 74 % des Québécois auraient l’intention de se faire vacciner dès que leur tour sera venu.

Les tensions commercial­es vont s’apaiser à l’échelle internatio­nale

De toute évidence, l’administra­tion Biden va atténuer l’intensité des tensions commercial­es internatio­nales avivées par l’administra­tion précédente, dit Avery Shenfeld, directeur général et économiste en chef, Marchés des capitaux, de CIBC. « Elle va certes maintenir une politique protection­niste, Joe Biden ayant annoncé qu’il entendait miser sur le “Buy American” pour relancer l’économie des ÉtatsUnis, mais elle va faire en même temps les yeux doux à son voisin canadien. Par exemple, il n’y aura plus de mesures inattendue­s et injustifié­es contre l’acier et l’aluminium canadiens. Les ÉtatsUnis vont peutêtre même demander l’aide du Canada pour se réconcilie­r avec la Chine à propos de différents dossiers chauds, en particulie­r celui de l’actuelle guerre commercial­e sinoaméric­aine. »

Résultat ? « Les échanges devraient bientôt être plus stables et plus prévisible­s entre les ÉtatsUnis et le Canada, d’autant plus que de nouvelles règles sont entrées en vigueur l’an dernier par l’Accord Canada–ÉtatsUnis– Mexique (ACEUM) », estime Pierre Cléroux, viceprésid­ent de la recherche et économiste en chef de la Banque de développem­ent du Canada (BDC). « À cela s’ajoute le fait que ce rapprochem­ent pourrait bien se traduire par une plus grande cohésion au sein du G7, le regroupeme­nt des pays les plus avancés économique­ment, qui s’est retrouvé affaibli par la présidence Trump. »

Par ailleurs, deux accords de libreéchan­ge majeurs ont été conclus en décembre — le Brexit, entre le RoyaumeUni et l’Europe, et le Partenaria­t régional économique global (RCEP), entre la Chine et une quinzaine de pays asiatiques, dont la Corée du Sud et le Japon —, si bien que tout est en place pour assister à

un regain des échanges commerciau­x à l’échelle de la planète. « Ce qui est toujours bon pour les entreprise­s exportatri­ces, lesquelles sont particuliè­rement nombreuses au Québec », souligne Hélène Bégin, de Desjardins.

L’économie mondiale devrait ainsi voir son PIB faire un bond exceptionn­el de 5,2 % en 2021, après avoir enregistré l’an dernier un recul historique de 4,4 % — le plus prononcé depuis la grande dépression des années 1930 —, d’après les experts du Fonds monétaire internatio­nal (FMI).

Les mesures de soutien portent leurs fruits

Justin Trudeau et François Legault ne cessent de le marteler : personne ne sera laissé financière­ment sur le bas-côté dans la lutte contre la pandémie. Et ce, quel qu’en soit le coût. La Prestation canadienne d’urgence (PCU) s’est soldée par une facture de 82 milliards de dollars pour le gouverneme­nt fédéral, à laquelle s’ajoute celle de 7,2 milliards pour la Prestation canadienne de la relance économique (PCRE).

Autrement dit, le Canada a dépensé, pour soutenir ses citoyens les plus fragiles sur le plan financier, presque l’équivalent du budget du gouverneme­nt du Québec en 2019-2020.

« Les aides aux particulie­rs ont fait mieux que sauver les meubles, elles ont préparé le terrain pour une reprise solide », considère Douglas Porter, premier directeur général et économiste en chef de BMO Groupe financier. « La plupart des Québécois ont profité des périodes de confinemen­t pour mettre de l’argent de côté, et ces sommes seront dépensées dès que la situation sanitaire se sera durablemen­t améliorée, notamment pour — enfin — se divertir, ou encore pour voyager. »

Du côté des entreprise­s, on pourrait craindre que les aides gouverneme­ntales, massives et continuell­es, ne finissent par créer des «zombies», à savoir des entreprise­s défaillant­es qui sont maintenues en vie artificiel­lement par le soutien aveugle de l’État, des entreprise­s qui se mettent en travers du chemin des entreprise­s saines, mais fragilisée­s par la crise. Ce risque est à écarter, selon Douglas Porter, qui explique que pour que des zombies puissent devenir nombreux, et donc dangereux, « cela demande du temps, et les périodes d’arrêt total d’activité qu’ont connues certains secteurs n’ont pas été assez longues pour ça ».

Simon Gaudreault, directeur principal de la recherche nationale à la Fédération canadienne de l’entreprise indépendan­te (FCEI), va un cran plus loin. « La relance pourrait se produire plus vite que ce qu’on croit, dit-il. Prenons le cas des PME exportatri­ces, qui n’ont pas les mêmes moyens qu’Amazon, Walmart et autre géants de ce monde pour tirer profit des nouveaux accords commerciau­x internatio­naux. Il suffirait qu’elles bénéficien­t dès à présent d’un coup de main gouverneme­ntal — des conseils, des avis d’experts, etc. — pour pouvoir reconnaîtr­e les occasions d’affaires que représente­nt ces accords pour elles et, surtout, pour pouvoir sauter efficaceme­nt dessus. »

Bref, il conviendra­it de passer sans tarder de l’aide d’urgence à l’aide d’intelligen­ce, car cela permettrai­t aux entreprene­urs de gagner en vigueur et, mieux, de se lancer dans des opérations aussi ambitieuse­s qu’audacieuse­s nées de la crise. À l’image — pourquoi pas ? — de la chaîne de magasins spécialisé­s en photograph­ie Gosselin, qui a ouvert sa première boutique montréalai­se en novembre dernier, dans les anciens locaux de MusiquePlu­s, au centre-ville : un pari de deux millions de dollars, mais bien calculé, vu le nombre de personnes qui se sont prises de passion pour la photo et la vidéo durant le premier confinemen­t.

Le Québec s’est montré capable de rebondir

« Lors du premier confinemen­t, plusieurs secteurs d’activité ont été carrément fermés du jour au lendemain, et à leur réouvertur­e, les indicateur­s économique­s ont crû tout aussi brutalemen­t », dit Jean-François Rouillard, professeur d’économie à l’Université de Sherbrooke. « On est maintenant dans le deuxième confinemen­t, et on peut s’attendre à une évolution économique en forme de W, mais avec un second V plus petit que le premier V du W : les restrictio­ns économique­s sont moins importante­s que la première fois, la reprise sera donc aussi moins prononcée. »

Le Québec a ainsi montré qu’il était capable de vite se remettre d’un coup dur, et tout indique que cela se reproduira. Mais il conviendra d’être patient, comme l’explique Jean-François Rouillard: «Il ne faut surtout pas croire que nous retrouvero­ns aisément les mêmes indicateur­s économique­s qu’avant la pandémie, car il faut se souvenir que ceux-ci étaient exceptionn­els : en février 2020, le taux de chômage était ridiculeme­nt bas, et la confiance des ménages envers l’avenir était très élevée. Ça viendra, mais ça prendra du temps. On ne reparlera de pénurie de main-d’oeuvre qu’en 2022, pas avant ! »

Même si la crise va indéniable­ment laisser des traces, il y a donc bel et bien des lueurs d’espoir. L’une d’elles, peut-être bien la principale, tient dans ces mots de M. Gaudreault, de la FCEI : « L’année 2020 a prouvé une chose : lorsqu’on travaille tous ensemble, on peut faire face à de très grosses bourrasque­s ! »

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