Économie
En 1989, plus de 84 % des chômeurs canadiens avaient accès aux prestations régulières de l’assurancechômage. Mais à partir de cette annéelà, le gouvernement fédéral a imposé au programme des coupes qui ont abouti à la Loi sur l’assuranceemploi de 1996. Le graphique montre qu’un an plus tard, en 1997, deux fois moins de chômeurs qu’en 1989 avaient accès aux prestations. Depuis lors, le rapport prestataireschômeurs a continué à glisser pour atteindre 37 % en 2019.
Il aura fallu la pandémie de 2020 pour que le gouvernement se rende compte que l’assuranceemploi était incapable de secourir adéquatement les chômeurs lorsqu’une crise économique sérieuse faisait exploser leur nombre et leurs besoins financiers. Le fédéral a dû introduire en vitesse des amendements temporaires à la Loi afin d’accorder de meilleures prestations à davantage de chômeurs.
Il faut donc se rendre à l’évidence : l’assuranceemploi a besoin d’être revue et corrigée. On doit redresser les conditions d’accès aux prestations et mieux répondre aux besoins financiers réels des chômeurs, tout en évitant de transformer le programme en bar ouvert. Le système a aussi grandement besoin d’être simplifié. Les conditions actuelles d’accès aux prestations régulières sont basées sur un damier complexe de 492 cases de nombre d’heures assurables et de taux de chômage applicables à 62 régions. On a l’impression que les auteurs de la loi de 1996 se sont dit: «Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? »
Le nombre d’heures assurables présentement requis pour avoir droit aux prestations est discriminatoire envers une femme sur quatre et un homme sur huit qui sont salariés à temps partiel. Une personne qui travaille 20 heures par semaine prend deux fois plus de temps à se qualifier pour obtenir des prestations que si elle en travaillait 40. L’iniquité est évidente. Il faut abolir ce système basé sur les heures et revenir au régime d’autrefois fondé sur un nombre minimal de semaines assurables. Nos grandsparents n’avaient pas tout faux.
Établir l’admissibilité aux prestations, leur durée et leur montant à partir des taux de chômage de 62 régions différentes est non seulement compliqué, mais discriminatoire. Il est inacceptable qu’un chômeur de Québec ait accès à trois fois moins de prestations par dollar de salaire gagné qu’un autre chômeur qui présente exactement les mêmes caractéristiques, mais
qui habite le Cap-Breton, parce que le taux de chômage dans cette dernière région y est deux fois plus élevé que dans la Vieille Capitale. À quelques exceptions près, une seule région d’assurance-emploi suffirait au pays, soit le Canada entier.
Au coeur du régime simplifié, le nombre minimal de semaines d’emploi assurables requis pour avoir droit aux prestations serait le même partout, par exemple 17 semaines. La durée maximale des prestations payables pourrait être fixée au double du nombre de semaines travaillées, sous réserve du plafond universel de 45 semaines de prestations, qui resterait inchangé en temps normal, mais serait bonifié en cas de récession. En même temps, plutôt que de s’en tenir à son taux actuel de 55 %, le Canada pourrait imiter les pays où le montant des prestations remplace 65 % des gains assurables.
Au Canada, où le salarié moyen gagne de 40 000 à 85 000 dollars par année, le maximum annuel des gains assurables par le programme est fixé à 56 000 dollars. Or, l’assurance-emploi n’est pas une aide sociale destinée aux moins nantis, mais un régime d’assurance. Il n’y a aucune raison valable pour qu’une fraction aussi importante du revenu du salarié moyen — la portion de 56 000 à 85 000 dollars — ne soit pas couverte par le régime. On pourrait même augmenter la couverture jusqu’à un salaire annuel de 100 000 dollars, soit le niveau présentement assurable contre les accidents du travail en Ontario, en Alberta et en Colombie-Britannique. La cotisation sur le supplément de salaire assuré paierait pour cette extension.
Devrait-on assurer le revenu des travailleurs autonomes? Oui, mais c’est un gros défi. L’assurance-emploi est à cotisation obligatoire et elle doit protéger les travailleurs contre les pertes d’emploi involontaires. Toutefois, si on laissait les travailleurs autonomes libres de participer au programme, on courrait le risque que ce soit surtout les plus susceptibles de chômer qui s’y inscrivent. De plus, il pourrait s’avérer difficile de juger si un arrêt de travail déclaré par un travailleur autonome est de nature volontaire ou involontaire. Assurer les travailleurs autonomes est souhaitable, mais il faudra s’engager sur cette voie avec prudence.