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SOYEZ VOTRE PROPRE HÉROS

Le marché immobilier, c’est le marché « dont vous êtes le héros », celui où un petit nombre de vendeurs et d’acheteurs ont le pouvoir de changer la donne. Les conseils suivants vous aideront en cas de surchauffe.

- (J.-B.N.)

Un marché actif dans une localité, une ville ou un arrondisse­ment signifie qu’il se vend une, deux, cinq maisons par jour. Or, suffit qu’il vienne un, deux ou trois acheteurs ou vendeurs de plus ou de moins pour que l’offre et la demande s’en trouvent modifiées de manière radicale — et les prix offerts pour ces propriétés aussi.

Autrement dit, le marché n’est pas une fatalité : vous êtes le marché, et votre comporteme­nt peut avoir une incidence très importante sur les conditions de celui-ci. Voici donc cinq conseils fondés sur les propos de courtiers et d’acheteurs expériment­és pour influencer le cours des choses — à tout le moins vous en sortir convenable­ment.

1 — Attendez

« Même un loyer 20 % trop cher vous coûtera moins qu’une surenchère dans le marché actuel», assure Jacqueline Wallet, courtière à Montréal depuis 32 ans.

Dans un marché de vendeurs, où l’offre n’est pas suffisante pour répondre à la demande, le risque d’emballemen­t est réel. Si trop de gens se portent acquéreurs coûte que coûte, cela peut mener à une explosion des prix, ajoute Joanie Fontaine, économiste principale de l’agence JLR. Et lorsque la surchauffe se refroidit, des propriétai­res se retrouvent souvent avec une maison qui ne vaut pas ce qu’ils ont payé.

Ce qui nourrit les comporteme­nts spéculatif­s, c’est « surtout l’idée qu’il faut absolument acheter maintenant parce que les prix ne retomberon­t pas », dit Charles Brant, économiste et directeur du service de l’analyse du marché à l’Associatio­n profession­nelle des courtiers immobilier­s du Québec (APCIQ). Or, le marché immobilier est foncièreme­nt cyclique. Devant l’intensité de la demande, les entreprene­urs ont déjà réagi et se préparent à mettre en vente beaucoup de logements. De plus, les conditions qu’a entraînées la pandémie et qui ont eu une incidence sur la demande — dépenses réduites, télétravai­l — disparaîtr­ont. Les prix ne redescendr­ont pas forcément beaucoup et longtemps, mais une pause est certaineme­nt envisageab­le à moyen terme.

Si vous ne pouvez pas attendre, lisez ce qui suit.

2 — Gardez la tête froide et comparez ce qui est comparable

Acheter une maison est avant tout une transactio­n financière, qui devrait tenir compte de deux choses : votre capacité de payer et la valeur réelle de la propriété.

Typiquemen­t, les conseiller­s financiers estiment qu’un ménage doit consacrer 30 % de son revenu net à son logement. La hausse marquée des prix depuis juillet 2020 force tout le monde à y investir une part supérieure de son budget. « Je dirais plus 40 %. Mais pas 50 % ou 60 % comme à Toronto, ce n’est pas raisonnabl­e », dit l’économiste Charles Brant.

À la Société canadienne d’hypothèque­s et de logement (SCHL), qui assure les prêts hypothécai­res les plus à risque (mise de fonds entre 5 % et 20 % de la valeur de la propriété), le seuil acceptable est d’environ 32 % du revenu brut du ménage.

Il vous faut aussi analyser la valeur de ce que vous voulez acheter. « Est-ce logique de payer 365 000 dollars pour une maison qui s’est vendue 245 000 il y a cinq ans, sans qu’il y ait eu de travaux ? » fait remarquer Gabriel Bureau, consultant en financemen­t de jeunes entreprise­s, qui a décidé d’être un cordonnier bien chaussé. « Pour une maison, je fais comme pour n’importe quelle autre transactio­n : j’examine l’historique de prix de la demeure, l’historique de la ville ou de la région. » Un bon courtier est en mesure de vous fournir ces données.

Un adage en immobilier veut que les trois éléments les plus importants pour déterminer la valeur d’une propriété soient « l’emplacemen­t, l’emplacemen­t et l’emplacemen­t ». Charles Brant s’inquiète de voir beaucoup d’urbains acheter des maisons trop loin des grands centres. « Ils risquent d’avoir une mauvaise surprise quand les choses reviendron­t à la normale. Ça va peut-être s’arrêter plus vite et plus brutalemen­t qu’on pense. »

3 — Ne vous laissez pas impression­ner

Le choix du prix affiché s’inscrit dans deux stratégies : celle du prix réaliste et celle du prix d’aubaine. Certains vendeurs vont afficher un prix qui correspond à ce qu’ils espèrent obtenir. Ils auront moins de visites et les offres seront plus sérieuses. Mais certains vont choisir un prix

Si vous redoutez la surenchère, tenez-vous loin des maisons dont le prix semble miraculeus­ement bas et pour lesquelles les acheteurs potentiels font la file. Au pire, soyez conscient du dispositif en place.

très bas, qui va créer un sentiment d’urgence artificiel, surtout si le vendeur insiste pour avoir le dépôt d’offres à une heure précise. « Quand il y a deux ou trois offres, les écarts de prix sont raisonnabl­es, constate Nathalie Lapointe, courtière à Sherbrooke (RE/MAX D’Abord). C’est quand il y en a plus que les gens vont surenchéri­r de manière déraisonna­ble. »

Si vous redoutez la surenchère, tenez-vous loin des maisons dont le prix semble miraculeus­ement bas et pour lesquelles les acheteurs potentiels font la file. Au pire, soyez conscient du dispositif en place.

4 — Soulagez le vendeur

Il n’est pas rare que des vendeurs acceptent une offre moins élevée que d’autres parce qu’elle répond à un critère psychologi­que non écrit. Une contrainte qui complique la situation du vendeur, par exemple, peut aider à régler la transactio­n sans que ça vous coûte un sou de plus. Soyez attentif.

C’est l’expérience de Catherine LévesqueRo­ussel, qui a dû se mettre en quête d’une maison avec son conjoint après qu’ils eurent vendu leur condo au centre-ville de Montréal. En discutant avec leur courtier, ils ont appris que les vendeurs de la propriété convoitée étaient un peu nerveux à l’idée de se reloger. « On leur a offert de rester dans leur maison deux mois après la signature chez le notaire sans leur demander de loyer. » Vendu.

5 — Ne renoncez pas à l’inspection

La règle veut qu’une offre d’achat soit « conditionn­elle à l’inspection ». Actuelleme­nt, des acheteurs renoncent à cette clause pour rendre leur dossier plus séduisant. Après tout, disent-ils, les contrats comprennen­t une garantie légale, qui protège les acheteurs des vices cachés. Très mauvaise idée, selon la courtière Jacqueline Wallet. « Ce n’est pas suffisant. Si vous renoncez au droit d’inspection, en cas de procès pour vice caché, vous serez mal placé. » Dans de telles causes, l’acheteur doit démontrer qu’il a pris ses responsabi­lités. Difficile de contredire le vendeur sans rapport d’inspection.

Ces derniers mois, de nombreuses offres sont apparues, tant sur Centris que sur DuProprio ou Proprio Direct, avec la mention « vente sans garantie légale ». En achetant une propriété sans cette garantie, vous n’aurez aucun recours contre le vendeur en cas de vice caché. Le ministre des Finances du Québec a d’ailleurs demandé à l’Autorité des marchés financiers d’interdire cette pratique et de rendre la garantie légale obligatoir­e d’ici quelques mois.

En tout temps, si vous sentez que le vendeur est déraisonna­ble, revenez au conseil no 1.

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