5 EFFETS DE LA PANDÉMIE SELON FAREED ZAKARIA
1. LE VACCIN ET LA MONDIALISATION
La course à laquelle se sont livrés pendant neuf mois Pfizer, Moderna et d’autres entreprises pharmaceutiques pour produire des vaccins efficaces à 95 % est un étonnant hommage à la science d’aujourd’hui. Mais elle doit aussi beaucoup à la mondialisation. La science est désormais un effort universel, l’information et les meilleures pratiques se déplaçant à travers le monde avec une facilité immédiate. La capacité d’innover, de tester, d’élaborer et de produire des milliards de vaccins n’existe que grâce aux chaînes d’approvisionnement planétaires et à la collaboration internationale. Nous oublions souvent les bienfaits de la mondialisation pour n’en voir que les méfaits. Le vaccin est l’un des grands avantages qu’offre notre époque globalisée.
2. LA RÉSILIENCE DE NOTRE MONDE
Vu l’instabilité de notre système international, on pourrait croire que notre monde est extrêmement fragile. Ce n’est pas vrai. Une autre façon de lire l’histoire de l’humanité consiste à reconnaître à quel point nous sommes résistants. Nous avons traversé des changements extraordinaires à un rythme hallucinant. Nous avons subi des périodes glaciaires et des pestes, des guerres mondiales et des révolutions, et pourtant nous avons survécu et prospéré. […] Les humains et nos sociétés sont étonnamment inventifs et pleins de ressources. La planète manifeste une résilience impressionnante.
3. L’EMPATHIE ET L’EXPERTISE
Le monde est devenu très compliqué. Il nous faudra donc plus d’experts pour gérer les affaires des nations — des grandes entreprises aux petits comtés. Cela fait inévitablement d’eux une sorte d’élite, un groupe dont le savoir est source d’autorité et de pouvoir. L’alternative est impensable à l’époque moderne : le gouvernement fondé sur les réactions viscérales et le culte de l’ignorance. Récemment, cela a été plus ou moins tenté en Amérique, au Brésil et ailleurs, et les résultats sont lamentables. De leur côté, les experts et les élites devraient davantage se demander comment créer un lien avec la population et faire de ses besoins une priorité. Le plus grand échec moral de la méritocratie est l’idée que la réussite, le haut perchoir que vous occupez dans la société, vous rend fondamentalement supérieur. Après tout, dans les démocraties, du moins, les souhaits du peuple sont la source suprême d’autorité. Il faut donc le dire clairement : pour négocier cette pandémie et les crises à venir, les gens devront écouter les experts. Mais les experts devront aussi écouter les gens.
4. LA CONCURRENCE CHINE–ÉTATS-UNIS
Initialement, la Chine et l’Amérique ne ressemblaient pas à des rivales. En 2006, l’interdépendance économique entre les deux pays était si forte que deux chercheurs, Niall Ferguson et Moritz Schularick, ont inventé le mot « Chimerica », affirmant que « la Chine et l’Amérique [avaient] en fait fusionné pour devenir une seule économie ». Mais la situation a commencé à changer avec la crise financière mondiale, avec l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping en Chine et celle de Donald Trump en Amérique. En 2020, beaucoup de tensions existaient entre les deux nations, pour des raisons de commerce, de technologie et de géopolitique. La pandémie leur a permis d’éclater au grand jour, et Washington a renforcé son discours et son action contre Pékin. Rétrospectivement, les générations futures diront-elles que la plus grave conséquence de la COVID-19 fut le début de la seconde guerre froide ?
5. LE DROIT DE CHOISIR
Ce livre décrit le monde qui va advenir à la suite de la pandémie de COVID-19. Mais il décrit en réalité des forces qui sont en train de prendre de l’ampleur. Pour compléter ce récit, il faut y ajouter l’action des humains. Les gens peuvent choisir dans quelle direction ils veulent se pousser eux-mêmes, et pousser leur société et le monde. En fait, nous avons maintenant plus de marge de manoeuvre. À la plupart des époques, l’Histoire a suivi un chemin tout tracé, dont il était difficile de dévier. Mais le coronavirus a tout inversé. Les gens sont désorientés. Les choses ne cessent de changer et, dans cette atmosphère, tout nouveau changement devient plus facile que jamais.
(Ces passages sont tirés du livre Retour vers le futur.)