L’actualité

RECONNAISS­ANCE DE FAÇADE

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À ce jour, le Québec est le seul endroit au pays à reconnaîtr­e officielle­ment l’importance des arts et des traditions immatériel­s, l’Assemblée nationale ayant adopté, il y a 10 ans, la Loi sur le patrimoine culturel. Cette dernière s’inspire de la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO de 2003, signée par la vaste majorité des États membres — mais pas par le Canada, pour des raisons nébuleuses. D’autres pays anglo-saxons, tels que les ÉtatsUnis, l’Australie et le RoyaumeUni, ne l’ont pas ratifiée non plus. En gros, ce traité vise à contrer les effets pervers de la mondialisa­tion, qui fait qu’aujourd’hui, « sur toutes les radios, on danse le même disco », comme le constatait déjà le parolier Luc Plamondon à la fin des années 1970, dans l’opéra rock Starmania. La Convention plaide pour que les traditions propres à chaque peuple soient cultivées et montrées aux plus jeunes, parce qu’elles procurent notamment « un sentiment d’identité et de continuité », et qu’elles sont un « facteur de rapprochem­ent, d’échange et de compréhens­ion entre les êtres humains ». Le mandolinis­te et violoniste de Québec Antoine Gauthier, 44 ans, est de ceux ayant milité pour que le gouverneme­nt québécois dote enfin le patrimoine vivant d’un cadre législatif, espérant que cela mènerait à davantage de ressources et de stratégies pour en assurer la vitalité. « C’est bien beau, la reconnaiss­ance historique, mais on ne veut pas que les traditions soient commémorée­s comme des vestiges d’un monde révolu. On veut qu’elles vivent dans la collectivi­té », explique le musicien traditionn­el, qui est aussi directeur général du Conseil québécois du patrimoine vivant (CQPV), un OSBL regroupant depuis 1993 des artistes, des artisans, des chercheurs et une centaine d’organismes des arts folkloriqu­es. Or, les acteurs du milieu interrogés estiment que les gestes ne se joignent pas souvent aux paroles du côté de l’État — entre autres au ministère de la Culture et des Communicat­ions (MCC), responsabl­e d’administre­r la Loi sur le patrimoine culturel. « Ça a bougé un peu avant la pandémie », nuance Antoine Gauthier, heureux qu’après moult pressions, la veillée de danse traditionn­elle, désignée légalement au Registre du patrimoine culturel en 2015, ait enfin droit à du financemen­t public. Ainsi, le Réseau des veillées de danse au Québec, géré par le Conseil québécois du patrimoine vivant, a reçu l’an dernier 300 000 dollars pour organiser des soirées de set carré, de quadrille et de gigue dignes de nos aïeux. De plus, pour la première fois, le MCC versera cette année des sommes à l’École des arts de la veillée, à Montréal, où l’on enseigne le chant, la danse et la musique trads, et à quelques camps d’été de musique traditionn­elle québécoise, dont Souches à oreilles, à Kamouraska. Le MCC a également annoncé à la fin avril 2021 qu’il financerai­t, à hauteur de 700 000 dollars, 21 projets relevant du patrimoine immatériel, entre autres dans les arts du fléché (une technique de tissage qui remonte aux coureurs des bois), de la gigue et de la meunerie. Mais il reste qu’en 2019-2020, sur les 750 millions de dollars dépensés par le Ministère pour soutenir la culture, les communicat­ions et le patrimoine, les traditions vivantes n’ont récolté que 1,8 million de dollars, soit 0,24 % de la cagnotte. « Et encore, la plupart de ces sommes sont réparties sur trois ans, ce qui fait qu’en réalité, notre secteur n’a bénéficié que de 0,09 % des dépenses en 2019 », explique Antoine Gauthier.

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