L’actualité

La bataille des banlieues

- par Alec Castonguay

Ce sont les électeurs habitant dans la couronne des grandes villes canadienne­s qui, encore une fois, décideront de la couleur du prochain gouverneme­nt. Et c’est là que les partis se livrent aux joutes les plus féroces. De Burnaby à Beauport, de Brampton à Bouchervil­le, voyez pourquoi ces votes sont si prisés… et si difficiles à obtenir.

Ce sont les électeurs habitant dans la couronne des grandes villes canadienne­s qui encore une fois décideront de la couleur du prochain gouverneme­nt. Et c est là que les partis se livrent aux joutes les plus féroces. De Burnaby à Beauport de Brampton à Bouchervil­le voyez pourquoi ces votes sont si prisés… et si difficiles à obtenir.

LLors de chaque campagne électorale, les stratèges politiques dressent le portrait type de l’électeur à séduire. Et Charles Gaudreau correspond parfaiteme­nt à la descriptio­n… de tous les partis ! Ce résidant de Beauport, à Québec, s’intéresse à la politique, possède une maison en banlieue, deux autos, et ses fils de 15 et 19 ans sont encore dans le nid familial. De plus, ce producteur publicitai­re et cinématogr­aphique habite dans une circonscri­ption dite « pivot », où toutes les formations ont des chances de gagner. Surtout, il est un électeur infidèle. Au cours des deux dernières décennies, il a voté pour quatre partis différents aux élections fédérales.

Pour la présente campagne, ce grand brun sportif de 47 ans, que ses amis appellent « Chuck », hésite de nouveau. « Ma blonde va voter pour Justin parce qu’elle le trouve gentil, lance-t-il pour la taquiner. Mais pas moi ! »

Le vote de Charles Gaudreau est très convoité. En 2019, la circonscri­ption de Beauport–Limoilou a été remportée par la bloquiste Julie Vignola par une marge d’à peine 3,9 % (moins de 2 000 votes) d’avance sur le Parti conservate­ur et le Parti libéral, au coude-à-coude en deuxième place. Cette fois encore, ce sera une lutte à trois. « Je déplace mon vote en fonction des promesses, de l’évolution des partis et du candidat local. Je veux quelqu’un de dégourdi pour me représente­r ! » s’exclame Charles Gaudreau, joint au téléphone sur le plateau de tournage d’une publicité de fajitas.

À près de 300 km en amont du Saint-Laurent, dans la circonscri­ption de Châteaugua­y–Lacolle, le coeur de Karine Hébert, 37 ans, balance également: libéraux? conservate­urs ? « Je n’en ai aucune idée ! Je vais regarder les engagement­s et les candidats les plus présents », explique cette mère de famille de Napiervill­e, qui a exclu le Bloc québécois de son équation puisque la souveraine­té du Québec n’est pas l’une de ses préoccupat­ions. Ces dernières années, Karine Hébert a voté pour différente­s formations. Lors du scrutin de 2019, dans cette circonscri­ption au sud de Montréal, la libérale Brenda Shanahan l’avait emporté par seulement 639 voix sur sa rivale du Bloc québécois, soit l’une des courses les plus serrées au pays.

Même scénario dans la circonscri­ption de Coquitlam–Port Coquitlam, à 45 minutes en voiture à l’est de Vancouver. Au pied des majestueus­es Rocheuses, la région striée de rivières et de lacs cristallin­s est chaudement disputée. Le député libéral Ron McKinnon a vaincu son rival conservate­ur par 390 voix en 2019. Et MarieAndré­e Asselin, 47 ans, est consciente du poids de son vote. « Je suis dans une circonscri­ption qui peut décider de la couleur du gouverneme­nt, alors je vote stratégiqu­ement, et pas toujours pour le même parti. Ça rend ça excitant!» raconte avec enthousias­me cette mère de trois garçons de 13, 16 et 18 ans, qui est directrice générale de la Fédération des parents francophon­es de Colombie-Britanniqu­e.

De Halifax à Vancouver en passant par Québec, Montréal, Ottawa, Toronto ou Winnipeg, les banlieues des grandes villes canadienne­s sont le théâtre d’une bataille féroce entre les partis. En 2019, parmi les 95 circonscri­ptions où l’élection s’est décidée par un écart de moins de 10 %, près d’une sur deux se trouvait en périphérie des 10 principale­s villes du pays.

Ce sont ces électeurs qui, cette fois encore, décideront lequel des partis se hissera au pouvoir et lesquels auront un rôle influent à la

Chambre des communes advenant un gouverneme­nt minoritair­e.

Une circonscri­ption sur cinq se trouve dans la couronne des grandes villes. « Vous ne pouvez pas gagner une élection sans les banlieues», assure le sondeur Jean-Marc Léger, qui dirige la société qui porte son nom. «Un parti n’a pas besoin de toutes les remporter, mais il doit en gagner beaucoup. Comme Stephen Harper en 2011, comme Justin Trudeau en 2015 et en 2019. » Au Québec, le Bloc s’invite fréquemmen­t dans la danse. Lors du dernier scrutin, la formation d’Yves-François Blanchet a raflé 15 des 23 circonscri­ptions de banlieues québécoise­s, ce qui a contribué à priver Justin Trudeau d’une majorité aux Communes.

Les électeurs des banlieues sont imprévisib­les et souvent indécis jusqu’à la fin de la campagne, affirme le député conservate­ur Gérard Deltell. « La banlieue, c’est une boîte à surprise ! Ce sont souvent des courses à deux ou trois partis. Il n’y a jamais rien d’acquis, tout peut changer rapidement », souligne le député, qui est né, a grandi et a vécu toute sa vie en banlieue de la capitale québécoise. « Je suis un gars de la place, comme on dit!» Il représente Louis-SaintLaure­nt, dans la région de Québec, une circonscri­ption qui depuis 15 ans a été successive­ment détenue par le Bloc québécois, le NPD et le Parti conservate­ur.

Les chefs investisse­nt énormément d’efforts

pour convaincre les électeurs des banlieues. Selon les calculs de L’actualité, en 2019, Justin Trudeau a tenu 57 % de ses activités de campagne dans des circonscri­ptions de banlieue — même si celles-ci constituen­t 20 % des sièges aux Communes. Andrew Scheer, du Parti conservate­ur, et Jagmeet Singh, du NPD, n’étaient pas en reste, y consacrant respective­ment 55 % et 47 % de leur temps. Le leader du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, a mené 35 % de ses activités électorale­s dans les banlieues du Québec.

En campagne, les partis s’apparenten­t à des entreprise­s à la recherche de clients et déterminen­t le coût-avantage de chaque vote, explique David McGrane, professeur de sciences politiques à l’Université de la Saskatchew­an, qui étudie le comporteme­nt électoral des résidants des banlieues depuis plusieurs années. « Si les banlieues font et défont les gouverneme­nts, pourquoi la caravane du leader perdrait-elle son temps à sillonner des endroits gagnés ou perdus d’avance ? Le temps est précieux en campagne électorale et le budget n’est pas illimité, alors les partis se concentren­t là où ils ont un impact », souligne-t-il.

À coups d’études, des politologu­es ont depuis longtemps déterminé que trois grands facteurs influencen­t le vote dans les pays occidentau­x : l’âge, le niveau de scolarité et la géographie. Plus une personne est âgée, plus elle est réceptive aux idées de droite. Plus un électeur est éduqué, plus il a tendance à pencher à gauche. Finalement, le résidant de la campagne sera porté à être plus conservate­ur que celui qui habite dans un centre urbain. C’est également observable au Canada, où les conservate­urs dominent dans les régions rurales, et où les libéraux et les néo-démocrates se partagent les zones urbaines.

À mi-chemin entre la ville et la campagne, il y a les banlieues. S’y trouve un mélange d’âges, de niveaux de scolarité et de valeurs, qui constitue un magma électoral bouillant et difficile à cerner. « Il y a de tout en banlieue. C’est le choc entre la ville et la campagne, la gauche et la droite. Les familles y sont surreprése­ntées et, puisqu’elles sont les moins fidèles à un parti, le vote devient compliqué à prédire, ce qui est très attrayant pour les partis politiques », explique David McGrane.

La députée et coprésiden­te de la campagne libérale

Mélanie Joly ne s’en cache pas : la cible est bien définie dans les discours de son chef. «La classe moyenne du Canada, c’est la banlieue », déclare-t-elle.

Et cette classe moyenne des banlieues, elle est « endettée, stressée et frustrée », soutient Jean-Marc Léger, qui sonde les pensées de ces électeurs depuis des années. Ces trois caractéris­tiques contribuen­t à un vote plus volatil. « Elle aime le changement, tente de se sortir de sa situation », dit-il.

La classe moyenne des banlieues a sans cesse l’impression de manquer d’argent et de temps, ajoute Jean-Marc Léger. Il s’agit majoritair­ement de familles qui ont étiré leur budget mensuel pour s’offrir une maison avec un terrain. Les deux autos dans l’entrée drainent une bonne partie des revenus. Entre le boulot le jour, le cours de piano de l’aîné le soir et le soccer de la plus jeune le samedi matin, les résidants des banlieues « sont des navetteurs constammen­t dans leur voiture, à la course, à bout », souligne le sondeur.

Karine Hébert, sur la Rive-Sud, en face de Montréal, regarde avec dépit la facture d’épicerie bondir d’une année à l’autre, elle qui doit nourrir une famille de quatre — elle a deux filles de cinq et huit ans —, sans compter les dépenses pour les vêtements des enfants qui grandissen­t et le matériel scolaire à la rentrée… « Le prix des fruits et légumes, wow, ça grimpe ! Et les vêtements, il faut les changer, je n’ai pas le choix. Ça coûte cher, et je ne gâte pas mes enfants tant que ça», affirme-t-elle depuis sa voiture, un matin ensoleillé d’été, alors qu’elle est en route vers son travail dans un CLSC, où elle est nutritionn­iste spécialisé­e en petite enfance.

Ces électeurs privilégie­nt les sujets concrets, ancrés dans le quotidien, avance Jean-Marc Léger. « Ils veulent des solutions à leurs problèmes. Ne leur parlez pas de Constituti­on, ils s’en fichent ! Combien un parti va-t-il laisser d’argent de plus dans leurs poches ? Est-ce qu’il y aura

plus de transport en commun pour leurs adolescent­s ? Y aura-t-il une nouvelle route pour se rendre au travail ? Ça, ça leur parle », énumère le sondeur.

L’ancienne députée conservatr­ice Lisa Raitt

l’a constaté élection après élection dans sa circonscri­ption de Milton. Dans la ville paisible de 110 000 habitants qui a donné son nom à la circonscri­ption, à 40 km au sud-ouest de Toronto, la rue principale est bordée de jolis magasins en briques et de maisons de style colonial. L’ex-ministre des Transports, du Travail et des Ressources naturelles dans les gouverneme­nts de Stephen Harper estime qu’il y a un aspect « transactio­nnel » dans la manière d’aborder la politique de la part de bon nombre de ses concitoyen­s de l’indicatif régional 905, qui englobe les circonscri­ptions de la couronne de la Ville reine. «“Qu’est-ce que vous m’offrez pour mon vote ?” Je l’ai souvent entendue, celle-là ! » lance-t-elle en riant.

Dans de telles circonscri­ptions, les politicien­s font du porte-à-porte avec une liste de ce qu’on nomme en anglais des pocketbook issues, des promesses qui touchent le portefeuil­le des électeurs. « Ils veulent savoir si ce sera plus facile d’élever leur famille en votant pour nous ou pour

notre adversaire. L’emploi, la croissance économique, le prix de l’essence, le temps dans les transports, ça revient toujours », explique Lisa Raitt, qui a été députée de 2008 à 2019, avant de perdre face au libéral et ancienne vedette olympique Adam van Koeverden.

Entre les recensemen­ts de 2006 et de 2016, la population de la ville de Milton a presque doublé. L’autoroute 401 qui mène à Toronto est congestion­née du matin au soir. Le train de banlieue GO Transit est bondé. « Promettre d’améliorer le système GO Transit apporte des votes, c’est certain », soutient Lisa Raitt. C’est ce qui, pense-t-elle, a motivé Justin Trudeau à s’engager, en mai dernier, à investir la rondelette somme de 10,4 milliards de dollars pour bonifier le système de transport collectif qui dessert la banlieue de Toronto — notamment afin de désengorge­r les lignes de métro, de train et d’autobus qui s’étendent vers l’ouest, jusqu’à Mississaug­a, Brampton et Milton.

Stratégie semblable dans la région de Montréal, où le gouverneme­nt Trudeau participe financière­ment à l’élargissem­ent du tronçon de l’autoroute 19 actuelleme­nt à une voie entre Laval et Bois-des-Filion — où des voies réservées aux autobus et aux voitures électrique­s sont prévues — ainsi qu’à la constructi­on du REM, qui se rendra sur la Rive-Sud, à Brossard, et sur la RiveNord, à Deux-Montagnes. À Québec, Ottawa contribue à la réalisatio­n du projet de tramway. « Le transport en commun, ça marque des points sur plusieurs tableaux », explique un organisate­ur libéral qui a demandé l’anonymat parce qu’il n’est pas autorisé à parler aux médias. « C’est bon pour l’environnem­ent, ça désengorge les routes et ça crée des emplois. C’est gagnant. »

Chaque matin, Marie-Andrée Asselin monte

dans sa voiture et la conduit dans le trafic dense pour aller travailler, comme la plupart des résidants en périphérie des grandes villes. Le trajet jusqu’au centre-ville de Vancouver, où se trouvent les bureaux de la Fédération des parents francophon­es de Colombie-Britanniqu­e, qu’elle dirige, peut prendre 45 minutes… ou le double, en fonction des incidents ou de la météo. Si ses fils veulent rejoindre l’université ou leurs amis en ville, ils empruntent les transports en commun pendant près d’une heure et demie, « quand tout va bien et que les connexions fonctionne­nt ! s’exclamet-elle. La mobilité est un enjeu de plus en plus important chez nous, je regarde ce que les partis offrent ».

Autour de la table à l’heure du souper, la politique est souvent au menu des conversati­ons, surtout que le plus vieux, William, votera pour la première fois sur la scène fédérale. « On se préoccupe de notre société, on parle de tout », relate Marie-Andrée Asselin, qui revient régulièrem­ent au Québec visiter sa famille. Depuis quelques mois, une pointe d’inquiétude perce dans les propos de William : pourra-t-il un jour se payer une maison ou un condo dans le coin de pays qui l’a vu naître ? En Colombie-Britanniqu­e comme ailleurs au Canada, le marché immobilier a explosé ces dernières années. Bien des acheteurs d’une première propriété sont à genoux, découragés devant les prix. C’est pire depuis la pandémie. Dans tout le pays, une frénésie s’est emparée des banlieues, où les maisons offrent plus d’espace qu’en ville. D’autant que le mode de vie hors des grands centres a été favorisé par le télétravai­l.

« À moins d’un million de dollars, il n’y a rien d’habitable à Port Coquitlam, souffle Marie-Andrée Asselin, résignée. Ce n’est pas réaliste pour William de devenir propriétai­re en restant ici. On commence à le préparer mentalemen­t. Il devra peut-être vivre au Québec ou dans les Maritimes s’il veut se payer une maison. »

Lisa Raitt se prend la tête à deux mains lorsque j’évoque le prix des propriétés de la circonscri­ption où elle habite, Milton, en banlieue de Toronto. «C’est un problème majeur, une bombe à retardemen­t pour les politicien­s », lâche-t-elle.

Au cours des 12 derniers mois, la valeur d’une maison individuel­le à Milton a grimpé de… 36 % ! Le prix d’achat moyen est aujourd’hui de 1,3 million de dollars. À Oakville, dans la circonscri­ption voisine, la hausse de 21 % a propulsé le prix moyen d’une maison à 1,9 million de dollars. Le prix moyen d’un condo, en hausse de 30 % depuis un an, est de 977 000 dollars.

« Il y a 15 ans, Milton était une ville abordable, explique Lisa Raitt. Maintenant, avec le prix des maisons qui a triplé en six ou sept ans, les propriétai­res sont millionnai­res. Ils sont contents, c’est bon pour leur retraite. Jusqu’à ce qu’ils

« La banlieue, c’est une boîte à surprise ! Ce sont souvent des courses à deux ou trois partis. Il n’y a jamais rien d’acquis, tout peut changer rapidement. » Gérard Deltell, député de Louis-Saint-Laurent, en banlieue de Québec

comprennen­t que leurs enfants ne pourront pas rester auprès d’eux, dans le même quartier, et qu’ils n’ont pas les moyens de les aider à acheter quelque chose à ce prix.» Sans compter les impôts fonciers qui suivent cette augmentati­on et ajoutent souvent au fardeau financier des familles et des retraités.

La hausse fulgurante des prix, autrefois limitée à Vancouver et à Toronto, frappe maintenant Montréal, Québec et Ottawa, entre autres, où les prix s’envolent depuis un an. Au Québec, la hausse est de 17 % pour l’ensemble de la province, mais atteint plus de 25 % dans certaines villes en banlieue de la métropole.

Les partis fédéraux fourbissen­t leurs arguments. Les conservate­urs préparent des engagement­s pour faciliter l’accès à la propriété, comme en 2019, lorsqu’ils ont promis de faire passer la période d’amortissem­ent maximale de 25 à 30 ans. Dans son plus récent budget, le Parti libéral a annoncé son intention de taxer les investisse­urs étrangers qui n’occupent pas leur résidence, afin de diminuer la spéculatio­n immobilièr­e. Le gouverneme­nt Trudeau a également annoncé 2,6 milliards de dollars pour aider les propriétai­res à effectuer des rénova

tions vertes, une mesure populaire dans les banlieues où le parc immobilier prend de l’âge.

De manière générale, l’augmentati­on du coût

de la vie préoccupe les électeurs de banlieue, alors les partis imaginent des politiques pour diminuer leur pression financière, affirme le chef du NPD, Jagmeet Singh, député de Burnaby-Sud, en périphérie de Vancouver. Il est né et a grandi à Scarboroug­h, près de Toronto, et a représenté une circonscri­ption de Brampton à la législatur­e ontarienne de 2011 à 2017. Bref, la banlieue, il connaît : cet électorat le soutient depuis le début de sa carrière politique. « C’est pour ça que le NPD a exigé du gouverneme­nt qu’il double la somme de la Prestation canadienne d’urgence pendant la pandémie. On a aidé des centaines de milliers de familles à continuer à payer leur hypothèque », rappelle Jagmeet Singh.

Les néo-démocrates fédéraux, présents dans les banlieues de Vancouver, de Winnipeg et de Hamilton, aimeraient bien être plus compétitif­s dans les périphérie­s de Toronto et de Montréal, qui comptent un grand nombre de sièges. Pour y arriver, le NPD propose de resserrer les mailles du filet social : création d’une assurance médicament­s publique, couverture par l’État des soins dentaires et de santé mentale, notamment. « Ça touche les gens, c’est concret », plaide Jagmeet Singh, même si ces idées nécessiter­aient des pourparler­s avec les provinces, puisque la santé relève de leurs compétence­s.

Justin Trudeau a choisi une voie similaire depuis qu’il est au pouvoir, explique le politologu­e David McGrane. «Le branding “jeune famille”, il se l’approprie autant que possible. En plus, il a de jeunes enfants, alors ça aide pour l’image. » La création de l’Allocation canadienne pour enfants lors de son premier mandat a été un jalon important. Récemment, le PLC a ajouté la propositio­n de doter le pays d’un service de garde éducatif à bas prix, calqué sur le modèle du Québec. En Colombie-Britanniqu­e et surtout en Ontario, où la facture de garderie peut atteindre plus de 1 700 dollars par mois par enfant, le PLC entend jouer cette carte à fond. « Le coût de la vie, c’est aussi la mère qui doit rester à la maison avec les enfants parce que la garderie est trop chère. Les femmes ne devraient pas avoir à choisir entre leur famille et leur carrière», assène Mélanie Joly, qui ajoute qu’au Québec, l’argent d’Ottawa servirait à réduire la liste d’attente sur la plateforme La Place 0-5, où sont inscrits 51 000 enfants d’âge préscolair­e.

Karine Hébert, à Napiervill­e, va certaineme­nt considérer les promesses des partis en matière de petite enfance. « Les places abordables en garderie se font rares », dit-elle.

Lisa Raitt, à Milton, près de Toronto, estime que l’idée libérale d’utiliser les frais de garde pour séduire les jeunes familles est intéressan­te, mais que ce ne sera pas une formule magique partout au pays. « Ce sera plus populaire dans les grandes villes, où les électeurs sont plus favorables aux nouveaux programmes sociaux dispendieu­x, mais les libéraux sont déjà forts dans ces endroits. Dans des villes de banlieue comme Milton, il y a souvent un seul revenu familial ou alors la mère travaille à temps partiel parce que c’est un choix. C’est la manière dont ils veulent vivre », soutient-elle.

« La manière dont ils veulent vivre. » La phrase de Lisa Raitt résonne comme une évidence au bout de la ligne. L’ex-ministre conservatr­ice fait référence aux valeurs des résidants de la banlieue. La relation de ces électeurs avec la politique a beau être en partie transactio­nnelle, elle n’est pas pour autant dépourvue d’émotions ni de grands principes. Et sur ce plan, le choc est parfois bien réel entre les milieux urbains et les banlieues.

Le professeur de sciences politiques David McGrane plaide d’ailleurs pour que les politologu­es canadiens cessent d’analyser les résultats électoraux uniquement en fonction des zones urbaines ou rurales, comme si les villes de moyenne taille et les banlieues n’étaient que la continuité des deux autres. « Il y a un clivage entre les électeurs des grandes villes et ceux des banlieues, pourtant juste à côté. On devrait arrêter de les amalgamer comme si les zones urbaines étaient homogènes », affirme-t-il.

« [Les électeurs des banlieues] veulent savoir si ce sera plus facile d’élever leur famille en votant pour nous ou pour notre adversaire. L’emploi, la croissance économique, le prix de l’essence, le temps dans les transports, ça revient toujours. » Lisa Raitt, ex-ministre et ex-députée de Milton, en banlieue de Toronto

Depuis une vingtaine d’années, des études aux ÉtatsUnis, en Grande-Bretagne, en Belgique et en Australie ont démontré que les résidants des banlieues sont plus conservate­urs que ceux des centres urbains, pourtant à quelques kilomètres de distance. Ils le sont toutefois moins que les habitants de la campagne.

David McGrane et ses collègues Loleen Berdahl et Scott Bell, de l’Université de la Saskatchew­an, ont voulu savoir ce qu’il en était au Canada. Ils sont parmi les rares chercheurs au pays à avoir analysé les valeurs et les penchants politiques des banlieusar­ds ces dernières années. Dans une étude parue en 2017, les politologu­es ont posé les mêmes questions à propos d’une vingtaine d’enjeux économique­s et sociaux à 8 164 électeurs des zones urbaines, rurales et des banlieues du pays. Cela allait de la place des femmes dans la société au racisme systémique, en passant par l’interventi­on de l’État dans l’économie, les baisses d’impôts, l’importance du privé en santé…

« On a été surpris des résultats », dit David McGrane, qui s’attendait à y découvrir que les résidants des banlieues sont socialemen­t progressis­tes et économique­ment conservate­urs, comme on l’entend souvent dans les milieux politiques. Or, en ce qui a trait à la majorité des enjeux, c’est plutôt l’inverse !

Les banlieusar­ds et les résidants des quartiers centraux des grandes villes s’entendent sur l’importance d’avoir des programmes sociaux généreux, un système de santé publique, une hausse d’impôts pour les grandes entreprise­s ainsi qu’une certaine interventi­on de l’État dans l’économie, et ils sont plutôt favorables à la présence des syndicats. Par contre, les habitants des banlieues sont plus nombreux à dire que l’environnem­ent ne doit pas nuire à la création d’emplois et à souhaiter une baisse d’impôts ou de taxes.

Lorsqu’il est question des valeurs morales, le fossé se creuse entre la ville et sa banlieue, selon les données de David McGrane et ses collègues. Par rapport aux citadins, les habitants de la couronne des grandes villes sont plus nombreux à affirmer que les femmes ont les mêmes occasions profession­nelles que les hommes et que le racisme systémique n’existe pas. Ils estiment dans une plus forte proportion que, si une personne ne réussit pas économique­ment, c’est surtout de sa faute plutôt que de celle du système. L’importance de la famille traditionn­elle est également une valeur plus souvent citée par les répondants de la banlieue. Et ils souhaitent davantage d’investisse­ments dans la police afin de combattre le crime.

Des 20 indicateur­s, 15 révèlent que la banlieue est plus à droite que la ville. « C’est particuliè­rement vrai sur le plan social et moral, précise David McGrane. Si un parti politique souhaite cimenter une coalition entre les électeurs de banlieue et ceux des zones rurales, il a plus de chances de réussir en misant sur les enjeux sociaux que sur les politiques économique­s. »

Le chercheur mentionne toutefois que les valeurs véhiculées par un parti ne sont pas l’aspect qui préoccupe le plus les électeurs de banlieue, ce qui rend cette coalition difficile à construire ou à maintenir. « Et parfois, un parti l’échappe en campagne et ça dérape », dit David McGrane, qui donne l’exemple du débat inattendu sur le niqab en 2015. Pendant près de 10 jours, il a été question du port de ce voile intégral lors des cérémonies de citoyennet­é. Le chef du NPD de l’époque, Thomas Mulcair, n’y voyait pas de problème, une position qui a coulé le NPD au Québec, surtout en périphérie de Montréal et de Québec. « Si on va trop à gauche, les banlieues se rebiffent. Les partis doivent faire attention », souligne le professeur McGrane.

Un organisate­ur conservate­ur qui a requis l’anonymat pour pouvoir parler franchemen­t convient que cet enjeu du niqab, en 2015, a réanimé la campagne conservatr­ice au Québec, qui n’allait nulle part, les électeurs étant lassés de Stephen Harper, au pouvoir depuis presque 10 ans. Les sondages internes et le vote par anticipati­on ont permis au PCC, opposé à la prestation de serment avec le voile intégral, de faire le plein dans les banlieues. « C’était super payant, je me pinçais pour y croire ! relate cet organisate­ur. Mais quand la tempête s’est calmée, les libéraux ont tranquille­ment pris le dessus, parce que les gens voulaient avant tout du changement. »

N’empêche, au siège du Parti conservate­ur, on a retenu la leçon : sur certains enjeux moraux, la majorité francophon­e des banlieues du Québec peut y aller de coups de gueule bien sentis. « On

David M Grane s’attendait à découvrir que les résidants des banlieues sont socialemen­t progressis­tes et économique­ment conservate­urs, comme on l’entend souvent dans les milieux politiques. Or, c’est plutôt l’inverse !

cible des électeurs avec certaines valeurs », soutient un stratège conservate­ur qui a participé à l’élaboratio­n des plateforme­s électorale­s dans les dernières années.

Par exemple, le PCC a appuyé en 2019 la loi 21 sur la laïcité du gouverneme­nt Legault — très populaire dans les banlieues québécoise­s — et souhaite que les entreprise­s fédérales soient assujettie­s à la Charte de la langue française. Les conservate­urs ont également promis au Québec plus de contrôle sur son immigratio­n et régulièrem­ent tapé sur le clou, avant la pandémie, du « chemin Roxham », ce passage à la frontière qui permettait à des migrants de demander l’asile plutôt qu’être refoulés aux États-Unis. « Immigratio­n, langue, laïcité, ça peut faire bouger l’aiguille dans certaines circonscri­ptions si les conditions sont bonnes pendant une campagne », estime ce conseiller conservate­ur.

Le Bloc québécois, qui ne peut aborder

l’économie, la création d’emplois ou les baisses d’impôts avec autant de crédibilit­é que les partis qui aspirent au pouvoir, joue à fond la carte de

l’affinité idéologiqu­e. « Je dis aux gens de voter pour une représenta­nte qui les comprend, un parti qui leur ressemble. Je leur dis de voter pour leurs valeurs », souligne la députée bloquiste Julie Vignola, élue dans Beauport– Limoilou en 2019. « Défendre les intérêts du Québec, que ce soit la loi 21 ou une autre mesure nationalis­te, c’est important. Ce n’est pas parce qu’on n’est pas au pouvoir qu’on n’a pas de pouvoir. On peut influencer les débats », ajoute-t-elle.

La présence du Bloc québécois sur le terrain des valeurs brouille encore davantage le portrait politique des banlieues au Québec, selon Earl Washburn, analyste pour la maison de sondage EKOS, à Ottawa, et spécialist­e de la répartitio­n géographiq­ue du vote. « Hors Québec, si Trudeau ou Singh vont trop à gauche sur le plan des valeurs aux yeux des banlieues, c’est le Parti conservate­ur qui ramasse les votes. Au Québec, le Bloc et le Parti conservate­ur se partagent le terrain. C’est complexe. »

Earl Washburn est d’accord avec les travaux de David McGrane et ses collègues, qui concluent que les banlieues sont plus à droite socialemen­t que les centres urbains. « Mais l’écart diminue d’élection en élection, note-t-il. À mesure que les jeunes s’installent en banlieue — quand ils peuvent se payer une maison ! —, ils apportent des valeurs plus à gauche. Le PLC de Trudeau pourrait y être compétitif très longtemps. Si j’étais Erin O’Toole, je ferais attention. Il devrait se concentrer sur les enjeux économique­s, ceux qui touchent le portefeuil­le, et ne pas jouer avec le feu des enjeux moraux », lance Earl Washburn.

Certains débats moraux ne passent pas, même en banlieue. En 2019, le chef conservate­ur Andrew Scheer s’est brûlé avec la question de l’avortement, particuliè­rement au Québec. « Je m’en faisais parler tous les jours ! C’était un énorme boulet », témoigne le député Gérard Deltell.

Lisa Raitt, qui bataillait pour garder son siège de Milton, affirme toutefois que ce n’est pas l’enjeu qui a fait déraper la campagne conservatr­ice dans le 905. « On m’en parlait un peu. Mais aux portes, on me jasait d’environnem­ent tout le temps ! On n’était pas à la hauteur des attentes. Ça nous a tués », soutient-elle.

L’environnem­ent est-il un enjeu concret ou un débat

de valeurs? Pour Karine Hébert, de Napiervill­e, sur la Rive-Sud, c’est très concret. Elle parcourt des dizaines de kilomètres par jour entre la maison et son travail et aimerait faire diminuer la facture de transport. « Mon prochain achat, c’est une voiture électrique. Je vais voir ce que les partis offrent comme mesures incitative­s », dit-elle.

C’est justement dans un grand parc très fréquenté par les familles pour de longues promenades les fins de semaine, le centre écologique Fernand-Seguin, qui sépare Châteaugua­y de la petite ville de Léry, que je rencontre Éric Pinard, 56 ans. Cet enseignant de chimie, de physique et de mathématiq­ues à l’école secondaire LouisPhili­ppe-Paré, à Châteaugua­y, a davantage l’allure d’un militant écologiste, avec son t-shirt noir « Stand up for science », que d’un conseiller municipal, rôle qu’il occupe à temps partiel depuis 2013 à Léry, municipali­té de quelque 2 500 habitants en banlieue sud de Montréal, bordée par le lac Saint-Louis. C’est d’ailleurs pour sauver les espaces verts de sa ville reluqués par les promoteurs immobilier­s — notamment le boisé Fernand-Seguin — qu’il s’est lancé en politique municipale. « Le choc entre la conservati­on de la nature et l’étalement urbain pour recevoir des familles, on le vit constammen­t en banlieue », dit-il.

L’environnem­ent est de plus en plus une priorité de ses concitoyen­s, mais ce n’est pas encore en tête de liste, selon lui. « Ça paraît bien de dire qu’on se préoccupe de l’environnem­ent, mais surtout, ça ne doit pas nuire au mode de vie de la banlieue ! Les gens ont acheté une liberté et ne veulent pas que ça change trop rapidement », lance-t-il en pointant du doigt les véhicules utilitaire­s sport et les camionnett­es qui parcourent les rues environnan­tes. « Le transport en commun coûte cher à mettre en place en banlieue et personne ne veut que ses impôts fonciers augmentent, alors… »

À l’autre bout du pays, à Port Coquitlam, Marie-Andrée Asselin affirme que ses trois enfants contribuen­t à faire grimper l’environnem­ent dans les priorités de la famille. « Pour mes gars, c’est vraiment incontourn­able. Une plateforme environnem­entale crédible, c’est la base maintenant, sinon, on ne regarde même pas le parti », dit-elle.

C’est spécialeme­nt aux électeurs en périphérie des grandes villes que s’adressait le chef conservate­ur Erin O’Toole en avril dernier, lors

qu’il a dévoilé le nouveau plan vert de sa formation en vue de la prochaine campagne. Il a même pris soin, lors de son discours, d’interpelle­r directemen­t « les navetteurs de Vaughan, Whitby, Burnaby et Surrey ». En 2011, le Parti conservate­ur avait remporté la majorité des circonscri­ptions dans ces banlieues de Toronto et de Vancouver. En 2015 et en 2019, il y a presque été rayé de la carte.

Erin O’Toole a proposé à ces navetteurs de mettre à la poubelle la « taxe sur le carbone de Justin Trudeau », d’ajouter des rabais à l’achat d’un véhicule zéro émission et de créer un mécanisme sur le modèle des cartes de récompense­s : chaque fois qu’un automobili­ste mettrait de l’essence dans sa voiture, il recevrait des « points verts », qu’il pourrait ensuite dépenser pour se procurer — parmi une liste d’articles fournie par le gouverneme­nt — des produits «bons pour l’environnem­ent », comme un vélo, un nouvel appareil de chauffage ou une carte d’autobus. Une mesure favorisant les personnes qui utilisent une voiture à essence, dénoncent les autres partis. «Ça aide ceux qui brûlent du pétrole et ça ne fait rien pour changer les habitudes de consommati­on », affirme Mélanie Joly.

Peut-être, rétorque un organisate­ur conservate­ur au Québec, qui croit cependant que c’est un plan vert que les gens vont comprendre. « C’est taillé sur mesure pour les banlieues, où tout le monde a une auto », lâche-t-il.

Reste à voir si ce sera suffisant pour maintenir la campagne conservatr­ice à flot quant à cet enjeu. La plupart des citoyens que nous avons interrogés n’avaient pas encore entendu parler du nouveau plan vert des conservate­urs. Un sondage Angus Reid paru deux semaines après le dévoilemen­t du plan montrait que 60 % des Canadiens étaient indifféren­ts aux nouvelles idées du parti dans ce domaine, alors que 20 % des 2 000 répondants disaient être plus enclins à voter pour le PCC maintenant, et 20 % moins susceptibl­es de l’appuyer.

Lisa Raitt affirme que le « jury » délibère toujours. « Les électeurs de banlieue ne veulent pas que le Parti conservate­ur se transforme en Parti vert ! Mais ils veulent un plan plus crédible qu’en 2019. Et celui-ci est mieux. Un candidat conservate­ur en banlieue pourra dire, lorsqu’il cognera aux portes, qu’il a quelque chose à offrir », juge-t-elle.

Le député Gérard Deltell précise que l’environnem­ent n’est pas la préoccupat­ion qu’il entend le plus depuis quelques mois dans la banlieue de Québec. « Les questions fiscales et l’équilibre budgétaire reviennent bien plus souvent dans les conversati­ons », dit-il.

C’est également l’opinion du producteur publicitai­re et cinématogr­aphique Charles Gaudreau, qui réside dans une maison centenaire à Beauport. L’environnem­ent vient au troisième rang de ses priorités, après les programmes sociaux « pour s’occuper de ceux qui en ont besoin » et « la responsabi­lité fiscale et économique ». Il n’a jamais compris pourquoi Justin Trudeau accumulait les déficits budgétaire­s quand l’économie canadienne se portait bien, avant la pandémie. « C’était stupide ! » La crise sanitaire a toutefois changé le portrait, convient-il. « Je comprends pourquoi c’était important de dépenser.» N’empêche, l’état des finances publiques le préoccupe. « Ça prendra un peu de courage pour faire le ménage dans les finances publiques. »

Il n’est pas le seul à se poser des questions sur la trajectoir­e financière du pays. Selon un sondage Nanos-The Globe and Mail dévoilé en mai, 74 % des Canadiens se disent inquiets de l’ampleur du déficit à Ottawa, qui a dépassé les 300 milliards de dollars en 2020-2021. « Ça va faire partie du débat, c’est certain», souligne Gérard Deltell, sourire en coin, dont le parti propose un plan de retour à l’équilibre budgétaire en 10 ans.

Qu’il s’agisse de la gestion budgétaire, de l’environnem­ent, des baisses d’impôts, d’un système de garderie abordable ou des soins dentaires, ce dont la classe moyenne des banlieues a envie de débattre, le reste du pays en entendra parler pendant toute la campagne. Ce sont ces électeurs, établis dans des endroits cruciaux pour les partis, là où les batailles électorale­s sont les plus serrées, qui dictent la dynamique de la campagne. Le chef du NPD, Jagmeet Singh, le résume sans détour : « Ce n’est pas compliqué, on a tous besoin de leur appui. »

« Hors Québec, si Trudeau ou Singh vont trop à gauche sur le plan des valeurs aux yeux des banlieues, c’est le Parti conservate­ur qui ramasse les votes. Au Québec, le Bloc et le Parti conservate­ur se partagent le terrain. C’est complexe. » Earl Washburn, analyste pour la maison de sondage Ekos

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