L’actualité

Les 8 contre-attaquent

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Le 16 avril 1981, une contre-propositio­n est signée par le Québec, le Manitoba, l’Alberta, la Colombie-Britanniqu­e, Terre-Neuve, l’Île-du-Prince-Édouard et la Nouvelle-Écosse, auxquels la Saskatchew­an se joint peu après. Québec accepte de renoncer à son droit de véto sur les amendement­s constituti­onnels (conféré par son statut de peuple fondateur) en échange de l’adoption d’un droit de retrait avec compensati­on.

Claude Morin Le substitut au projet fédéral indisposai­t beaucoup Trudeau. Ce qu’on avait établi comme dispositio­n, c’était que si le fédéral avait un projet qui concernait des compétence­s relevant des provinces — l’éducation, par exemple —, une province avait le droit de se retirer du projet avec l’équivalent financier qu’elle aurait obtenu s’il avait été mis en oeuvre.

Martine Tremblay Les autres provinces voulaient absolument avoir une contre-propositio­n face à Ottawa. Parce que le défi, pour elles, était de faire comprendre à leur population pourquoi elles s’opposaient au projet de rapatrieme­nt de la Constituti­on de Trudeau.

Ç’a été ardu. Le front commun a failli se rompre ce soir-là. René Lévesque leur a dit : « Je ne renoncerai jamais au droit de véto si

c’est pour avoir un droit de retrait sans compensati­on. Il faut que ce soit un retrait avec compensati­on financière. Si ce n’est pas ça, moi, je m’en vais, c’est terminé. »

Graham Fraser La Cour suprême a décidé par la suite que le véto n’existait pas ! Tout le monde pensait que ça existait : quand le Québec disait non, tout le monde disait que le Québec avait exercé son véto. C’était reconnu. Il y avait une croyance, pas juste au Québec, que, pour apporter un changement constituti­onnel, il fallait l’unanimité.

Martine Tremblay Il y a un mythe là-dessus. Il y avait une sorte de véto, je dirais politique ou symbolique. On a reproché après à René Lévesque d’y avoir renoncé, mais lui, il l’a défendu en disant : « Le véto, dans le fond, ça empêche de bouger, alors que le droit de retrait, ça fait qu’on arrête d’être les empêcheurs de tourner en rond. Si des provinces veulent consentir certains pouvoirs au fédéral, elles pourront le faire, alors que nous, on s’en retirera avec une compensati­on financière. »

Claude Morin Cette idée de retrait avec compensati­on, ça rendait Trudeau malade. Chrétien aussi.

Martine Tremblay Notre seule arme était de continuer à faire front commun avec les provinces ! On répétait « stick to the accord », comme un mantra. Le front commun était en position de force à ce moment-là, mais Trudeau était inflexible. Il disait : « Bon ben moi, si on ne s’entend pas, je m’en vais à Londres, je vais unilatéral­ement porter la résolution au Parlement britanniqu­e. Puis tant pis pour les provinces. » Ce n’est pas une caricature.

Le Groupe des 8, réuni le 3 novembre 1981 à Ottawa. Dans le sens horaire à partir de la gauche : Brian Peckford, Terre-Neuve ; Allan Blakeney, Saskatchew­an ; Angus MacLean, Île-du-Prince-Édouard ; John Buchanan, Nouvelle-Écosse ; René Lévesque, Québec ; Peter Lougheed, Alberta ; William Bennett, Colombie-Britanniqu­e ; Sterling Lyon, Manitoba (de dos).

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