L’actualité

La nuit fatidique

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À la « rencontre de la dernière chance », le Groupe des 8 s’accroche à l’entente du 16 avril et Trudeau refuse toujours d’y souscrire. La propositio­n fédérale de tenir un référendum pancanadie­n sur la Charte, appuyée par Lévesque, ouvre une brèche dans le front commun avec les autres provinces, opposées à l’idée. Autour des tables de conférence­s officielle­s, les discussion­s parallèles se multiplien­t. On décide de prolonger la rencontre jusqu’au 5 novembre.

Dans la soirée du 4 au 5 novembre, les ministres de la Justice Jean Chrétien (Canada), Roy Romanow (Saskatchew­an) et Roy McMurtry (Ontario) se réunissent pour griffonner un compromis. Une clause de dérogation à la Charte (aussi appelée « clause nonobstant ») y figure pour permettre aux provinces de se retirer de certains points, mais pas la compensati­on financière. Conciliabu­les et discussion­s nocturnes dans des chambres d’hôtel, des bars et des restaurant­s d’Ottawa vont finir de sceller l’entente, mais sans le Québec, rentré à Hull.

Claude Morin Je savais que, dans l’esprit de Pierre Elliott Trudeau, c’était vraiment la conférence de la dernière chance. Je le connaissai­s depuis 1958, je le tutoyais, même. On m’avait dit : « Il n’aime pas beaucoup être tutoyé. » J’ai continué, devant tout le monde, en l’appelant Pierre. Je faisais exprès pour l’écoeurer. Il ne m’aimait pas !

Claude Morin Nous savions que les autres provinces craignaien­t qu’Ottawa soumette son projet à un référendum pancanadie­n. Parce que, dans chacune d’elles, les gens étaient d’accord avec le plan fédéral. Trudeau faisait exprès pour faire peur aux autres provinces.

Graham Fraser Les sept premiers ministres dissidents n’étaient pas prêts à faire campagne partout au pays, dans leur propre province, contre le gouverneme­nt fédéral, contre une Charte des droits et contre un orateur aussi frappant que M. Trudeau. Donc, d’une certaine façon, pour eux, moralement, ça mettait fin à leurs obligation­s au Groupe des 8.

Claude Morin Nous, on a accepté l’idée d’un référendum, on savait qu’on allait le gagner au Québec.

Martine Tremblay L’histoire du référendum, c’est arrivé en plein milieu de l’avant-midi, personne n’a vu venir cette affaire-là. Et puis, dans l’après-midi, le ballon s’est dégonflé. On s’est aperçu que l’histoire de Pierre Elliott Trudeau, c’était de la bouillie pour les chats. Mais plutôt que de terminer la conférence sur un échec, il a été décidé d’ajouter une quatrième journée.

Rendu au troisième soir, on voyait bien évidemment que les choses s’annonçaien­t mal. Mais pour René Lévesque, il n’était pas question de rater le petit-déjeuner du lendemain matin et qu’on lui reproche d’être parti avant la fin.

Claude Morin Des discussion­s de couloir, il y en avait tout le temps. Dans les conférence­s constituti­onnelles, on apprend énormément de choses rien qu’en placotant avec les membres des autres délégation­s. Quelqu’un nous donne un morceau et ensuite on ajoute un morceau de quelqu’un d’autre. Finalement, on obtient une image pas mal complète. Et puis, on aurait été estomaqués que le front commun tienne jusqu’à la fin.

Graham Fraser À la fin de la matinée du 4 novembre, M. Lévesque et M. Trudeau commençaie­nt à se défier, en français, devant les premiers ministres anglophone­s. Trudeau a dit : « On peut avoir un référendum sur la Charte des droits. »

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